Clovis a écrit : ↑lundi 8 juin 2020 à 17:59
Bien sûr je dois m'accrocher tous les jours depuis toujours pour suivre le rythme, comprendre comment faire avec les autres et tellement d'autres choses... Bien sûr que je me sens différent et qu'on m'a souvent renvoyé cette différence ou insuffisance à la figure. Bon an, mal an, malgré des années de galère profonde, malgré un épuisement nerveux quasi perpétuel, j'aime toujours la vie et j'arrive à sauver les apparences (c'est à dire avoir un travail et une vie de couple) alors qu'avant mes 25 ans je doutais fortement de ma capacité à devenir un jour vraiment autonome.
Dit comme ça, ça ne semble pas si malheureux. Mais tu y penses tout le temps, au diagnostic ? Je pense à mes difficultés d'autiste dans la compréhension, la fatigue, la peur de nouvelles situations, en gros l'envie régulière de m'enterrer dans un trou (c'est frais en plus, alors que je souffre de la chaleur !

). Les bruits soit trop forts qui me font sursauter, soit les paroles que je n'entends pas, alors que la personne est tout prêt, et qu'elle me regarde d'un drôle d'air...
Qu'est-ce qui déclenche pour toi ce genre de pensées ? Ca doit être de lire des trucs, parce que dans le quotidien, qui nous reproche d'être autiste ? Les autistes que je connais (bon d'accord, c'est assez peu) n'ont pas l'air de me trouver bizarre. Et au moins, ils n'ont pas envie de me voir tout le temps, mais un peu quand même, ça reste relativement prévisible et régulier.
Je ressens la même chose que toi, et moi c'est quand je lis qu'il y a trop d'autistes aujourd'hui, que n'importe qui veut être autiste et court les psys armé(e) d'un couteau pour au besoin extorquer le diagnostic par la violence... et c'est encore plus attristant quand c'est dit ou répercuté par un/des autiste(s). Je suis bien sûr obligée de supposer, parce que je ne suis pas dans ta tête, je ne sais pas ce qui a déclenché chez toi cette tristesse (alors qu'il y a mieux à employer ton énergie avec ton diagnostic maintenant posé).
Mais comme c'est souvent, il vaut mieux apprendre à se blinder, ou à éviter relativement les réseaux sociaux (même Asperansa s'il le faut), et déjà on est plus dans le vrai, dans la galère que vit chacun(e), et la neurodiversité.
Il peut d'ailleurs arriver que je me sente mieux avec des gens simples et tolérants, sans me demander s'ils sont ci ou ça, en passant juste des moments, même brefs, dépourvus de questionnements, de tentatives d'interprétation, d'efforts de compréhension... Tous ces bugs sociaux qui sont si bien décrits par les personnes ici sur ce forum, dont un certain nombre sont déjà diagnostiquées (oh, sans blague, mais... un vrai diagnostic ou une usurpation de diagnostic ?). Ca aide à comprendre que ce n'est peut-être pas ça, une
vie ? Qu'on a peut-être le droit de ne pas se cravacher pour aller de l'avant, ne pas se faire violence, ne pas être comme ça à ne jamais souffler ? Qu'on a peut-être le droit de lâcher les efforts pour paraître normal(e), et surtout pour ne pas être regardé(e) comme une bête curieuse, parce qu'on n'a pas eu la réaction qu'il fallait, qu'on a l'air absent(e), ou trop lent(e) à répondre ?
Est-ce que ce n'est pas dans le fond cette
identité-là qu'on recherche ? Celle d'une personne qui se comprend, qui s'accorde avec elle-même, même si sa mélodie est à bas bruit et son tempo différent de l'orchestre qui joue derrière, juste celle d'une personne qui se laisse vivre, qui ne s'en demande pas trop, sous prétexte qu'elle a intériorisé qu'on lui demande toujours d'être plus, autre, bref "pas elle" ? Une identité qu'on puisse oublier, parce qu'elle nous fiche la paix.

Diagnostic d'autisme juillet 2019.