L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

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patitox
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par patitox »

Ole Ferme l'oeil a écrit :
Jean a écrit :
Ole Ferme l'oeil a écrit :Il semble y avoir tant de confusion entre la notion de sexe et celle de genre.
Oui. C'est ce qui me gêne dans cette notion de cerveau "masculin" - ce qui fait que je n'ai pas lu beaucoup de choses sur le sujet. Je suis allergique.
Je ne suis donc pas le seul à faire cette allergie.
J'ai lu plein de textes très intéressants de personnes dans la communauté LGBTQ etc... ou dans le spectre au sens le plus élargi, la différenciation entre sexe et genre m'a permis de réaliser que si je ne suis pas du tout transsexuel (aucune envie de changer de sexe) ni transgenre (je ne m'identifie pas à la définition stricte et ou stéréotypée du genre féminin) je suis probablement un peu agender (ou un chouïa pangender?)
pour ma part, j'appellerai ça avoir le genre flou ou effectivement pas de genre / agender dans le cerveau... c'est ce que je ressens...
moi aussi je me suis posé cette question...

(j'espère ne pas fare de déterrage de post) mais, ça fait trois pages que je veux réagir et j'en ai encore 6 à lire... ^^

sinon, pour ce qui est du manque d'empathie supposé des autistes...
perso, quand je comprends empathie, c'est se soucier des autres... pas besoin de théorie de l'esprit, débile par ailleurs, au moins pour ma part, je ne théorise pas qqchose dont je ne sais rien et ça m'évite de faire de fausses analyses et de me fourvoyer...
je pense avoir de l'empathie puisque je me soucie des sentiments des autres... le fait que je ne sache pas ce qu'ils pensent, et que j'exprime mal les sentiments n'a rien à voir... c'est une méprise de la part de certains analystes, je pense...
et puis bon, résultat, j'invite les gens à me dire ce qu'ils ressentent... et on peut discuter... même si je suis plutôt à mon aise sur le pratique et que je verbalise pas trop les sentiments...

côté masculin, on pense les "hommes" dénués d'empathie mais dans les sociétés occidentales, on ne les encourage pas à être expansifs...
c'est pas pour ça, qu'ils s'en foutent, puisqu'ils peuvent questionner amis, famille ou moitié pour connaître la source d'un inconfort...
le truc, c'est que là où j'observe que certaines "femmes" aiment à parler, parler, parler de leurs soucis juste en voulant être gentiment écoutées (et je fais ça à merveille, même si je ne comprends parfois rien du tout à leurs histoires) ^^
et bien, les hommes pensent, inconfort donc problème donc solution... bah oui ! ^^ logique, tu t'en plains, tu veux une solution, c'est une équation ?
mais en fait, ça a tendance à horripiler les femmes, d'après ce qu'elles disent et elles pensent qu'ils ne sont pas à l'écoute...
d'où le mythe de l'homme dénué d'empathie, et le fait qu'on colle cette étiquette aux autistes...

pour moi, c'est juste du malaise social,
de l'empathie maladroitement exprimée LOL

bon, je retourne à ma lecture, si vous voyez un autre post juste après celui-ci de ma part, je m'en excuse d'avance...
mais je risquais d'oublier ce que je voulais dire...
:mryellow:
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par patitox »

Jonquille57 a écrit :Tu n'es pas hors sujet, Rom, et au contraire, ton témoignage est le bienvenu ! :bravo:

Si je prends le cas de mon fils, quand il était petit, il s'exprimait mieux que la moyenne des enfants de son âge. Parfois, cela se remarquait. Maintenant, je ne vois pas la différence entre un autre jeune de son âge et lui. Au contraire, lui parait moins mûr dans sa façon de s'exprimer. Peut-être que le vocabulaire vient d'un coup chez les personnes avec TED puis évolue moins vite que pour une personne NT... Pardon si je dis une bêtise, mais cela pourrait être une explication.
J'observe la même chose que ROM dans mon cas...
pour répondre à ta question jonquille... ce n'est que mon avis...
mais je pense qu'étant enfant, j'étais tellement incapable de comprendre les autres et je voulais tellement créer un lien, ça plus des hospis et le fait de lire le dico, que je m'exprimais de façon compliqué...
j'ai fini par observer que ça augmentait les quiproquos et problèmes de communication avec les autres et j'ai rectifié mon langage en conséquence...
de plus, je n'étais pas capable d'écouter, je monopolisais les conversations sans m'en rendre compte...
le fait de devoir être attentif aux réactions de mon / mes interlocuteurs et de m'efforcer de conserver à la fois un discours sensé et adapté, plus une attitude socialement acceptable (ne pas me balancer ou jouer avec ma voix ou autre fantaisies du genre... genre tourner en rond super vite en parlant à qqun), et un ton de voix et un masque facial approprié à mon discours et au feeling que je veux faire passer (oui c'est un peu de l'acting, mais ce n'est en aucun cas du mensonge... c'est juste un outil pour me faire comprendre)... bref, tout ça est très énergivore notamment au niveau cérébral...
résultat des fois, je perds même le fil de ce que je dis, ou je trébuche dans mon discours...
ça ne m'arrivait pas étant enfant...
mais c'était pas de la réel communication...

on peut pas tout faire à la fois on va dire... je ne regrette pas... (sauf peut-être le fait de me rappeler de toutes les classes et sous classes de papillons et hyménoptères et du nom des pierres et minéraux... et maintenant que je pourrais en parler comme il faut à quiconque serait intéressé, mon cerveau devient de la purée de pois à cause de tout ce merdier de communication appropriée :P )
lol
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Benoit
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Benoit »

patitox a écrit : sinon, pour ce qui est du manque d'empathie supposé des autistes...
On va dire que mon message aussi peut être sauté par ceux qui suivent l'autre conversation.

Maintenant qu'on est entre nous, ce que les spécialistes appellent empathie n'est pas exactement ce que tu (et les gens en général) appelles empathie.

On peut aller jusqu'à diviser l'empathie en deux axes, comme dans une publication que je vais essayer de retrouver.
L'empathie "affective" est ce que tu appelles l'empathie. Synonymes: ressentir de la compassion, de l'affection, se soucier des autres. Beaucoup de spécialistes reconnaissent que les autistes ont beaucoup de cette empathie.

Après il y a l'empathie "cognitive" qui correspond à réagir de façon appropriée dans certaines situations (ce qui nécessite de déchiffrer ce qui se passe en premier lieu) et à adopter le point de vue de l'autre de façon spontanée (que ce soit un autre "humain" ou un autre "personnage fictif de roman ou de film).
Et c'est là qu'est le problème. (et qu'il est lié à la théorie de l'esprit).

En gros, j'arrive à me mettre à la place de quelqu'un, de ressentir du soucis pour lui (plutôt plus que la moyenne) mais je ne sais pas trop comment l'exprimer et je ne sais pas faire abstraction du 'moi' pour se mettre à sa place à 'lui'.

Bon je ne sais plus trop si je suis clair, là.
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

J'avoue que les dernières lignes ne me semblent pas très claires - ou pas convaincantes.

La distinction entre empathie affective ou cognitive est, par contre, très claire.

L'empathie affective, j'ai tendance à l'appeler "sympathie".

Pour ce qui est de l'empathie cognitive, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question d'expression [de la personne qui réagit], mais de compréhension [d'une personne par celle qui réagit].
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omega
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par omega »

Je vois à peu près ce que veut dire Benoit.
Sentir l'atmosphère d'un lieu, les joies et les peines des gens, s'ils sont embarrassés, pas sincères, etc., ça oui ++++
Par contre, comme le souligne Benoit, le problème c'est clairement de savoir comment réagir en face. Et là, difficile pour ne pas dire impossible, de sentir naturellement quel comportement adopter, de savoir quoi/comment communiquer en retour, de répondre aux attentes des autres.
On est super pointus en perception, mais pas doués en communication, ou alors pas selon les mêmes schémas.

Cela donne des situations frustrantes au quotidien: on est assez lucide (voire +++) pour percevoir de manière aiguë ce qui se passe autour de nous, mais incapables de réagir de manière appropriée, ou du moins décodable par les autres. C'est là qu'on peut se retrouver enfermé, à mon sens.

Quant à l'empathie des autres, je ne sais qu'en penser... ressentent-ils vraiment ce que ressentent les autres, ou bien ce que EUX ressentiraient dans la même situation?
Je reprends un exemple déjà cité, mais pertinent à mes yeux: je suis peut-être hyperlaxe, du moins capable de rabattre mes pouces contre mes poignets. :mryellow: Quand ils me voient faire, les gens ont souvent "mal pour moi". S'ils sentaient réellement ce que je sens, ils n'auraient pas "mal", puisque ça ne me fait pas mal! Si eux faisaient la même chose, là... Image
Donc c'est quoi réellement, l'empathie dans ce cas-là?
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Murielle »

En effet Oméga, c'est très juste ce que tu soulignes:
Les gens ont mal pour toi car si eux, faisaient cela ....ils auraient mal.! :mryellow:
Murielle,
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Benoit
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Benoit »

Désolé pour le manque de clarté, il m'est difficile de m'exprimer sur le sujet d'un sens manquant. D'après l'échelle la plus répandue dans les questionnaires, utilisée à la fois dans le domaine psychologique et par les neurologues, on découpe empathie en 4 'scores' dont deux du domaine "cognitif" et deux du domaine "affectif".
  • 1. Perspective Taking ou Mise en Contexte, correspond à la fonction cognitive d'adopter spontanément le point de vue psychologique de l'autre.
    2. Fantasy ou Fantasme, correspond à la fonction cognitive de s'identifier à un personnage de fiction.
    3. Empathic Concern ou Compréhension Empathique qui correspond à la fonction affective de ressentir un sentiment pour autrui (sympathie, donc)
    4. Personal Distress ou Détresse Personnelle qui correspond à l'intensité des 'souffrances' occasionnées chez soi par les émotions négatives des autres.
A priori, on score plutôt bien sur les échelles 3 et 4, mais moins sur les autres.

Après, à cela se superposent les mécanismes neurologiques qui font qu'il semblent que les mêmes zones sont activées pour réagir aux émotions qui affecte soi et les autres, mais que d'autres mécanismes entrent en marche pour apporter de la distance, bien que tout ceci soit encore sujet de controverse (le rôle des neurones-miroirs n'étant pas forcément bien cerné).

Ainsi que le caractère glissant de ce domaine d'étude, le manque de 'empathie' pouvant évoquer dans l'imagination de chacun des profils à la Hannibal Lector, et qui fait que Baron-Cohen s'est senti obligé dans son dernier bouquin de distinguer les gentils autistes et mauvais psychopathes.
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Ole Ferme l'oeil a écrit :Quand tu dis contention, tu fais référence au packing sec?
J'ai utilisé ce mot dans une traduction en cours d'un texte de Joel Smith, mais je l'utilisais comme traduction de l'anglais "restraint" c'est à dire que je parlais de ça:
Je ne crois pas qu'on puisse assimiler "contention" à "packing sec".
"Restraint and seclusion" me semblent bien traduits par "contention et isolement".

Voir le sujet : Internement en psychiatrie

Et les risques de décès correspondent bien à ce qui est arrivé à Marseille.

Le terme "wrap" (emballer - couverture) se rapprocherait plus du packing.

Commentaire d'Emmanuel sur le pack sec :
C'est ce packing là avec les des linges trempés dans l’eau froide, qui doit être dénoncé. Car le pack sec est totalement inoffensif si il est fait avec le consentement de la personne concernée et par une assistance responsable et qualifiée.
Voir la discussion sur Canada : déces d'un petit garcon autiste a cause du packing
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par patitox »

sauf que c'est de la foutaise cette empathie là et leur théorie de l'esprit...
ils sont toujours à leur propre place à eux et peuvent interpréter de façon erronée ce que les gens ressentent comme le dit si bien omega...
ça explique que selon leur propre système de valeurs, ils nous trouvent hautain et snobs, ou moqueurs... alors qu'on est juste mal à l'aise par exemple...
(par exemple, comme on m'a dit : sourire arrange tout , et quand tu sais pas quoi faire souris... je souris ! très souvent ! :) mais parfois ça tient plus du chien ou du singe qui montre les dents, si je suis trop figé avec le rictus... c'est pas du tout sympa en fait... mais visiblement, un sourire c'est toujours bien, ça peut pas être une grimace ! mais chez moi, c'est parfois une grimace...)

donc, je sais pas si c'est clair ce que je dis... mais pour moi, la théorie de l'esprit n'a pas grand sens...
c'est plus comment s'imaginer soi-même ce qu'on ferait à la place de l'autre en lui prêtant des intentions qu'il n'a pas eu...

par contre le fictif, lire des perso, ou écrire un perso... pas de souci j'ai toutes ses stats et ses paramètres en main... donc oui, je peux me mettre à sa place...
mais qqun d'autre... de réel, j'ai pas ses paramètres : je peux pas !
(ça fait un peu rôliste ce que je dis, là ? :mrgreen: )
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par omega »

patitox a écrit :(par exemple, comme on m'a dit : sourire arrange tout , et quand tu sais pas quoi faire souris... je souris ! très souvent ! :) mais parfois ça tient plus du chien ou du singe qui montre les dents, si je suis trop figé avec le rictus... c'est pas du tout sympa en fait... mais visiblement, un sourire c'est toujours bien, ça peut pas être une grimace ! mais chez moi, c'est parfois une grimace...)
Ouais, j'ai pris bien malgré moi ce sale réflexe aussi... dont je ne parviens à me débarrasser, et qui m'énerve au plus haut point! :lol:
Ca me rappelle en tous points le "snapping" de mon poulain: claquement de dents caractéristique des poulains face aux adultes, en signe de soumission et pour désarmer leur agressivité. (normalement, quand il reçoit ce signal, un cheval adulte n'agresse pas un juvénile)
Pour moi, c'est exactement ça!

P*tain de sourire à la c*n, et qu'est-ce qu'on se sent crétin... :?
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par patitox »

le mieux c'est quand j'arrivais en retard en cours et que les profs et les élèves pensaient que je me fichais d'eux :)

sinon, y'a aussi les gens qui me rendent très inconfortable et qui pense qu'on a un feeling particulier... alors que je suis juste crispé en leur présence...
à cause de leur côté trop tactile ou trop proche, de leur conversation, de leur regard, leur odeur, une poignée de main flasque ou moite... LOL

mais c'était pratique lorsque j'ai fait de l'événementiel... j'avais juste LA BONNE TÊTE de cruche ! impeccable ! ^^
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Autre extrait : CERVEAU ROSE, CERVEAU BLEU
DANS LES LANGES BLEUS OU ROSES - pp.114-118
À la naissance, les filles sont-elles plus empathiques que les garçons ?

En 1971, le psychologue Marvin Simner voulut déterminer si les nourrissons étaient capables d’empathie. Il s’installa dans une pièce tranquille, juste à côté de la pouponnière de la maternité de Providence, dans le Rhode Island, et il testa l’un après l’autre les bébés pour connaître leurs réactions face à un stimulus social simple le bref enregistrement audio d’un autre bébé en pleurs. Il découvrit que les nourrissons des deux sexes réagissaient à ces pleurs en se mettant à pleurer à leur tour, mais il observa aussi qu’après avoir écouté la cassette, les filles pleuraient plus longtemps que les garçons. Statistiquement parlant, la différence entre les sexes était assez marginale. Mais comme les filles pleurèrent plus longtemps que les garçons dans quatre répétitions successives du test, et comme la même observation fut faite dans deux études réalisées plus tard par d’autres auteurs (études dans lesquelles les écarts n’étaient pas non plus statistiquement significatifs), ces pleurs plus durables prirent valeur de preuve que les filles étaient naturellement plus empathiques que les garçons.

Il y a loin de ces pleurs (par simple processus d’imitation) à la compréhension et au partage de l’expérience émotionnelle d’autrui. Chez les adultes, il est vrai, la différence d’empathie entre les sexes est une des données les plus fiables dont nous disposions : les femmes sont meilleures que les hommes pour ce qui est de déchiffrer correctement les émotions d’une tierce personne — pour déterminer si la personne manifeste de la colère, de la peur, de la curiosité, etc. Cette règle générale doit être accompagnée d’importants avertissements*, et la différence entre les sexes n’est de toute façon pas bien importante, avec une valeur d proche de 0,4. Mais elle soulève la question de savoir, comme le dit le psychologue Baron-Cohen, si « le cerveau féminin est programmé pour l’empathie » et, à l’inverse, la question de savoir si les garçons ont quelque déficience innée, dans ce domaine, qui réduirait leurs aptitudes dans les carrières où il est nécessaire d’être sensible et doué pour les relations humaines : infirmier, médecin, enseignant, prêtre, travailleur social, ou bien (oups !) psychologue.

Par chance, nous avons aujourd’hui des données fiables sur le sujet, issues de plus de vingt études sur les capacités des bébés à reconnaître ou à faire la différence entre les diverses expressions faciales qui leur sont données à observer. Comme l’a relevé la psychologue Erin McClure de l’université Emory, les nourrissons filles sont un peu plus aptes que les garçons à déchiffrer les expressions faciales et l’écart se traduit par une valeur d de 0,26 — plus réduite, donc, que chez les adultes, mais, de façon étonnante, plus importante que plus tard dans l’enfance où le chiffre retombe à un modeste 0,16. McClure émet l’hypothèse que les filles sont effectivement plus capables de détecter les émotions d’autrui dans la petite enfance, mais que cet avantage est essentiellement affaire de maturation neurologique. Tout comme leurs capacités sensorielles et verbales sont légèrement en avance sur celles des garçons à la naissance, les filles sont peut-être dotées, dans les premiers mois de la vie, d’un cerveau assez mûr pour avoir une meilleure perception des gens de leur entourage, et en particulier des expressions faciales. Avec le temps et avec l’expérience que les enfants des deux sexes acquièrent au contact de leurs proches, l’écart se réduit et garçons et filles ne sont bientôt plus vraiment différents dans ce domaine (en tout cas jusqu’à l’adolescence).

La taille de la différence entre les sexes dans le domaine de l’empathie dépend de la façon dont on réalise l’étude. Concernant l’expérience émotionnelle et le sort d’une tierce personne, les femmes ont plus tendance que les hommes à dire qu’elles sont désolées ou qu’elles s’en veulent. Mais l’écart se réduit beau coup quand l’empathie est testée avec des mesures plus objectives, telles que la simple identification de l’émotion affichée sur le visage de la personne observée. Qui plus est, la capacité à détecter les émotions d’autrui dépend aussi de qui regarde qui les hommes savent mieux détecter les émotions des visages d’hommes que celles des visages de femmes, tandis que les femmes obtiennent des résultats équivalents avec les deux sexes (voir le chapitre 7).


Il est exact, donc, que les filles sont plus empathiques que les garçons. Mais cette différence entre les sexes est à la fois très réelle et clairement influencée par l’apprentissage. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que trop de gens imaginent, d’une division nette. Voyez ce que Louann Brizendine écrit à ce sujet :
  • Quiconque a élevé des garçons et des filles, ou les a observés grandir, sait qu’ils ne se développent pas de la même façon. Sur le plan émotionnel, en particulier, les petites filles communiquent avec leur entourage comme les petits garçons ne le font pas.
En réalité, la valeur d de 0,26 enregistrée chez les nourrissons signifie qu’environ 60 pour cent des garçons sont en deçà de la fille moyenne pour ce qui est de la capacité à détecter les émotions d’autrui. Mais cela veut aussi dire que 40 pour cent des garçons sont en fait plus doués que la fille moyenne dans ce domaine. Et la proportion est encore plus importante chez les enfants plus âgés. Pas vraiment la preuve d’un manque de réactivité émotionnelle chez les garçons.

Aussi, les affirmations de Brizendine ne sont pas seulement fausses, elles sont carrément dangereuses. Imaginez que les parents de nouveau-nés considèrent qu’il leur sera impossible, quoi qu’ils fassent, de nouer des liens affectifs avec les garçons. Ceux-ci n’auront aucune chance. Comme nous l’avons vu, les parents réagissent déjà différemment, de toute façon, aux manifestations d’émotions de leurs filles et de leurs fils. Raconter que les garçons ne sont même pas équipés pour communiquer avec leur entourage, cela ne peut qu’exacerber ce travers des parents et, par ricochet, étouffer le développement socio-émotionnel des garçons.

La petite différence observée entre les sexes, chez les nouveau- nés, dans le domaine de la perception des émotions, est davantage affaire de timing que de handicap fixe et permanent du côté des garçons. Les neuroscientifiques ont montré que le traitement des données visuelles chez les singes est assuré par une zone spécifique du lobe temporal, la région inférotemporale, et que celle-ci se développe plus lentement chez les mâles que chez les femelles — un retard qui est dû à la testostérone. Aussi, comme pour bien d’autres différences entre les sexes chez les nourrissons, la plus grande réceptivité des filles aux expressions faciales qu’elles ont devant les yeux est sans doute due à leurs quelques semaines d’avance de maturation neurologique. Cela ne suffit pas à justifier une refonte des modèles éducatifs des parents.

Le développement émotionnel des enfants est un processus à double sens. Garçons et filles arrivent au monde avec de très légères différences en termes de sociabilité et d’aptitudes émotionnelles. Et les parents, n’ayant pas les mêmes réactions face à ces différences, finissent par former des garçons et des filles réellement différents. La sociabilité des filles trouve de sérieux appuis chez les parents et se renforce facilement, tandis que la moindre maturité physiologique des garçons à la naissance (qui les rend légèrement moins sociables et plus nerveux) contraint les parents à adopter avec eux un mode d’interaction plus prudent. Et les garçons en arrivent bientôt à moins s’ouvrir aux personnes de leur entourage.

La bonne nouvelle, c’est que cette petite différence de sociabilité entre les sexes n’affecte pas la force du lien qui existe entre les bébés et leurs parents. L’attachement de l’enfant à ses parents a été énormément étudié au cours des cinquante dernières années ; on sait qu’il n’y a aucune différence entre garçons et filles quant à la force et à la qualité des liens qui les unissent à leurs pères et à leurs mères. Aussi, même si les deux sexes commencent bel et bien à se différencier socialement dès la petite enfance, cela n’affecte pas leurs rapports fondamentaux avec leurs parents et le sentiment de sécurité qu’ils en tirent.

Mais les parents ne sont pas les seules personnes à interagir avec les nourrissons. Et il apparaît dans certaines études que les garçons ne s’en sortent peut-être pas aussi bien que les filles quand ils sont pris en charge par d’autres adultes — baby-sitters ou puéricultrices de crèches, notamment. Si la plupart des études réalisées dans les crèches ne révèlent que peu d’effets positifs ou négatifs, globalement, sur le développement des enfants, certains indicateurs donnent à penser que les garçons sont traités de façon moins constructive que les filles dans ces environnements. Il se pourrait même que les crèches et les haltes-garderies perturbent les liens qui existent entre les garçons et leurs parents. Par contre, ces endroits n’ont aucune influence sur les liens entre les filles et leurs parents. Et les filles en tirent peut-être même davantage de bénéfices, sur le plan du développement cognitif, que si elles restaient à la maison avec leurs mères. Si l’on garde à l’esprit que les garçons sont à la fois plus nerveux et quelque peu moins sociables que les filles, il est bien possible, tout simplement, qu’ils ne «  charment » pas autant que les filles les puéricultrices et les personnes chargées de s’occuper d’eux pendant la journée — ce qui a pour conséquence des interactions moins riches, moins intéressantes, moins formatrices pour eux. Si les parents sont prêts, sans doute, à faire des efforts supplémentaires pour leurs fils — à investir davantage d’énergie pour les réconforter et communiquer avec eux, en particulier —, les salariés des crèches ou des haltes-garderies n’ont peut-être pas autant à donner aux garçons. Ou bien ils accordent malgré eux davantage d’attention aux filles quand ils sont en présence d’un groupe mixte — ce qui revient au même, dans la mesure où leur attitude est susceptible, en définitive, d’avoir un impact négatif sur le développement émotionnel et comportemental des garçons.
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Publié par Autisme Information Science :

L'autisme atténue les différences sexuelles dans la structure du cerveau: un combiné morphométrie voxel et étude d'imagerie en tenseur de diffusion.

Extrait :
Des comparaisons ultérieures ont indiqué que le dimorphisme sexuel typique trouvé chez les personnes du groupe contrôle, où les hommes ont de plus grandes anisotropies fractionnelles et un volume total de la matière blanche, était absent ou atténué chez les participants avec le SA.
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temp-995
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par temp-995 »

Autant je suis à 100% d'accord avec le déficit en "théorie de l'esprit" et donc une forme de "cécité mentale" spontanée chez les autistes, autant je pense que l'hypothèse de "forme extrême du cerveau masculin" est erronée.

L'empathie est directement lié à l'hypersensibilité de nos amygdales cérébrales donc à notre capacité à ressentir des émotions positives ou négatives et à les comprendre. Le fait que les autistes ne savent pas exprimer verbalement leurs émotions est une chose différente, tout comme le fait de ne pas manifester de sympathie (car cela s'apprend).
Les personnes alexithymiques, les sociopathes par exemple ont de grandes difficultés d'empathie.
À la naissance, les filles sont-elles plus empathiques que les garçons ?
Normal. Les filles sont plus sensibles émotionnellement que les garçons de façon général donc elles sont davantage dans l'observation et la compréhension des sentiments d'autrui.
Modifié en dernier par temp-995 le lundi 30 janvier 2012 à 14:21, modifié 1 fois.
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Benoit
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Benoit »

temp-995 a écrit :
À la naissance, les filles sont-elles plus empathiques que les garçons ?
Normal. Les filles sont plus sensibles émotionnellement que les garçons de façon général donc elles sont davantage dans l'observation et la compréhension des sentiments d'autrui.
J'ai mis en gras le point qui me semble important dans la question.

Il me semblait que cette sensibilité était acquise et un héritage de la société (patriarcat, surtout), et qu'il existait même certaines cultures dans lesquelles la situation était différente voire inversée (cf. le dernier "Voyage en Terre Inconnue", par exemple).

Donc je reformulerais la question sous la forme : Y a t il dans le "programme" génétique ce genre de prédispositions, directes ou indirectes ?