Evolutions de la classification - DSM V
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Jacques Van Rillaer au sujet des classifications
Publié le jeudi 21 février 2013 - site Kollectif du 7 janvier
Les classifications psychiatriques ne bénéficient pas d'une bonne réputation, particulièrement dans notre pays où les nombreux praticiens d'orientation psychanalytique n'ont toujours pas digéré le virage athéorique du DSM dont la troisième version excluait en 1980 les références à la théorie freudienne. À l'instar des psychotropes qui ne sont ni des poisons démoniaques ni des potions magiques, ces classifications ne devraient pas être diabolisées ni vénérées mais considérées pour ce qu'elles sont : des outils imparfaits mais précieux, dénominateurs communs nécessaires à la recherche et dont les potentiels effets néfastes doivent être connus et pris en compte. Au delà des indignations caricaturales et autres pétitions anti-DSM qui masquent pour la plupart des tentatives de réhabilitation de la théorie psychanalytique, le Professeur Jacques Van Rillaer nous propose une analyse plus rationnelle de l'utilité et des dangers des catégorisations psychopathologiques.
Source : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2025
Version longue de l'article publié dans Science et pseudo-sciences 2013
Publié le jeudi 21 février 2013 - site Kollectif du 7 janvier
Les classifications psychiatriques ne bénéficient pas d'une bonne réputation, particulièrement dans notre pays où les nombreux praticiens d'orientation psychanalytique n'ont toujours pas digéré le virage athéorique du DSM dont la troisième version excluait en 1980 les références à la théorie freudienne. À l'instar des psychotropes qui ne sont ni des poisons démoniaques ni des potions magiques, ces classifications ne devraient pas être diabolisées ni vénérées mais considérées pour ce qu'elles sont : des outils imparfaits mais précieux, dénominateurs communs nécessaires à la recherche et dont les potentiels effets néfastes doivent être connus et pris en compte. Au delà des indignations caricaturales et autres pétitions anti-DSM qui masquent pour la plupart des tentatives de réhabilitation de la théorie psychanalytique, le Professeur Jacques Van Rillaer nous propose une analyse plus rationnelle de l'utilité et des dangers des catégorisations psychopathologiques.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
temp-995 a écrit :DSM-5: le syndrome d'Asperger ne disparaît pas mais change d'appellation
Conséquemment, toute personne qui rencontre les premiers critères et présente des capacités d'acquisition de langage et un fonctionnement cognitif appropriés pour son âge, qui aurait pu auparavant recevoir un diagnostic de syndrome d'Asperger, recevra un diagnostic avec le nouveau système.[/b]
c'est ce que j'étais en train de me demander. En lisant les différents articles qui disent "qu'est-ce qui va se passer pour creux qui ont un diagnostique de SA?", et je me demandais qu'est-ce qui va se passer pour ceux qui n'ont pas encore un diagnostique de SA et ceux qui ont reçu un autre diagnostique? Appart de passer pour un fou d'envisager que le diagnostique pourrait être incorrect et de penser au SA, qu'est-ce qui va se passer?
Est ce qu'il y a des personnes dans ce forum, adultes, qui auraient reçu précédemment un diag psy avant de recevoir un diag de SA?
"L'autisme n'est pas contagieux et je trouve que c'est bien dommage d'ailleurs!" J. Schovanec
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Le point de vue de Pierre Delion
"A ce propos, il évoque le scandale de l'unification, dans le DSM V, dans le même registre des TSA (Troubles du Spectre Autistique) de ces deux pôles psychopathologiques, très différents et demandant des approches très différentes. L'autisme a maintenant tendance à englober, de manière hégémonique, des troubles d'essence pourtant très distincts. Au moins, dit-il, quand le DSM IV parlait des TED (Troubles Envahissants du Développement), on pouvait encore penser ces troubles du développement dans des distinctions cliniques et théoriques... Il note que la prévalence épidémiologique de l'autisme est passée en une trentaine d'années de 2,5 à 4/10000 à 1/65, donc ce trouble deviens une sorte de « fourre-tout » !
Il note aussi que le syndrome d'Asperger va disparaître du DSM V car, sous la pression des lobbies de patients Asperger, celui-ci n'est plus reconnu comme une maladie mais comme une manière différente de penser le monde. Le risque est que de nombreux enfants Asperger, vu leurs grandes difficultés d'insertion sociale, peuvent être pris comme « bouc-émissaires » dans le milieu scolaire et en souffrir profondément. S'ils ne sont plus répertoriés dans le champ des maladies, ils ne seront plus accompagnés et soutenus dans cette difficulté.
De même, cette approche vise à établir que le devenir de tout enfant autiste pris en charge «correctement » (autrement dit avec les méthodes comportementales) est d'évoluer vers un Asperger. C'est profondément méconnaître les réalités cliniques de ces enfants, tant sur le plan de leurs angoisses archaïques qui peuvent perdurer et de leur déficience mentale qui est présente dans de nombreux cas. "
C'est moi qui souligne.
"A ce propos, il évoque le scandale de l'unification, dans le DSM V, dans le même registre des TSA (Troubles du Spectre Autistique) de ces deux pôles psychopathologiques, très différents et demandant des approches très différentes. L'autisme a maintenant tendance à englober, de manière hégémonique, des troubles d'essence pourtant très distincts. Au moins, dit-il, quand le DSM IV parlait des TED (Troubles Envahissants du Développement), on pouvait encore penser ces troubles du développement dans des distinctions cliniques et théoriques... Il note que la prévalence épidémiologique de l'autisme est passée en une trentaine d'années de 2,5 à 4/10000 à 1/65, donc ce trouble deviens une sorte de « fourre-tout » !
Il note aussi que le syndrome d'Asperger va disparaître du DSM V car, sous la pression des lobbies de patients Asperger, celui-ci n'est plus reconnu comme une maladie mais comme une manière différente de penser le monde. Le risque est que de nombreux enfants Asperger, vu leurs grandes difficultés d'insertion sociale, peuvent être pris comme « bouc-émissaires » dans le milieu scolaire et en souffrir profondément. S'ils ne sont plus répertoriés dans le champ des maladies, ils ne seront plus accompagnés et soutenus dans cette difficulté.
De même, cette approche vise à établir que le devenir de tout enfant autiste pris en charge «correctement » (autrement dit avec les méthodes comportementales) est d'évoluer vers un Asperger. C'est profondément méconnaître les réalités cliniques de ces enfants, tant sur le plan de leurs angoisses archaïques qui peuvent perdurer et de leur déficience mentale qui est présente dans de nombreux cas. "
C'est moi qui souligne.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Quitte à souligner, issu du même document :
Archaïque sa mère ?Pierre Delion [...]a évoqué avec humour et parfois colère ce qu'il vit depuis quelques années à propos d'autisme et de « packing »... il invite les équipes de pédo-psychiatrie à le rejoindre dans la recherche qu'il mène actuellement sur le « packing » et dont les premiers résultats confirment ce que l'on savait dans la clinique : les effets bénéfiques de cette thérapie sur les enfants autistes vivant des angoisses très archaïques.
Identifié Aspie (広島, 08/10/31) Diagnostiqué (CRA MP 2009/12/18)
話したい誰かがいるってしあわせだ
Être Aspie, c'est soit une mauvaise herbe à éradiquer, soit une plante médicinale à qui il faut permettre de fleurir et essaimer.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Effarant, ne serait ce que de parler encore et toujours de maladie...
Je crois que ce qui me met en colère sur ces sujets traitant de psychanalyse, c'est que ces mots délirants sortent de la bouche de personnes ayant fait des études, qui sont médecins, chefs de clinique ou de service, qui ont obligation de suivre des formations de mise à niveau régulièrement....
Ma manière de penser le monde voudrait que je respecte la parole de ces "sachants" et je lis des abominations venant de leur pensée.
Ca dépasse mon entendement.
Je crois que ce qui me met en colère sur ces sujets traitant de psychanalyse, c'est que ces mots délirants sortent de la bouche de personnes ayant fait des études, qui sont médecins, chefs de clinique ou de service, qui ont obligation de suivre des formations de mise à niveau régulièrement....
Ma manière de penser le monde voudrait que je respecte la parole de ces "sachants" et je lis des abominations venant de leur pensée.
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Mère absolument atypique (mais à quel niveau ?) d'une petite atypique de 5 ans dont le diagnostic est enfin en route..
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
oh sans aucun doute oui:! et plusieurs!!..Laura Ingalls a écrit : Est ce qu'il y a des personnes dans ce forum, adultes, qui auraient reçu précédemment un diag psy avant de recevoir un diag de SA?
(pas que moi, je crois, jen ai lu qui ont eu aussi des diags "a la pelle" avant le SA. (troubles anxieux, agoraphobie, psy quelque chose....)
moi j'ai eu trouble anxieux et agoraphobie, phobie sociale.(Mais il y a pres de 20 ans...)
bref aujourd'hui le diag de SA est encore reconnu? (je veux dire on en fera encore cas par ex pour un emploi etc?..) j'espère en ttou cas!...
1973 ( TSA, hpi, diag CRA 2012) de 4 enfants (tsa/ hpi, tdah, hpi et autres.)...)
https://cieharmonieautiste.jimdo.com/
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Ce passage est du pur n'importe quoi . En effet, il y a énormément d'Aspergers qui se sont opposés aux changements du DSM-V pour la raison-même qu'il cite, tout en s'opposant au terme de maladie pour désigner ce qu'ils ont. Certes, de nombreux Aspies veulent faire reconnaître cela comme une différence plutôt que comme un déficit, mais ils sont aussi favorables à ce que leur handicap puisse être compensé de façon adéquate le cas échéant. Il ne faut pas les prendre pour des abrutis. Il faut rajouter à cela que beaucoup craignent que le terme très médiatique de "syndrome d'Asperger" finisse par disparaître avec ces modifications.Jean a écrit :Il note aussi que le syndrome d'Asperger va disparaître du DSM V car, sous la pression des lobbies de patients Asperger, celui-ci n'est plus reconnu comme une maladie mais comme une manière différente de penser le monde. Le risque est que de nombreux enfants Asperger, vu leurs grandes difficultés d'insertion sociale, peuvent être pris comme « bouc-émissaires » dans le milieu scolaire et en souffrir profondément. S'ils ne sont plus répertoriés dans le champ des maladies, ils ne seront plus accompagnés et soutenus dans cette difficulté.
Et par ailleurs, qu'on me donne enfin une définition claire de ce que veut dire "angoisse archaïque", parce que c'est apparemment vraiment nébuleux comme truc.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Je suis à peu près sûr que les "angoisses archaïques" se refèrent à de (soit disant) "peurs préhistoriques" qui en l'espèce se manifesteraient particulièrement chez les autistes. Je suppose que certains n'hésiteront pas à user de l'argument génétique pour "appuyer" cette "théorie".Anty28 a écrit :Et par ailleurs, qu'on me donne enfin une définition claire de ce que veut dire "angoisse archaïque", parce que c'est apparemment vraiment nébuleux comme truc.
Bref, une manifestation de la tendance de la psychanalyse à s'approprier, piller (de façon superficielle) des concepts issus de vraies sciences.
Identifié Aspie (広島, 08/10/31) Diagnostiqué (CRA MP 2009/12/18)
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
C'est donc bien ce à quoi je pensais... Je pensais qu'ils donnaient à ce syntagme une signification un peu moins portnawesque, mais non.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Oui, le diag de SA est reconnu : il fait partie de la CIM-10 (classification internationale des maladies), qui est la référence obligatoire en France.meï a écrit :bref aujourd'hui le diag de SA est encore reconnu? (je veux dire on en fera encore cas par ex pour un emploi etc?..) j'espère en ttou cas!...
Bien sûr, les psys français vont essayer de créer quelque chose de différent pour la CIM-10, puisqu’ils considèrent que ce sont des "psychopathologies différentes". Exemple de la dernière édition de la CFTMEA (classif franco-française)
En raison de sa fréquence, de son originalité et de son ancrage dans la clinique pédopsychiatrique en France, la plupart des praticiens souhaitent en effet que la mention « dysharmonies psychotiques » soit maintenue explicitement. C’est pourquoi le choix est proposé ici, à parité, entre « dysharmonies psychotiques » et « dysharmonies complexes du développement. »
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Quelques (nouveaux?) chiffres sur l'évolution de la classification, rapportés par T. Attwood dans le Border Mail (quotidien Australien).
Etant donné la proportion d'Aspies/AHN par rapport à la population totale (1/4 semble t il), cela concerne (au max) 75% des enfants actuellement diagnostiqués Asperger.
Le problème rapporté dans l'article me semble être qu'il n'est pas (encore) prévu d'aides (financières) aux personnes classées dans la nouvelle catégorie.
Pour mémoire, il y a eu des difficultés financières pour mettre en oeuvre l'éclairage de l'Opéra de Sydney (pour la nuit dernière) cette année (il a dû être fait appel à une souscription publique).
Je n'ai pas trouvé le coût du feu d'artifice qu'organise annuellement Sydney à chaque nouvelle année, mais je pense que les 40,000 $ australiens nécessaires à l'opération "Nuit bleue" sont peanuts en comparaison.
En résumé et en français, certaines études américaines et australiennes évaluent à entre 9% et 23% la proportion d'enfants autistes dont le diagnostic (actuel) d'autisme deviendrait un diagnostic de "trouble de la communication sociale" dans le DSM-V.Changes to the criteria for the diagnosis of autism are due to come into effect in May. According to Australian and American studies, the changes are expected to exclude the highest-functioning nine to 23 per cent of autistic children, many of whom would have received a diagnosis of Asperger's or high-functioning autism under the old criteria.
Those higher-functioning autistics are likely to receive a diagnosis of social communication disorder, as distinct from autism spectrum disorder. The federal government has not confirmed whether it will fund children diagnosed with social communication disorder.
''At worst, 75 per cent of those with a current diagnosis of Asperger's will no longer meet the criteria for an autism spectrum disorder diagnosis under the new criteria,'' Professor Attwood said.
Etant donné la proportion d'Aspies/AHN par rapport à la population totale (1/4 semble t il), cela concerne (au max) 75% des enfants actuellement diagnostiqués Asperger.
Le problème rapporté dans l'article me semble être qu'il n'est pas (encore) prévu d'aides (financières) aux personnes classées dans la nouvelle catégorie.
Pour mémoire, il y a eu des difficultés financières pour mettre en oeuvre l'éclairage de l'Opéra de Sydney (pour la nuit dernière) cette année (il a dû être fait appel à une souscription publique).
Je n'ai pas trouvé le coût du feu d'artifice qu'organise annuellement Sydney à chaque nouvelle année, mais je pense que les 40,000 $ australiens nécessaires à l'opération "Nuit bleue" sont peanuts en comparaison.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Merci! Et, si c'est pas trop indiscret, lorsqu'on t'a diagnostiqué ton SA, est-ce que ça a remplacé le diag psy? ou ajouté?meï a écrit :oh sans aucun doute oui:! et plusieurs!!..Laura Ingalls a écrit : Est ce qu'il y a des personnes dans ce forum, adultes, qui auraient reçu précédemment un diag psy avant de recevoir un diag de SA?
(pas que moi, je crois, jen ai lu qui ont eu aussi des diags "a la pelle" avant le SA. (troubles anxieux, agoraphobie, psy quelque chose....)
moi j'ai eu trouble anxieux et agoraphobie, phobie sociale.(Mais il y a pres de 20 ans...)
Mais alors, dans le fond, pourquoi c'est un problème qu'il soit retiré des maladies mentales, et reconnu dans les maladies non-mentales, puisque justement, ce n'est pas une maladie mentale?Jean a écrit :Oui, le diag de SA est reconnu : il fait partie de la CIM-10 (classification internationale des maladies), qui est la référence obligatoire en France.meï a écrit :bref aujourd'hui le diag de SA est encore reconnu? (je veux dire on en fera encore cas par ex pour un emploi etc?..) j'espère en ttou cas!...
Bien sûr, les psys français vont essayer de créer quelque chose de différent pour la CIM-10, puisqu’ils considèrent que ce sont des "psychopathologies différentes". Exemple de la dernière édition de la CFTMEA (classif franco-française)
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
«La psychiatrie est en dérapage incontrôlé»
29-03-2013 - "Books"
Le «DSM-5», nouveau manuel de psychiatrie destiné à s’imposer aux médecins du monde entier, est une véritable catastrophe selon un orfèvre en la matière. Entretien avec Allen Frances à lire dans «BoOks», en kiosque tout le mois d’avril.
ALLEN FRANCES est un psychiatre américain. Il a dirigé l’équipe qui a réalisé le DSM-IV, le manuel de psychiatrie encore en vigueur dans le monde développé. Il est professeur émérite à Duke University. (DR)
BoOks Pourquoi partez-vous en guerre contre le nouveau manuel de la psychiatrie (1)?
Allen Frances Je ne m’étais plus guère occupé de la question des critères diagnostiques depuis l’époque où je dirigeais l’équipe qui a rédigé le manuel encore en vigueur à ce jour, le «DSM-IV», paru en 1994. J’avais même pris ma retraite de psychiatre. Je vivais au bord de la mer, après m’être longtemps occupé de ma femme, malade. Invité à un cocktail à l’occasion d’une réunion de l’American Psychiatric Association (APA) à San Francisco, j’y ai retrouvé beaucoup d’amis. Ils étaient très excités par la préparation du «DSM-5», agitaient des idées nouvelles.
L’un parlait d’une nouvelle possibilité de diagnostic, celle du risque de psychose (schizophrénie). Il serait désormais envisageable de prévoir qu’un jeune deviendra psychotique. J’ai tenté de lui expliquer le danger d’une telle idée: nous n’avons en réalité aucun moyen de prédire vraiment qui deviendra psychotique et il y a fort à parier que huit jeunes sujets ainsi labellisés sur dix ne le deviendront jamais. Le résultat serait une inflation aberrante du diagnostic et des traitements donnés à tort à des sujets jeunes, avec des effets secondaires graves (2).
Risque de psychose, et quoi encore?
Un autre psychiatre se passionnait pour le diagnostic d’hyperphagie, ces moments où l’on se jette sur la nourriture en dehors d’un repas. Je me dis: j’ai peut-être bien ça moi-même. Un autre se concentrait sur le «trouble cognitif mineur» (on oublie les dates, etc.). Je me dis: j’ai peut-être ça aussi… Un autre encore parlait du «dérèglement sévère de l’humeur» chez l’enfant qui pique des colères. Bref, je constatai une forte propension à vouloir médicaliser tous les problèmes de la vie quotidienne.
Or, l’expérience du «DSM-IV» me l’avait appris: la moindre modification, extension ou abaissement, du seuil d’un diagnostic est une aubaine pour les compagnies pharmaceutiques. J’ai compris qu’il serait irresponsable de ma part de rester à l’écart du débat. D’autant que ma qualité d’ancien responsable du «DSM-IV» me donne du poids et me permet de me faire entendre.
Qu’aviez-vous plus précisément retenu de votre expérience du «DSM-IV»?
Il faut d’abord dire un mot de son prédécesseur, le «DSM-III», publié en 1980. Celui-ci avait marqué un tournant positif, car il établissait pour la première fois une liste de critères diagnostiques sur lesquels les psychiatres pouvaient se mettre d’accord. Jusqu’alors, le diagnostic était resté pour l’essentiel une affaire subjective. Une conversation typique entre psychiatres portait sur les rêves de la nuit précédente et leur interprétation psychanalytique. Avec le «DSM-III», les discussions se sont portées sur le diagnostic.
Le manuel a eu également d’énormes conséquences, tout à fait inattendues. Il a servi de base pour le remboursement des soins et des médicaments, pour la prise en charge de services à la personne, pour la reconnaissance d’une invalidité, et même pour l’obtention d’un permis de conduire, d’un permis de piloter, la reconnaissance du droit d’adopter un enfant, etc. Menée par le fougueux Robert Spitzer, cette révolution a été suivie d’une nouvelle révision du manuel, le «DSM-IIIR», qui introduisit encore de nouveaux diagnostics et en transforma d’autres. L’ambition du «DSM-IV» était au contraire de calmer le jeu.
Le «DSM-IV» a-t-il vraiment stoppé l’inflation diagnostique?
Oui. Nous avons analysé 93 suggestions de changement et n’en avons retenu que trois. Cependant, ces modifications que nous pensions mineures ont eu des conséquences inattendues. Ainsi le trouble bipolaire de type 2, que nous avons introduit, a permis aux entreprises pharmaceutiques, grâce à la publicité télévisée en particulier (les États-Unis sont le seul pays au monde à autoriser les laboratoires à faire de la publicité directe), de doubler le nombre de patients traités pour troubles bipolaires.
De même, nous avons un peu élargi le diagnostic du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention pour permettre de repérer davantage de filles. Et nous avons eu la surprise de voir les laboratoires s’engouffrer dans la brèche. Le marché des médicaments contre les troubles de l’attention est passé de 15 millions de dollars avant la publication du «DSM-IV» à 7 milliards aujourd’hui…
Dernier point: l’autisme. Constatant que de nombreux enfants ne présentaient qu’une partie des symptômes, nous avons introduit le syndrome d’Asperger. Nous pensions que cela triplerait ou quadruplerait le nombre de cas recensés. En fait, ça l’a multiplié par vingt. Cette inflation est due à un autre phénomène: la possibilité pour les parents de bénéficier de services spécifiques à l’école et ailleurs.
À propos de l’autisme, les auteurs du «DSM-5» entendent justement supprimer le syndrome d’Asperger. Ils iraient donc dans la bonne voie?
Mais ils se trompent. En rangeant toutes les formes d’autisme dans une seule catégorie, appelée «spectre de l’autisme», ils pensent rationaliser l’approche diagnostique et jugent que cela n’aura guère d’effet sur le nombre d’enfants diagnostiqués. En réalité, des études indépendantes indiquent que le nombre d’enfants éligibles à un diagnostic d’autisme va beaucoup baisser. Ce serait une bonne chose si c’était pour de bonnes raisons. Malheureusement, les nouveaux critères, définis par une poignée de psychiatres, sont contestables, et l’on doit s’attendre à ce que beaucoup de jeunes malades qui ont besoin d’être pris en charge ne le soient pas ou ne le soient plus.
Comment expliquez-vous que les auteurs du «DSM-5» aient à nouveau voulu multiplier les innovations?
Je vois plusieurs raisons. D’abord, une ambition excessive. Ils voulaient créer un changement de paradigme. Ils sont fascinés par les apports possibles de la biologie, alors que la psychiatrie, contrairement aux autres branches de la médecine, ne dispose pas de tests biologiques. Ils sont fascinés par la médecine préventive, au moment même où celle-ci fait marche arrière dans certains domaines, en raison des coûts et des risques associés aux systèmes de détection précoce (du cancer du sein, par exemple).
Ensuite, chaque psychiatre a tendance à pousser sa spécialité ou son sujet de prédilection et à vouloir élargir le filet des patients potentiellement concernés. Enfin, ils ne réfléchissent pas du tout aux conséquences d’une inflation des diagnostics pour la société et les patients eux-mêmes.
Ils ne réfléchissent pas, ou ils sont influencés par l’industrie?
Non, leurs liens avec l’industrie sont minimes. Je les connais, la plupart d’entre eux sont des gens bien. Mais ils sont naïfs. Et s’ils n’ont pas de conflits d’intérêts au sens habituel du terme, ils développent souvent un conflit d’intérêts intellectuel. Chacun veut faire davantage valoir ses compétences, ses recherches, ses lubies aussi, chacun veut s’assurer que le système ne laissera pas de malades de côté. La plupart du temps, cela se traduit par une pression pour élargir le champ des diagnostics dans son secteur. Quand je leur dis qu’ils ne réfléchissent pas aux conséquences, ils répondent que ce n’est pas de leur ressort, que ce n’est pas leur responsabilité, que leur responsabilité s’arrête à la science. Mais ce n’est pas vrai.
Peut-on vraiment parler de science?
Non, à dire vrai. J’ai passé une grande partie de ma vie à évaluer des articles de recherche soumis aux grandes revues de psychiatrie. On ne peut pas dire que l’esprit scientifique saute aux yeux. Les études sont incomplètes, difficiles à interpréter et à généraliser.
Vous les accusez aussi d’avoir hâté les procédures de validation. De quoi s’agit-il?
En principe, chaque innovation doit être validée par des essais de terrain. Or les essais de terrain ont été très mal conduits et finalement bâclés. Il y a normalement deux étapes, la seconde étant destinée à repenser les critères diagnostiques qui n’ont pas passé la barre de la première étape et à refaire l’étude. Dans la préparation du «DSM-5», la première étape a duré deux fois plus longtemps que prévu. Du coup, la seconde a été purement et simplement annulée, alors même que les essais avaient dans l’ensemble été conduits de manière critiquable.
Pourquoi? Parce que le «DSM» est aussi un énorme business. L’une des surprises créée par le «DSM-III» fut de le voir se vendre à un million d’exemplaires. Le succès du «DSM-IV» a été nettement plus grand, il s’en est encore vendu une centaine de milliers d’exemplaires par an jusqu’à aujourd’hui. L’American Psychiatric Association, qui a dépensé 25 millions de dollars pour les essais de terrain du «DSM-5», a besoin de cet argent pour combler son déficit (3).
Quelles sont les conséquences prévisibles du «DSM-5»?
Les conséquences sont de plusieurs types. D’abord, il faut faire très attention quand on pose un diagnostic, surtout sur un sujet jeune. Parce que, même s’il est faux ou abusif, ce jugement risque de rester attaché à la personne toute sa vie. Le diagnostic va changer à la fois la manière dont l’individu se voit et la manière dont les autres le voient. Or, même si les experts du «DSM-5» peuvent avoir parfois raison dans leur façon de modifier telle ou telle catégorie diagnostique, et si chacun d’eux peut avoir la compétence nécessaire pour l’appliquer de manière pertinente à ses patients, il n’en va pas de même des médecins généralistes qui, aux États-Unis comme en France, prescrivent 80% des psychotropes.
Ils ne sont pas formés à la psychiatrie et sont particulièrement sensibles au marketing des laboratoires. Et pour ces derniers, comme je l’ai dit, toute modification de diagnostic est une aubaine, parce qu’elle permet de proposer de nouveaux médicaments ou de nouveaux usages pour des médicaments anciens. Ce qui accroît le coût pour la collectivité et les risques d’effets secondaires. [=> Lire «À qui profitent les psychotropes?», «BoOks», n°29, février 2012.]
Vous dénoncez l’inflation des diagnostics, mais que valent les études statistiques sur la prévalence des maladies mentales?
Les données épidémiologiques sont structurellement gonflées. Sur le terrain, les enquêteurs ne sont pas en mesure d’évaluer si un symptôme est complètement présent ou non. Si bien que les chiffres intègrent beaucoup de cas non significatifs. Par ailleurs, c’est l’intérêt des grandes institutions publiques de recherche, comme les NIH (National Institutes of Health) aux États-Unis, de se référer à des données surévaluées. Cela leur permet de décrocher davantage de crédits. Les compagnies pharmaceutiques, elles, tirent argument des taux élevés pour dire que beaucoup de malades ne sont pas identifiés et qu’il faut élargir le marché.
Le «DSM» a moins d’impact en France qu’aux États-Unis, puisque chez nous le remboursement des frais médicaux n’est pas directement lié au diagnostic. Quel est le meilleur système?
Le système américain est très contraignant, car le psychiatre ou le généraliste est obligé, si le patient veut faire jouer l’assurance, de poser un diagnostic dès la première visite. Une visite qui, chez le généraliste, est de sept minutes en moyenne (4) ! C’est une source d’erreurs, et d’inflation des diagnostics et des dépenses de santé. En France, il n’y a pas d’obligation de faire un diagnostic mais, du coup, de nombreux traitements sont engagés sans examen sérieux, et cela n’empêche pas l’explosion des dépenses de santé.
Quelles solutions avez-vous en tête?
D’abord, je crois qu’il faudrait envisager de réformer en profondeur la pratique médicale. Un psychiatre ou un médecin devrait pouvoir attendre plusieurs séances avant de faire un diagnostic. La moitié des gens qui viennent pour un problème relevant de la psychiatrie se rétablissent d’eux-mêmes. Si le problème persiste, il faut recommander une psychothérapie avant de prescrire un médicament.
Par ailleurs, il faudrait conduire des études sérieuses pour mieux identifier les secteurs où il y a surprescription et les malades graves qui au contraire échappent au système de soins (c’est notamment le cas de bien des grands déprimés). Autrement dit, il y a un immense travail à faire pour lutter contre la mauvaise allocation des ressources.
Enfin, je crois que la procédure utilisée pour fixer les critères diagnostiques a fait son temps. Il faut se rendre à l’évidence: l’APA n’est pas qualifiée pour évaluer tout le faisceau de conséquences médicales, économiques et sociales de la redéfinition d’un diagnostic. Il faudrait quelque chose comme une FDA (Food and Drug Administration) internationale. Mais la FDA n’est pas non plus à l’abri des critiques. Il est plus facile de blâmer que de construire.
Propos recueillis par Bernard Granger et Olivier Postel-Vinay
Cet entretien est issu du n°42 de "BoOks" qui, avec un dossier consacré aux pièges de la mémoire, est en kiosque tout ce mois d'avril 2013.
1| La parution du DSM-5 est prévue aux États-Unis le 22 mai prochain. La traduction française devrait paraître en 2014.
2| À la suite d’un débat houleux au sein de l’American Psychiatric Association, le diagnostic de risque de psychose («syndrome de psychose atténuée») a finalement été écarté du «DSM-5» et inclus dans une liste de syndromes «exigeant des études complémentaires».
3| Publiée chez Masson, la version française du «DSM-IV» coûte 123 €. L’APA publie aussi un «Mini DSM-IV», dont la version française chez Masson coûte 22 €.
4| Quinze minutes en France.
29-03-2013 - "Books"
Le «DSM-5», nouveau manuel de psychiatrie destiné à s’imposer aux médecins du monde entier, est une véritable catastrophe selon un orfèvre en la matière. Entretien avec Allen Frances à lire dans «BoOks», en kiosque tout le mois d’avril.
ALLEN FRANCES est un psychiatre américain. Il a dirigé l’équipe qui a réalisé le DSM-IV, le manuel de psychiatrie encore en vigueur dans le monde développé. Il est professeur émérite à Duke University. (DR)
BoOks Pourquoi partez-vous en guerre contre le nouveau manuel de la psychiatrie (1)?
Allen Frances Je ne m’étais plus guère occupé de la question des critères diagnostiques depuis l’époque où je dirigeais l’équipe qui a rédigé le manuel encore en vigueur à ce jour, le «DSM-IV», paru en 1994. J’avais même pris ma retraite de psychiatre. Je vivais au bord de la mer, après m’être longtemps occupé de ma femme, malade. Invité à un cocktail à l’occasion d’une réunion de l’American Psychiatric Association (APA) à San Francisco, j’y ai retrouvé beaucoup d’amis. Ils étaient très excités par la préparation du «DSM-5», agitaient des idées nouvelles.
L’un parlait d’une nouvelle possibilité de diagnostic, celle du risque de psychose (schizophrénie). Il serait désormais envisageable de prévoir qu’un jeune deviendra psychotique. J’ai tenté de lui expliquer le danger d’une telle idée: nous n’avons en réalité aucun moyen de prédire vraiment qui deviendra psychotique et il y a fort à parier que huit jeunes sujets ainsi labellisés sur dix ne le deviendront jamais. Le résultat serait une inflation aberrante du diagnostic et des traitements donnés à tort à des sujets jeunes, avec des effets secondaires graves (2).
Risque de psychose, et quoi encore?
Un autre psychiatre se passionnait pour le diagnostic d’hyperphagie, ces moments où l’on se jette sur la nourriture en dehors d’un repas. Je me dis: j’ai peut-être bien ça moi-même. Un autre se concentrait sur le «trouble cognitif mineur» (on oublie les dates, etc.). Je me dis: j’ai peut-être ça aussi… Un autre encore parlait du «dérèglement sévère de l’humeur» chez l’enfant qui pique des colères. Bref, je constatai une forte propension à vouloir médicaliser tous les problèmes de la vie quotidienne.
Or, l’expérience du «DSM-IV» me l’avait appris: la moindre modification, extension ou abaissement, du seuil d’un diagnostic est une aubaine pour les compagnies pharmaceutiques. J’ai compris qu’il serait irresponsable de ma part de rester à l’écart du débat. D’autant que ma qualité d’ancien responsable du «DSM-IV» me donne du poids et me permet de me faire entendre.
Qu’aviez-vous plus précisément retenu de votre expérience du «DSM-IV»?
Il faut d’abord dire un mot de son prédécesseur, le «DSM-III», publié en 1980. Celui-ci avait marqué un tournant positif, car il établissait pour la première fois une liste de critères diagnostiques sur lesquels les psychiatres pouvaient se mettre d’accord. Jusqu’alors, le diagnostic était resté pour l’essentiel une affaire subjective. Une conversation typique entre psychiatres portait sur les rêves de la nuit précédente et leur interprétation psychanalytique. Avec le «DSM-III», les discussions se sont portées sur le diagnostic.
Le manuel a eu également d’énormes conséquences, tout à fait inattendues. Il a servi de base pour le remboursement des soins et des médicaments, pour la prise en charge de services à la personne, pour la reconnaissance d’une invalidité, et même pour l’obtention d’un permis de conduire, d’un permis de piloter, la reconnaissance du droit d’adopter un enfant, etc. Menée par le fougueux Robert Spitzer, cette révolution a été suivie d’une nouvelle révision du manuel, le «DSM-IIIR», qui introduisit encore de nouveaux diagnostics et en transforma d’autres. L’ambition du «DSM-IV» était au contraire de calmer le jeu.
Le «DSM-IV» a-t-il vraiment stoppé l’inflation diagnostique?
Oui. Nous avons analysé 93 suggestions de changement et n’en avons retenu que trois. Cependant, ces modifications que nous pensions mineures ont eu des conséquences inattendues. Ainsi le trouble bipolaire de type 2, que nous avons introduit, a permis aux entreprises pharmaceutiques, grâce à la publicité télévisée en particulier (les États-Unis sont le seul pays au monde à autoriser les laboratoires à faire de la publicité directe), de doubler le nombre de patients traités pour troubles bipolaires.
De même, nous avons un peu élargi le diagnostic du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention pour permettre de repérer davantage de filles. Et nous avons eu la surprise de voir les laboratoires s’engouffrer dans la brèche. Le marché des médicaments contre les troubles de l’attention est passé de 15 millions de dollars avant la publication du «DSM-IV» à 7 milliards aujourd’hui…
Dernier point: l’autisme. Constatant que de nombreux enfants ne présentaient qu’une partie des symptômes, nous avons introduit le syndrome d’Asperger. Nous pensions que cela triplerait ou quadruplerait le nombre de cas recensés. En fait, ça l’a multiplié par vingt. Cette inflation est due à un autre phénomène: la possibilité pour les parents de bénéficier de services spécifiques à l’école et ailleurs.
À propos de l’autisme, les auteurs du «DSM-5» entendent justement supprimer le syndrome d’Asperger. Ils iraient donc dans la bonne voie?
Mais ils se trompent. En rangeant toutes les formes d’autisme dans une seule catégorie, appelée «spectre de l’autisme», ils pensent rationaliser l’approche diagnostique et jugent que cela n’aura guère d’effet sur le nombre d’enfants diagnostiqués. En réalité, des études indépendantes indiquent que le nombre d’enfants éligibles à un diagnostic d’autisme va beaucoup baisser. Ce serait une bonne chose si c’était pour de bonnes raisons. Malheureusement, les nouveaux critères, définis par une poignée de psychiatres, sont contestables, et l’on doit s’attendre à ce que beaucoup de jeunes malades qui ont besoin d’être pris en charge ne le soient pas ou ne le soient plus.
Comment expliquez-vous que les auteurs du «DSM-5» aient à nouveau voulu multiplier les innovations?
Je vois plusieurs raisons. D’abord, une ambition excessive. Ils voulaient créer un changement de paradigme. Ils sont fascinés par les apports possibles de la biologie, alors que la psychiatrie, contrairement aux autres branches de la médecine, ne dispose pas de tests biologiques. Ils sont fascinés par la médecine préventive, au moment même où celle-ci fait marche arrière dans certains domaines, en raison des coûts et des risques associés aux systèmes de détection précoce (du cancer du sein, par exemple).
Ensuite, chaque psychiatre a tendance à pousser sa spécialité ou son sujet de prédilection et à vouloir élargir le filet des patients potentiellement concernés. Enfin, ils ne réfléchissent pas du tout aux conséquences d’une inflation des diagnostics pour la société et les patients eux-mêmes.
Ils ne réfléchissent pas, ou ils sont influencés par l’industrie?
Non, leurs liens avec l’industrie sont minimes. Je les connais, la plupart d’entre eux sont des gens bien. Mais ils sont naïfs. Et s’ils n’ont pas de conflits d’intérêts au sens habituel du terme, ils développent souvent un conflit d’intérêts intellectuel. Chacun veut faire davantage valoir ses compétences, ses recherches, ses lubies aussi, chacun veut s’assurer que le système ne laissera pas de malades de côté. La plupart du temps, cela se traduit par une pression pour élargir le champ des diagnostics dans son secteur. Quand je leur dis qu’ils ne réfléchissent pas aux conséquences, ils répondent que ce n’est pas de leur ressort, que ce n’est pas leur responsabilité, que leur responsabilité s’arrête à la science. Mais ce n’est pas vrai.
Peut-on vraiment parler de science?
Non, à dire vrai. J’ai passé une grande partie de ma vie à évaluer des articles de recherche soumis aux grandes revues de psychiatrie. On ne peut pas dire que l’esprit scientifique saute aux yeux. Les études sont incomplètes, difficiles à interpréter et à généraliser.
Vous les accusez aussi d’avoir hâté les procédures de validation. De quoi s’agit-il?
En principe, chaque innovation doit être validée par des essais de terrain. Or les essais de terrain ont été très mal conduits et finalement bâclés. Il y a normalement deux étapes, la seconde étant destinée à repenser les critères diagnostiques qui n’ont pas passé la barre de la première étape et à refaire l’étude. Dans la préparation du «DSM-5», la première étape a duré deux fois plus longtemps que prévu. Du coup, la seconde a été purement et simplement annulée, alors même que les essais avaient dans l’ensemble été conduits de manière critiquable.
Pourquoi? Parce que le «DSM» est aussi un énorme business. L’une des surprises créée par le «DSM-III» fut de le voir se vendre à un million d’exemplaires. Le succès du «DSM-IV» a été nettement plus grand, il s’en est encore vendu une centaine de milliers d’exemplaires par an jusqu’à aujourd’hui. L’American Psychiatric Association, qui a dépensé 25 millions de dollars pour les essais de terrain du «DSM-5», a besoin de cet argent pour combler son déficit (3).
Quelles sont les conséquences prévisibles du «DSM-5»?
Les conséquences sont de plusieurs types. D’abord, il faut faire très attention quand on pose un diagnostic, surtout sur un sujet jeune. Parce que, même s’il est faux ou abusif, ce jugement risque de rester attaché à la personne toute sa vie. Le diagnostic va changer à la fois la manière dont l’individu se voit et la manière dont les autres le voient. Or, même si les experts du «DSM-5» peuvent avoir parfois raison dans leur façon de modifier telle ou telle catégorie diagnostique, et si chacun d’eux peut avoir la compétence nécessaire pour l’appliquer de manière pertinente à ses patients, il n’en va pas de même des médecins généralistes qui, aux États-Unis comme en France, prescrivent 80% des psychotropes.
Ils ne sont pas formés à la psychiatrie et sont particulièrement sensibles au marketing des laboratoires. Et pour ces derniers, comme je l’ai dit, toute modification de diagnostic est une aubaine, parce qu’elle permet de proposer de nouveaux médicaments ou de nouveaux usages pour des médicaments anciens. Ce qui accroît le coût pour la collectivité et les risques d’effets secondaires. [=> Lire «À qui profitent les psychotropes?», «BoOks», n°29, février 2012.]
Vous dénoncez l’inflation des diagnostics, mais que valent les études statistiques sur la prévalence des maladies mentales?
Les données épidémiologiques sont structurellement gonflées. Sur le terrain, les enquêteurs ne sont pas en mesure d’évaluer si un symptôme est complètement présent ou non. Si bien que les chiffres intègrent beaucoup de cas non significatifs. Par ailleurs, c’est l’intérêt des grandes institutions publiques de recherche, comme les NIH (National Institutes of Health) aux États-Unis, de se référer à des données surévaluées. Cela leur permet de décrocher davantage de crédits. Les compagnies pharmaceutiques, elles, tirent argument des taux élevés pour dire que beaucoup de malades ne sont pas identifiés et qu’il faut élargir le marché.
Le «DSM» a moins d’impact en France qu’aux États-Unis, puisque chez nous le remboursement des frais médicaux n’est pas directement lié au diagnostic. Quel est le meilleur système?
Le système américain est très contraignant, car le psychiatre ou le généraliste est obligé, si le patient veut faire jouer l’assurance, de poser un diagnostic dès la première visite. Une visite qui, chez le généraliste, est de sept minutes en moyenne (4) ! C’est une source d’erreurs, et d’inflation des diagnostics et des dépenses de santé. En France, il n’y a pas d’obligation de faire un diagnostic mais, du coup, de nombreux traitements sont engagés sans examen sérieux, et cela n’empêche pas l’explosion des dépenses de santé.
Quelles solutions avez-vous en tête?
D’abord, je crois qu’il faudrait envisager de réformer en profondeur la pratique médicale. Un psychiatre ou un médecin devrait pouvoir attendre plusieurs séances avant de faire un diagnostic. La moitié des gens qui viennent pour un problème relevant de la psychiatrie se rétablissent d’eux-mêmes. Si le problème persiste, il faut recommander une psychothérapie avant de prescrire un médicament.
Par ailleurs, il faudrait conduire des études sérieuses pour mieux identifier les secteurs où il y a surprescription et les malades graves qui au contraire échappent au système de soins (c’est notamment le cas de bien des grands déprimés). Autrement dit, il y a un immense travail à faire pour lutter contre la mauvaise allocation des ressources.
Enfin, je crois que la procédure utilisée pour fixer les critères diagnostiques a fait son temps. Il faut se rendre à l’évidence: l’APA n’est pas qualifiée pour évaluer tout le faisceau de conséquences médicales, économiques et sociales de la redéfinition d’un diagnostic. Il faudrait quelque chose comme une FDA (Food and Drug Administration) internationale. Mais la FDA n’est pas non plus à l’abri des critiques. Il est plus facile de blâmer que de construire.
Propos recueillis par Bernard Granger et Olivier Postel-Vinay
Cet entretien est issu du n°42 de "BoOks" qui, avec un dossier consacré aux pièges de la mémoire, est en kiosque tout ce mois d'avril 2013.
1| La parution du DSM-5 est prévue aux États-Unis le 22 mai prochain. La traduction française devrait paraître en 2014.
2| À la suite d’un débat houleux au sein de l’American Psychiatric Association, le diagnostic de risque de psychose («syndrome de psychose atténuée») a finalement été écarté du «DSM-5» et inclus dans une liste de syndromes «exigeant des études complémentaires».
3| Publiée chez Masson, la version française du «DSM-IV» coûte 123 €. L’APA publie aussi un «Mini DSM-IV», dont la version française chez Masson coûte 22 €.
4| Quinze minutes en France.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Très critique, le monsieur !
Et ce qu'il dit a l'air de se tenir ...
Et ce qu'il dit a l'air de se tenir ...
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: Evolutions de la classification - DSM V
Je le pense aussi.... Encore du pas rassurant
Mère absolument atypique (mais à quel niveau ?) d'une petite atypique de 5 ans dont le diagnostic est enfin en route..