L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Toutes discussions concernant l'autisme et le syndrome d'Asperger, leurs définitions, les méthodes de diagnostic, l'état de la recherche, les nouveautés, etc.
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Ole Ferme l'oeil
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Ole Ferme l'oeil »

...suite:
Jonquille57 a écrit : Il y a peut-être des adultes qui ont été diagnostiqués autistes tard tout simplement parce qu'enfant, ils n'avaient pas trop de troubles apparents, mais qu'en grandissant, justement parce qu'ils n'ont pas su s'adapter au monde qui les entoure, les troubles se sont aggravés.
Bien sûr qu'il y en a.
Petite correction cependant "parce qu'ils n'ont pas su s'adapter au monde qui les entoure et/ou parce que le monde n'a pas su leur proposer les aménagements nécessaires"!
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Dans le contexte qu'indique Jonquille, ce n'était pas la peine que le monde s'adapte ... puisqu'il n'y avait pas de prise de conscience de la différence, de diagnostic.

Tant qu'il n'y a pas de diagnostic, l'obligation d'adaptation pèse sur la personne concernée. Le diagnostic devrait permettre de partager cette charge.
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Jonquille57 a écrit :Quand on parle d'évolution chez une personne autiste, on parle toujours d'évolution positive. C'est aussi donner une image faussement optimiste : selon les contextes, l'évolution peut aussi être très négative...

Pardon d'apporter une touche négative, mais il faut être honnête : toutes les personnes autistes n'ont pas une vie épanouie une fois arrivées à l'âge adulte. Et parfois, un enfant autiste dont les symptômes se devinent à peine dans la petite enfance peut devenir un autiste " lourdement touché " une fois ado.
Il est vrai que cela est réconfortant de lire des exemples de personnes qui s'en sortent admirablement bien. Mais je ne suis pas certaine que cela reflète la majorité des cas...
Tu as raison, si le fonctionnement de l'autre n'est pas compris, la situation peut s'aggraver. Le Handicap n'est plus biologique, il devient social.
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Ole Ferme l'oeil
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Ole Ferme l'oeil »

annemarie a écrit :OK, merci Bernard, c'est plus clair quand à la nomenclature.

Moi, ça me parait important pour la prise en charge, il n'y a pas les mêmes problématiques dans chaque cas.
Mouais.... Comme je l'ai dit je ne suis pas du tout convaincu par ces divisions moi. :naugty:
annemarie a écrit :Il y a des endroits où les médecins ne posent pas de diagnostique, mais travaillent avec les enfants en s'adaptant à ce qu'ils sont, c'est peut-être mieux. Il vaut peut être mieux ne pas conclure que poser un diag d'autisme à tout va, les différences sont trop énormes.
Je pense que même avec un diagnostique travailler avec l'enfant (ou l'adulte!) tel qu'il est en s'adaptant à lui est toujours la bonne méthode
annemarie a écrit :Un enfant qui ne supporte pas le contact sera traumatisé par une contention, d'autres se la font eux mêmes, mais ne supporteront peut être pas qu'on la leur fasse subir, d'autres la réclament.
Quand tu dis contention, tu fais référence au packing sec?
J'ai utilisé ce mot dans une traduction en cours d'un texte de Joel Smith, mais je l'utilisais comme traduction de l'anglais "restraint" c'est à dire que je parlais de ça:
Et ça je vois mal comment quiconque pourrait le réclamer!

...suite à venir...
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Jonquille57
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jonquille57 »

Mars a écrit :C'est hélas vrai Jonquille et si nous nous battons, en invoquant, notamment, les cas de personnes autistes vivant de façon autonome, c'est bien pour convaincre que c'est possible, non pas pour dire que c'est toujours comme ça.
Sinon, il n'y aurait plus besoin de se battre.
Tu as raison, Mars, mais parfois, la barre semble si haute qu'elle nous semble appartenir à un autre monde... Pour Mysterio ( pardon de toujours reparler de lui ), quand j'entends qu'il est très loin de pouvoir travailler, même en ESAT, je me dis que son avenir est à des millénaires d'une vie autonome et épanouie...

Murielle, tu as raison d'espérer, et je l'ai moi-même fait tant que Mysterio était petit puis ado. C'est d'ailleurs dans cet espoir que j'ai trouvé la force de me battre. Mais maintenant, que reste-il de ce combat ? :roll:
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par annemarie »

Quand j'emploie le mot contention, c'est dans son sens de base qui signifie contenir, le packing, je ne connaissais pas, mais bébé, j'ai été "contenue" dans mon lit pour que je ne me relève pas, ça laisse des traces obligatoirement, et pas en bien puisque que j'avais besoin de me relever.

Mais c'est aussi ce que conseillait Dolto pour tout bébé normal qui est en panique, de mettre une main sous ses fesses et une sur sa tête pour qu'il puisse se rassembler dans son corps, c'est certains enfants qui demandent à être tenus dans les bras, mais plus serrés que les autres et tu as la célèbre boite à serrer de Temple Gandin.

Ce n'est pas la contention en soi qui pose problème, mais l'utilisation systématique, ou obligatoire, ou sa transformation en empêchement de bouger.
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Mars
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Mars »

Tu as raison, Mars, mais parfois, la barre semble si haute qu'elle nous semble appartenir à un autre monde... Pour Mysterio ( pardon de toujours reparler de lui ), quand j'entends qu'il est très loin de pouvoir travailler, même en ESAT, je me dis que son avenir est à des millénaires d'une vie autonome et épanouie...
Si Mysterio n'avait pas eu ces 7/8 ans de parenthèse scolaire, il n'en serait pas là aujourd'hui.
Tout se tient pour que le parcours soit le plus court possible vers une vie (scolaire, sociale, professionnelle, personnelle) épanouie. S'il manque un (ou plusieurs) maillons, que ce soit en début, au milieu ou en fin de chaîne, c'est grave pour tout le monde, encore plus pour nos enfants.
Je crois l'avoir dit à plusieurs reprises :wink: , on doit se battre depuis la petite enfance, pour obtenir le diagnostic, puis une trajectoire de vie la plus valorisante possible. Se battre, ça veut essentiellement dire informer encore et encore...
Enfin, c'est mon avis...
Atypique sans être aspie. Maman de 2 jeunes filles dont une aspie.
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

article sur la testostérone et l'empathie.
Voir dans Recherches sur l'autisme.
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omega
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par omega »

Intéressant.
Manque d'empathie, ok. Mais dominance sociale, appétit sexuel... je ne suis pas sûre que cela fasse tellement partie du tableau de l'autisme!
Donc y'a sûrement la testostérone, mais pas que... :mryellow:
«Nous sommes tous des farceurs: nous survivons à nos problèmes.» (Cioran)
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Celà ne parle pas d'autisme, mais du cerveau. Le cerveau masculin existe-t-il vraiment ?
Le Monde du 4-5/9/2011
Garçons et filles ont des têtes aussi bien faites

Pourquoi les filles seraient-elles plus douées pour apprendre à lire et à écrire, tandis que les garçons auraient la bosse des maths et s'orienteraient plus facilement ? Y a-t-il une fatalité à ce que les femmes expriment davantage leurs émotions, soient plus empathiques et prennent moins de risques, alors que les hommes seraient plus ambitieux, plus agressifs, et plus doués pour lire une carte routière ? Hommes et femmes se comportent donc différemment. Mais quelle est la part de l'inné et de l'acquis ?

Démontant les clichés et les stéréotypes, la neuroscientifique Lise Eliot, maître de conférences en neurosciences à l'université Rosalind-Franklin de Chicago (Illinois), publie, le 5 septembre, un livre captivant qui fait le point sur les travaux les plus récents sur la différence des sexes, Cerveau rose, cerveau bleu : les neurones ont-ils un sexe ? (Robert Laffont, 507 p., 22 €). On ne trouve pas de révélations tonitruantes dans cette enquête, mais un constat tout en nuances.

Le débat, virulent aux Etats-Unis, a des répercussions importantes sur l'éducation. Pour certains spécialistes américains, comme le psychothérapeute Michael Gurian, auteur de Nos garçons : mieux les comprendre, mieux les élever (Albin Michel, 298 p., 18 €), la théorie de la primauté de l'acquis sur l'inné a fait long feu. "Si vous avez un garçon "normal" - c'est-à-dire pourvu des chromosomes XY et d'un corps et d'un cerveau masculins ayant reçu la testostérone nécessaire -, il est dominé par l'hormone qui l'a fait ce qu'il est", écrit-il.

Aux Etats-Unis, le retour en grâce des écoles non mixtes tient au fait que des scientifiques comme Leonard Sax, psychologue et médecin, considèrent qu'il faut tirer au maximum parti des différences d'apprentissage entre filles et garçons plutôt que de les ignorer.

En réalité, considère Lise Eliot, les différences à la naissance ne sont pas quantitativement très importantes, et, dans de nombreux cas, plus modestes que celles qui existent entre hommes et femmes adultes. "Certes, il existe des études qui révèlent de subtiles différences entre les sexes, chez les enfants, dans le traitement des informations sensorielles, dans les circuits du langage et de la mémoire, dans le développement des lobes frontaux et dans la vitesse et la réactivité générale des neurones, écrit-elle. Dans l'ensemble, quoi qu'il en soit, les cerveaux des garçons et des filles sont remarquablement similaires."

L'apprentissage et la pratique modèlent en fait l'architecture neuronale, de telle sorte qu'arrivés à l'âge adulte, les cerveaux des deux sexes finissent par fonctionner différemment. Notre cerveau se transforme du fait des apprentissages, des émotions : c'est ce qu'on appelle la plasticité cérébrale. "Son câblage à l'âge adulte est fonction, dans une large mesure, des expériences qu'il connaît de la période prénatale jusqu'à l'adolescence", poursuit la scientifique.

Mais quelles sont ces petites différences entre filles et garçons que nous amplifions par l'éducation sexuée et que nous transmettons plus ou moins consciemment à nos enfants ? "Les différences véritablement innées - celles des capacités verbales, des niveaux d'activité, de l'inhibition, de l'agressivité et, peut-être, de la sociabilité - sont petites, toutes petites : de simples tendances qui influencent un peu le comportement des enfants, mais ne déterminent rien du tout par elles-mêmes, explique la neuroscientifique. Ce qui compte surtout, c'est la façon dont les enfants passent leur temps, c'est le regard que l'on porte sur eux, et les conséquences de toutes leurs interactions avec leur entourage sur les circuits neuronaux."

Prenons l'exemple du langage. Les filles parlent un peu plus tôt que les garçons. La petite fille de 9 mois comprend environ cinquante mots, alors que le petit garçon possède le même volume de vocabulaire à 10 mois. La plupart des bébés prononcent leurs premiers mots autour de leur premier anniversaire, mais la petite fille a tendance à les prononcer un mois plus tôt. A 2 ans et demi, les filles conservent cette avance. Cette différence se maintient durant toute la période préscolaire.

Mais, si ces variations sont réelles, elles sont pour le moins ténues. "La supériorité des aptitudes verbales chez les jeunes enfants, même si elle est bien réelle, n'a aucune base neurologique claire, explique Lise Eliot. Il est très probable que les garçons démarrent avec des circuits cérébraux légèrement moins mûrs que ceux des filles au moment où ils apprennent à parler, puis que l'écart se creuse petit à petit parce que les deux sexes ne vivent pas les mêmes expériences."

Pour éviter ce fossé, la neuroscientifique conseille aux parents de garçons en âge préscolaire de renforcer leur maîtrise du langage en leur lisant des albums à haute voix, des comptines, en les faisant parler, en identifiant les sons. Ces conseils valent aussi pour les filles.

Plus ennuyeux, les garçons tiennent moins facilement en place. Ils seraient plus lents à acquérir la maîtrise de soi. "Une importante étude a montré que l'avantage des filles dans le domaine du contrôle inhibiteur constitue la plus importante de toutes les différences comportementales entre les sexes chez les enfants de 3 à 13 ans, note la scientifique. Et c'est ce retard, bien plus que les autres différences cognitives existant entre les sexes, qui fait qu'ils ont plus de difficultés que les filles à s'adapter à l'école."

Les neuroscientifiques supposent en général que l'agitation plus grande des garçons est due à une maturation plus lente des lobes frontaux qui assurent le contrôle inhibiteur, "mais curieusement, les recherches ne confirment pas du tout cette hypothèse", poursuit Lise Eliot. La testostérone prénatale pourrait jouer un rôle dans le fait que les garçons soient plus actifs, voire plus agressifs.

Opposée aux écoles non mixtes, Lise Eliot préconise d'adapter davantage les classes aux garçons. Ils ont besoin d'avoir la possibilité de se mouvoir à travers la classe et de fréquentes coupures pour se dépenser. Par ailleurs, la maîtrise de soi peut être stimulée par des jeux comme "Jacques a dit" ou "1, 2, 3, soleil". Il faut davantage d'expérimentations et de manipulations en plus des enseignements théoriques, s'exercer à l'écriture sans risquer un blâme. Par ailleurs, estime-t-elle, il faut davantage de maîtres.

Quant aux filles, elles ont besoin d'activités pour exercer leurs aptitudes spatiales : jouer à des jeux "de garçons" (construction, logiciels de jeu, ballon, etc.) et, entre autres, qu'on leur montre l'importance des sciences et des maths dans les carrières les plus rémunératrices.

Martine Laronche

Le raisonnement spatial : inné ou acquis ?

En général, les femmes n'obtiennent pas d'aussi bons résultats que les hommes à de nombreux tests de raisonnement spatial, notamment pour ce qui concerne la rotation dans l'espace. Cette différence n'avait été mise en évidence qu'à partir de l'âge de 4 ans et demi. En 2008, deux équipes distinctes ont découvert que les garçons de 3 et 5 mois effectuaient mieux que les filles une tâche particulière de rotation mentale. Toutefois, un groupe d'anthropologues qui étudiaient les Esquimaux de l'île de Baffin, dans l'est du Canada, n'a pas trouvé de différence entre les aptitudes spatiales des femmes et celles des hommes. Or, les femmes esquimaudes participent autant à la chasse que les hommes. Si les hommes ont un petit avantage à la naissance, l'importance de l'entraînement dans l'espace semble donc primordiale.
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

extraits du livre :Image
Les neurones ont-ils un sexe ?
Les meilleurs extraits du livre événement de la neurobiologiste Lise Eliot , Cerveau rose, cerveau bleu (Robert Laffont).

Garçons et filles sont différents. Cette donnée, évidente pour toutes les générations qui nous ont précédés, fait aujourd'hui l'effet d'une révélation étonnante à de nombreux parents. Nous qui avons été élevés dans l'idée de l'égalité des sexes, nous considérons ou nous espérons, à tout le moins, que les différences entre les sexes ne sont pas innées, mais fabriquées par la société. Nous nous côtoyons sans difficulté entre personnes des deux sexes, nous échangeons nos points de vue aussi bien sur le sport que sur la cuisine et nous sommes joyeusement en compétition les uns avec les autres sur nos lieux de travail en faisant constamment semblant de considérer qu'hommes et femmes sont plus ou moins identiques. Jusqu'à ce que nous ayons à notre tour des enfants et que les différences entre les sexes deviennent impossibles à ignorer! (...)

Oui, garçons et filles sont différents. Ils ont des centres d'intérêt différents, des niveaux d'activité différents, des seuils sensoriels différents, des forces physiques différentes, des styles relationnels différents, des capacités de concentration différentes et des aptitudes intellectuelles différentes ! Les différences ne sont pas quantitativement très importantes et, dans de nombreux cas, bien plus modestes que celles, parfois énormes, qui existent entre hommes et femmes adultes. Les petits garçons pleurent, les petites filles tapent et donnent des coups de pied. Mais les différences s'additionnent -et c'est cela qui provoque l'apparition de certaines statistiques alarmantes qui influencent notre façon de penser l'éducation des enfants. (...) Ces différences entre les sexes ont de réelles conséquences et posent d'énormes défis aux parents. Comment soutenir aussi bien nos fils que nos filles, les protéger et continuer de les traiter de manière équitable, alors que leurs besoins sont manifestement si différents?

Déjà, dans le ventre de la mère...

Les tests de grossesse vendus dans le commerce sont excellents, mais ils ne sont pas encore capables d'annoncer le sexe du futur bébé. Cette limitation est en partie due au fait que plus on est tôt dans la grossesse, moins il est possible de différencier les fœtus. Les bébés des deux sexes sont identiques pendant les six premières semaines de leur développement intra-utérin. Le processus de différenciation sexuelle s'enclenche vers le milieu du premier trimestre, mais il n'apparaît pas clairement à l'échographie avant la fin du troisième mois (au plus tôt). Les fœtus prennent leur temps pour révéler leurs organes génitaux au monde extérieur. Et à l'intérieur de leurs toutes petites têtes, la différenciation est encore plus lente.

Cependant, il y a des différences qui s'impriment dans le cerveau, et sans doute dans l'esprit, avant la naissance. Vous ne pouvez ni les voir à l'échographie ni les entendre dans les battements de cœur du fœtus, mais elles sont bien là: garçons et filles sont influencés dans l'utérus par différents gènes et différentes hormones qui leur sont propres. (...)

Parmi toutes ces influences, celle que les chercheurs connaissent le mieux est celle de la testostérone, la célébrissime hormone stéroïde contre laquelle les mères adorent se lamenter quand elles surprennent leurs fils à se pourchasser à travers la maison ou à se bagarrer trop près de la table basse du salon.

Les parents, en général, ne savent pas à quel point la testostérone intervient tôt dans le développement de leur enfant. La première poussée de testotérone démarre six semaines après la conception, pour se terminer avant la fin du second trimestre. Ensuite, et jusqu'au moment de la naissance, le niveau de testostrérone des garçons n'est guère différent de celui des filles. Une autre poussée survient alors, plus modeste que la première, qui s'étend sur les six premiers mois de la vie. En tout état de cause, la brève période de quatre mois, avant la naissance, durant laquelle les fœtus sont exposés à la testostérone, suffit à les masculiniser entre les jambes et, dans une certaine mesure, dans leurs cerveaux embryonnaires. (...)

Les garçons se développent plus vite que les filles, et ce, dès le début de la grossesse. Les médecins spécialistes des fécondations in vitro sont souvent capables de deviner si l'embryon sera mâle ou femelle rien qu'en se basant sur le nombre de divisions cellulaires qui se sont produites en un certain nombre d'heures depuis la fécondation: les embryons mâles ont un métabolisme plus élevé, qui accélère le début de leur croissance et la multiplication des cellules. L'évolution semble avoir favorisé cette croissance plus rapide afin que les embryons mâles passent la période critique de la différenciation testiculaire avant que les œstrogènes de leur mère, dont les niveaux grimpent régulièrement au début de la grossesse, ne perturbent le développement de leur appareil uro-génital. Conséquence de leur développement plus rapide, les garçons sont plus grands, plus lourds et physiquement plus vigoureux que les filles au moment de la naissance - avec des crânes plus épais et, oui, des cerveaux plus gros.

Si les corps des garçons grandissent et grossissent plus vite, ceux des filles mûrissent plus rapidement. Et cette différence se traduit par un avantage net en faveur des fœtus féminins à la fin de la grossesse. Selon la plupart des critères de mesure, les filles sont plus capables de relever le défi de la vie en dehors de l'utérus ; les garçons sont davantage vulnérables à tout un éventail de maladies, de problèmes cognitifs et comportementaux, et même à la mort, à la fin de la grossesse et après l'accouchement. (...)

Quand une femme enceinte fait une fausse couche, il est environ 30 % plus probable que le fœtus était celui d'un garçon. Les garçons ont aussi environ 7 % de chances de plus que les filles de naître prématurément. Même les garçons nés à terme courent davantage de risques que les filles. Le taux de mortalité infantile global, aux Etats-Unis, est 22% plus élevé chez les garçons que chez les filles. (...)

Tous ces facteurs expliquent comment le surplus d'embryons mâles conçus à la fécondation diminue peu à peu, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un nombre de fœtus masculins presque égal à celui des fœtus de filles. Après la naissance, néanmoins, la vulnérabilité des garçons reste un thème dominant du début de leur croissance. Ils risquent davantage que les filles de succomber à un nombre impressionnant de problèmes physiques et mentaux. Cela fait d'eux, par bien des aspects, le sexe le plus difficile à élever au début de l'enfance.

A la naissance: si semblables... et si différents

Comme les chatons, les nouveau-nés se ressemblent à peu près tous. (...). N'empêche, il existe quelques différences entre les sexes, constantes et fiables, qui influencent sans doute réellement le démarrage de chaque garçon et de chaque fille dans la vie. Les bébés filles devancent les garçons par le nombre de gestes qu'elles produisent. En moyenne, elles commencent quelques semaines avant eux à pointer du doigt, à saluer de la main et à lever les bras vers les adultes pour être soulevées. Mais là encore, leur avantage est assez réduit: dans une importante étude suédoise, il est apparu que les filles de 18 mois produisaient... 5% de gestes en plus que les garçons. D'un autre côté, les gestes ne sont pas tout à fait les mêmes. Certains des gestes des bébés sont déjà marqués sexuellement: les filles de 8 à 16 mois ont davantage tendance à imiter les comportements parentaux (par exemple, elles étreignent ou bercent leurs poupées); les garçons de la même tranche d'âge font le geste de lire un journal, de conduire une voiture ou de donner des coups de marteau.

Après les gestes vient la prononciation des mots, premiers outils d'expression verbale des bébés. Les filles conservent leur modeste avancée, tout au long de la petite enfance, pour produire en moyenne trois cents mots à l'âge de 22 mois, tandis que les garçons atteignent ce seuil à 23 ou 24 mois.

Passé l'âge de 2 ans, les enfants commencent à parler pour de bon. Ils se mettent à associer les mots en petites phrases simples telles que Maman maison, Encore lait ou Aller parc. Là encore, les filles prennent la tête: huit mots consécutifs d'un souffle, à deux ans et demi, contre environ six mots pour les garçons. Et à l'émergence des phrases grammaticalement justes, celles des filles sont plus longues et plus complexes que celles des garçons - une différence qui se maintient durant toute la période préscolaire. (...)

Les écarts entre garçons et filles se creusent énormément entre 2 et 6 ans -et certains sont plus marqués à cette période qu'à aucun autre moment de la vie. Les coupables ne sont pas les hormones, puisque les gonades des enfants se sont calmées et resteront tranquilles jusqu'à la puberté. Mais il est vrai, comme nous l'avons vu, que certaines influences génétiques et hormonales pré et postnatales ont projeté les enfants sur des trajectoires légèrement différentes. Longtemps avant qu'ils n'entrent en contact avec notre culture très codifiée entre masculin et féminin, leurs cerveaux sont préparés à ne pas réagir tout à fait de la même manière à certains aspects de notre environnement. Et une fois le processus amorcé, ils s'épanouissent selon un modèle rose ou bleu qui caractérisera de bien des façons la suite de leur développement. (...)

Jouets: Barbie vs camion-benne

La plupart des parents ont des récits (...) sur les activités ludiques «typiques de leur sexe» de leurs très jeunes enfants. Et les recherches confirment que cette différence est remarquablement universelle. Qu'ils grandissent aux Etats-Unis, en Europe, au Japon et probablement n'importe où dans le monde, les garçons de 2 à 5 ans choisissent à une écrasante majorité le camion, la petite voiture, le ballon ou tout autre jouet « masculin » quand on leur offre le choix entre ces objets et une poupée. Les fillettes du même âge sélectionnent la poupée, les ustensiles de cuisine ou le nécessaire à maquillage (surtout si l'un de ces jouets est rose). (...) «Il doit y avoir un gène de la bagnole sur le chromosome Y!» Voilà comment de nombreux parents expliquent le fait indéniable, universel. (...)

Bien sûr, ni les camions ni les poupées n'existaient il y a cent mille ans, quand le génome humain s'est stabilisé sur la séquence qu'il a aujourd'hui. Mais il ne paraît pas absurde de croire que certaines propriétés intrinsèques des jouets «garçons» et des jouets «filles» séduisent profondément, et différemment, les garçons et les filles.

L'argument contraire, c'est que non, non, trois fois non, il n'y a strictement rien d'inné à tout cela. C'est nous, les parents, qui imbibons les enfants de ces préférences à travers les choix que nous faisons très consciemment quand nous leur achetons des jouets et à travers les présupposés inconscients sur les garçons et les filles. Cette théorie de la prééminence de l'acquis sur l'inné, des facteurs culturels sur la nature, n'a plus autant la cote qu'il y a quelques décennies, notamment parce qu'elle est contredite par les tentatives des parents pour intéresser leurs fils aux poupées et leurs filles aux camions. Mais la vérité est quelque part entre les deux idées: les préférences des garçons et des filles pour telle ou telle sorte de jouets sont clairement biaisées par certaines tendances innées, mais elles sont amplifiées par divers facteurs sociaux au premier chef desquels la prise de conscience qui s'impose à l'enfant qu'il est un garçon ou une fille. (...)

Deux études récentes - une sur les jolis petits vervets, l'autre sur les singes rhésus -ont révélé que les mâles et les femelles se différenciaient comme les garçons et les filles en matière de choix de jouets. La première étude, menée à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) par Gerianne Alexander et Melissa Hines, s'est penchée sur les préférences de vervets âgés de 1 an pour divers jouets humains conventionnels. Les mâles consacrèrent davantage de temps à manipuler la balle ou la petite voiture de police qu'aux autres jouets, tandis que les femelles préférèrent une poupée de chiffon et, plus mystérieusement, une casserole rouge. Cependant, les deux sexes passèrent autant de temps à examiner deux jouets unisexes (un chien en peluche et un livre d'images). Les résultats sont similaires dans l'étude des singes rhésus menée au Centre Yerkes de recherche sur les primates de l'université Emory. Dans les deux études, les singes ignoraient sans aucun doute le sens du concept de «jouet de garçon ou de jouet de fille». Aussi, ces résultats donnent bien à penser que ces préférences ont quelque chose d'inné.

Les garçons, plus actifs, sont peut-être davantage séduits par les objets mobiles qu'ils peuvent manipuler et contrôler en utilisant leur corps. Les filles trouvent peut-être les poupées plus plaisantes parce qu'elles ont davantage propension à nouer des liens avec les personnes de leur entourage, voire, parce qu'elles ont une attitude véritablement instinctive pour les bébés. (...) L'attirance des femelles vervets pour les bébés pourrait aussi expliquer leur intérêt bien étrange pour la casserole de l'étude. Il se trouve simplement que le rouge de cette casserole était proche de celui de la peau des nourrissons vervets. (...)

L'école: elles écrivent, ils comptent

S'ils insistent parfois pour porter des robes bien roses ou des jeans bien bleus pour l'école, ils ont beaucoup de choses en commun une fois en classe. Oui, les filles sont plus précoces sur le plan verbal. Mais en réalité, il s'agit là d'une des différences entre les sexes les moins importantes: elle se traduit par un simple écart de deux points de QI avant 6 ans et elle diminue beaucoup au cours des premières années du primaire (sans aucun doute parce que les enfants se mettent tous à parler énormément une fois qu'ils sont scolarisés). En d'autres termes, il y a des tas de petits garçons très loquaces. Et s'il est vrai que davantage de garçons que de filles ont des difficultés à apprendre à lire, il ne faut pas en conclure que tous les garçons peineront dans ce domaine ou, pis, qu'aucune fille n'a besoin d'aide supplémentaire pour apprendre à s'exprimer ou à lire. En outre, les filles ne sont pas en avance dans toutes les mesures de l'aptitude verbale. Pour le vocabulaire, en particulier, on n'observe pas de différence entre les sexes à partir de l'âge de 6 ans, en tout cas, et pendant toutes les années qui suivent.

Les garçons ont l'avantage dans d'autres domaines. Dès le primaire, ils ont des résultats un peu supérieurs aux tests d'aptitudes visio-spatiales et ils distancent de plus en plus les filles tout au long de l'enfance et de l'adolescence. Ils sont également tout aussi bons, sinon meilleurs qu'elles en maths. (...) En maths et en sciences, à vrai dire, les filles démarrent tout à fait du bon pied. Au début du primaire, elles connaissent leurs nombres et savent compter aussi bien que les garçons. Les filles et les femmes sont même meilleures que les garçons et les hommes en calcul mental. Au bout du compte, pourtant, ce sont les garçons qui obtiennent les meilleurs résultats dans la plupart des examens de mathématiques, dont ceux de géométrie, de mesures, de probabilités et pour les très redoutés «problèmes».

Considérons les données des tests d'évaluation passés par des centaines de milliers d'élèves américains. Les filles ont des résultats inférieurs à ceux des garçons, en maths comme en sciences, dans les classes de CM1 et de quatrième quoique la différence (deux à trois points) soit considérablement moindre que la différence, au désavantage des garçons, relevée aux tests de lecture et d'écriture. Les filles sont encore un peu plus en retard en terminale. A cet âge, cependant, il est encourageant de constater que les écarts se sont réduits presque de moitié par rapport à ce qu'ils étaient il y a dix ou vingt ans.

Ne pleure pas, mon fils!

A vrai dire (...), les garçons seraient plutôt plus émotifs que les filles: les nouveau-nés sont plus irritables, ils pleurent plus tôt s'ils ont un problème et ils sont moins faciles à consoler que les nouveau-nées. Les choses s'égalisent assez vite, mais, comme le savent tous les parents de garçons, ceux-ci manifestent beaucoup, beaucoup leurs émotions. Pour eux comme pour les filles, le début de la vie est un méli-mélo de périodes de bonne humeur et de chutes dans la déprime la plus noire, de crises de colère et de sourires exubérants, sans oublier les poignantes déclarations d'amour qu'ils adressent à leurs parents, leurs frères et sœurs et leurs animaux domestiques. Les visages des garçons, comme ceux des filles, sont très, très expressifs (voilà pourquoi les parents aiment tellement les photographier). Arrivés à l'âge de 4 ou 5 ans, les garçons pleurent peut-être un peu moins que les filles, mais ils versent encore bien assez de larmes pour vous donner envie de les prendre dans vos bras, de les bercer et de faire tout votre possible pour les réconforter.

Si les garçons éprouvent sans l'ombre d'un doute les mêmes émotions que les filles, ils apprennent cependant bien vite à ne pas les montrer. Le cliché du mâle stoïque est assez juste - en apparence, du moins. Les hommes adultes manifestent effectivement moins d'expressions faciales, ils pleurent moins et, de manière générale, ils dissimulent leurs sentiments davantage que les femmes. Mais cela ne signifie pas qu'ils ne ressentent rien, bien au contraire! Dans les études en laboratoire, les hommes réagissent d'ailleurs plus intensément que les femmes aux stimuli émotionnels frappants comme le visionnage d'un film violent ou la peur de recevoir une décharge électrique. Le truc, c'est que leurs réactions sont essentiellement internes: dans les situations émotionnellement troublantes, ils connaissent de plus fortes accélérations de leur rythme cardiaque, de plus fortes élévations de leur pression artérielle et davantage de suées que les femmes. Mais leurs émotions, même si elles sont moins visibles en surface, sont tout aussi puissantes que celles des femmes.» (...)

Les intertitres sont de la rédaction du Figaro.

Cerveau rose, cerveau bleu. Les neurones ont-ils un sexe?, de Lise Eliot, Robert Laffont, 504p., 22€.
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Extrait du même livre - chapitre 2 / Dans les langes bleus ou roses (pp.118-124) :
L’autisme est-il une caractéristique masculine ?

Si la différence entre garçons et filles dans le domaine de l’empathie est plutôt modeste, il y a un écart très net entre les sexes, par contre, qui a donné beaucoup de poids à l’idée que les garçons sont naturellement moins réceptifs, moins sensibles envers leur entourage, que les filles. Cet écart, c’est celui de la proportion élevée de garçons autistes par rapport aux filles. Ce trouble dévastateur, qui n’a été identifié qu’au milieu du XXe siècle, est aujourd’hui l’un des syndromes les plus répandus de l’enfance 3,4 enfants sur mille en sont atteints, et près de 80 pour cent d’entre eux sont des garçons.

Les troubles du spectre autistique varient en gravité, mais ils partagent un même déficit fondamental chez l’enfant : l’absence de sensibilité sociale ou de compréhension des sentiments et des motivations d’autrui. L’autisme est parfois diagnostiqué vers l’âge de deux ans, plus couramment durant la quatrième année de la vie, mais on peut en détecter certains signes dès la première année : l’enfant ne soutient as le regard des gens qui l’entourent, par exemple, ou il ne semble jamais joyeux. Les enfants souffrant d’autisme (ou touchés par le syndrome d’Asperger, une forme moins handicapante de l’autisme) correspondent au stéréotype de Louann Brizendine selon lequel les hommes seraient incapables de se lier avec leur entourage ils ont des difficultés à communiquer, à soutenir le regard de leurs interlocuteurs et, en particulier, à comprendre que les autres gens ont des pensées et des émotions différentes des leurs. Bref, ils sont complètement incapables d’empathie. L’autisme étant diagnostiqué trois ou quatre fois plus souvent chez les garçons que chez les filles, certains chercheurs en ont déduit que les garçons étaient plus vulnérables face à cette maladie parce que leurs cerveaux étaient naturellement dépourvus des circuits nécessaires à l’empathie.

*D’après certains experts, cependant, l’autisme et le syndrome d’Asperger sont sous—diagnostiqués chez les filles, dont les meilleures aptitudes verbales et la plus grande capacité à imiter les adultes pourraient masquer les déficiences sociales caractéristiques des troubles autistiques.

Le plus fervent défenseur de cette idée est Simon Baron-Cohen, qui décrit l’autisme comme la conséquence d’un « cerveau masculin extrême ». Il a bâti sa théorie sur l’inaptitude à l’empathie et à la communication des autistes, ainsi que sur leur tendance à avoir des centres d’intérêt extrêmement restreints — la manie du calcul, par cxemple, du personnage interprété par Dustin Hoffman dans le film Rain Man. Baron-Cohen et ses collègues ont imaginé de nombreux questionnaires pour explorer deux dimensions comportementales qu’ils ont appelées 1’«empathisation » et la « systématisation »*. Ces questionnaires ressemblent à certains jeux de la guerre des sexes (dans le domaine de la théorie des jeux) et, sans surprise, les femmes y atteignent les meilleurs scores sur l’échelle de 1’empathisation, tandis que les hommes réussissent brillamment sur l’échelle de la systématisation. L’un des problèmes qui se posent d’emblée avec ce genre de questionnaires, hélas, c’est que leurs résultats sont basés sur les évaluations personnelles des sujets d’études, et non sur des mesures plus objectives de perception visuelle ou de capacité analytique. Les hommes et les femmes n’obtinrent pas des scores significativement différents d’ailleurs, dans l’un des propres tests de Baron-Cohen où il s’agissait d’identifier les émotions de diverses personnes dont on ne voyait que les yeux (sur des photographies).

* La « systématisation » désigne ici la tendance qu’ont certaines personnes à se concentrer sur certains objets et sur leur disposition ou organisation. Il serait plus juste de dire que les questionnaires examinent la tendance analytique des individus.

Mais la théorie de Baron-Cohen et de sa collègue Rebecca Knickmeyer va encore plus loin : ils proposent que le facteur constitutif déterminant du cerveau masculin est celui-là même qui provoque l’autisme Et pour prouver cela, ils visent le suspect habituel : la testostérone prénatale. Dans un ambitieux projet de recherche, ils ont d’abord mesuré les niveaux de testostérone présents dans les échantillons d’amniocentèse de dizaines de femmes enceintes. Ils ont ensuite suivi les enfants de la naissance jusqu’à l’âge de quatre ans, en les soumettant à des tests de détection de deux caractéristiques de l’autisme : l’incapacité à l’empathie et la limitation des centres d’intérêt.

Leur équipe a publié de nombreux articles aux titres très impressionnants, mais les résultats des études ne sont pas terriblement convaincants quand on y regarde de près. Certes, ils montrent que les niveaux de testostérone prénatale sont corrélés à de nombreuses mesures — contact visuel chez les nourrissons, taille du vocabulaire au cours de la deuxième année, empathie et centres d’intérêt limités dans la petite enfance, etc. Mais ils ne tiennent pas la route[38], le plus souvent, quand les garçons et les filles sont analysés séparément. In utero, de toute évidence, les garçons sont exposés à des niveaux de testostérone plus élevés que les filles. Et les petits garçons, comme nous l’avons vu, soutiennent moins le regard de leurs interlocuteurs, possèdent moins de vocabulaire, sont moins empathiques et ont des centres d’intérêt plus limités. Si vous prenez les garçons et les filles tous ensemble, par conséquent, vous avez toutes les chances de pouvoir établir des corrélations entre la testostérone et ces diverses données comportementales. (Vous trouveriez aussi une relation entre la testostérone fœtale et les utilisateurs de couches— culottes bleues ou roses, mais cela ne signifie pas qu’il s’agit d’une relation causale.) La véritable question à poser — celle qui guide la plupart des études sur la testostérone prénatale —, c’est celle de savoir si la relation entre la testostérone fœtale et, disons, l’empathie, est significative à l’intérieur de chaque sexe. Si l’autisme était provoqué par une exposition extrême à la testostérone prénatale, par exemple, il faudrait s’attendre à découvrir que les garçons qui en avaient les niveaux les plus élevés in utero soient ceux chez qui on diagnostiquerait ultérieurement le trouble, tandis que les garçons aux niveaux de testostérone prénatale plus bas ne seraient pas aussi souvent atteints.

Et ce n’est pas le cas * ! Qui plus est, les garçons autistes ne sont en aucune autre façon «hypermasculins » — très agressifs ou particulièrement forts, par exemple. Ces chercheurs n’ont toujours pas prouvé, en outre, qu’il existe une relation entre les niveaux de testostérone et les mesures de l’empathie ou de la systématisation chez les petites filles. Comme nous l’avons vu chez les filles atteintes de l’HCS (la maladie génétique qui les expose à des niveaux élevés d’hormones mâles), il est établi qu’il existe un lien entre la testostérone prénatale à laquelle elles sont exposées et certains de leur comportements ultérieurs — la préférence pour les jouets « masculins » (camions et ballons), ainsi que le lesbianisme et la bisexualité. Cependant, les filles HCS ne risquent pas davantage d’être atteintes d’autisme que les filles soumises à des taux de testostérone prénatale normaux.

* Très récemment, le groupe de Baron-Cohen a bel et bien signalé une corrélation entre la testostérone foetale et une mesure de « traits autistiques » qui était significative dans chaque population, masculine et féminine, prise à part. Mais aucun des enfants testés (âgés de six à dix ans) ne souffre vraiment d'autisme.

Enfin, il y a un pan de la théorie du cerveau masculin extrême de Baron-Cohen qui concerne le cerveau lui-même. Récemment, la recherche a identifié plusieurs différences entre le cerveau autiste et le cerveau normal, en particulier dans certaines zones (l’amygdale, par exemple) connues pour jouer un rôle dans le rapport de l’individu à son environnement et dans les interactions sociales. Mais la découverte neurologique la plus incontestable qui a été faite, concernant l’autisme, est celle du surdéveloppement quelque peu étonnant du cerveau, au cours de la première année de la vie, chez les enfants qui se révèlent ultérieurement touchés par ce trouble. En d’autres termes, le cerveau est plus gros en cas d’autisme (au moins pendant la première année de la vie). Or, les garçons ont de plus gros cerveaux que les filles. Pour Baron-Cohen, par conséquent, cette découverte neurologique corrobore la théorie de l’autisme et du cerveau masculin extrême.

Mais il n’est pas du tout prouvé que la testostérone prénatale soit responsable du surdéveloppement du cerveau chez les autistes. Déjà, ce surdéveloppement ne commence pas avant que le bébé soit âgé d’un ou deux mois. Et il atteint son stade le plus spectaculaire entre le sixième et le quatorzième mois. Comme nous l’avons vu, les garçons ont invariablement la tête plus grosse que les filles à partir de la naissance. Si le surcroît de volume cérébral observé chez les autistes était provoqué par la testostérone prénatale, on devrait s’attendre à le trouver dès la naissance. Les filles HCS, en outre, n’ont pas le cerveau plus gros que les filles normales en dépit de leur exposition à des niveaux excessifs de testostérone et d’autres androgènes avant la naissance.

Ainsi, même si la testostérone prénatale est susceptible d’avoir une influence sur certaines des différences observées entre filles et garçons dans le domaine de la socialisation, il est exagéré de dire qu’elle est à l’origine de l’autisme. Mais quelle est la cause, en ce cas, de cette maladie déchirante?

La réponse à cette question reste désespérément mystérieuse, surtout pour les parents d’enfants touchés par l’autisme. Les gènes en constituent le facteur le plus important, avec une héritabilité estimée à 60 à 90 pour cent. Cependant, l’autisme n’est pas provoqué par un gène unique et spécifique ; l’apparition du trouble semble impliquer l’interaction de nombreux gènes différents. De même, il n’est pas clairement associé au chromosome X comme le sont d’autres maladies qui se déclarent principalement chez les garçons (la myopathie de Duchenne ou le daltonisme, par exemple) *. Certains facteurs environnementaux — du régime alimentaire des enfants en bas âge à l’excès de télévision, en passant par le très critiqué programme de vaccination des enfants **— ont aussi été mis en avant. Mais aucune de ces pistes n’a été scientifiquement validée, et aucune n’est en mesure d’expliquer pourquoi les troubles du spectre autistique sont tellement plus répandus chez les garçons que chez les filles.

* Mais il y a une maladie connue sous le nom de syndrome de I’X fragile, due à une mutation sur le chromosome X, qui est responsable d’environ 7 pour cent des cas d’autisme.
** Aux États-Unis, le débat fait rage sur la question de savoir si la vaccination des enfants est à l’origine de l’explosion du nombre de cas d’autisme. (N.d.T)


Il y a malgré tout une chose que nous savons au sujet de l‘autisme : plus la maladie est décelée tôt, et plus le traitement commence tôt, meilleur sera le pronostic pour l’avenir des enfants concernés. Le traitement idéal implique d’intenses interactions sociales —jusqu’à quarante heures par semaine en tête à tête avec un thérapeute qui fait travailler la parole, le contact visuel et d’autres aspects de la communication tout en motivant l’enfant par le jeu. C’est une solution onéreuse, mais elle vaut la peine pour les enfants qui souffrent d’une forme d’autisme modérée et qui commencent le traitement très jeunes (de préférence à l’âge de deux ans). Il est essentiel de démarrer le plus tôt possible pour bien organiser tous les circuits cérébraux nécessaires à la socialisation et à la communication avant que le cerveau ne soit dominé par les comportements inadaptés et les limitations de centres d’intérêt qui caractérisent les enfants autistes plus âgés. Des études ont récemment montré qu’un petit pourcentage d’enfants peut même guérir complètement de l’autisme grâce à ce traitement optimal précoce.

Ainsi, que l’autisme soit ou non l’expression de quelque « cerveau masculin extrême », son traitement est proche de la solution qui permet de réduire l’écart entre les sexes dans les domaines du langage et de l’empathie : immersion sociale intense, et dès le plus jeune âge. L’échange avec des adultes responsables, sensibles et réactifs est, de loin, la meilleure expérience qu’un bébé puisse vivre, et il est indéniablement bénéfique de mettre l’accent sur cet aspect des choses pour les petits garçons — en particulier ceux qui présentent un risque congénital d’autisme.
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Benoit
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Benoit »

Les inter-titres sont un peu gênants à la lecture, surtout en période de controverse sur l'identité sexuelle (je ne suis pas un lecteur du Figaro).

Mon avis c'est que s'il y avait une réelle pré-disposition à l'autisme chez les garçons, le ratio de prévalence devrait être largement plus déséquilibré. En tout cas j'interprète le dernier extrait ainsi, que les filles qui "manquent" pour faire le nombre ne sont tout simplement pas au courant de leur état.

Sinon, comme je fais plus ou moins partie des enfants dont les parents ont décidé plus ou moins empiriquement de favoriser les interactions sociales, je me demande, on a un retour suffisamment long sur l'efficacité de cette approche, au delà de contribuer à fournir des outils à des gens qui n'en ont pas. Est-ce que ça contribue réellement à changer ces gamins ? (Avec leur opinion à eux et pas celle des psys). Juste pour me sentir un peu moins blaireau/seul de n'avoir pas 'tout à fait réussi' cette étape ?
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Jean
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par Jean »

Je viens de commencer à lire ce livre de 461 pages (hors notes et bibliographie). J'en suis encore à l'introduction - en dehors des pages que j'ai reproduites et de celles qui sont juste avant ou après.

Je ne suis pas non plus un lecteur du Figaro. D'autant moins - si nécessaire - que je constate tout de suite que la sélection des extraits du livre est très ... sélective.

En ce qui concerne la prévalence de l'autisme, le ratio entre garçon et fille est plus faible en cas de déficience intellectuelle (de l'ordre de 1 à 2). En cas de SA, on parle de ratio de 1 à 5 ou 6.

Le livre explique que la seule différence massive entre hommes et femmes est celle de la taille (15 cm).

Pour le reste, les différences sont minimes : mais elles se développent dès la naissance, compte tenu des attentes - conscientes, mais souvent inconscientes - différentes en fonction du sexe.

Pour résumer, les filles naissent plus matures que les garçons. Les garçons naissent plus émotifs ! Ce qui leur nuit au départ. Mais la société rétablit patiemment l'équilibre à leur profit. :?: C'est ce que vous aviez compris en lisant le Figaro ?

L'orientation du livre va dans le sens que les petites différences ont de grandes conséquences si le fonctionnement de la société le veut. Cela ne vous rappelle rien ?
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manu
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Re: L’autisme : une forme extrême du cerveau masculin ?

Message par manu »

Parallèle super important que j'ai compris récemment sur les théories de baron-cohen, c'est que le sujet semble être moins la distinction homme femme que empathisation systématisation.

le "hypermasculin" est peut être une accroche caricaturale pour vulgariser des notions complexes. Si on sort de là on voit comment monica zilbovicius le décrit dans la vidéo bonus du film "le mur" (ici) en montrant l'expertise social (empathisation) equilibré par une expertise sur un sujet particulier (systématisation).
C'est aussi les sujet que je rappelles souvent cerveau droit/gauche, ou encore pensée visuelle/verbale.

Et c'est surtout l'avenir des diagnostiques : deux critères au lieux des trois de la triade autistique, l'un regroupant le social et la communication (l'empathie est la clé qui réunie les deux) et l'autre les intérêt restreins (systématisation).

On en en plein dans un domaine ou au lieu de zoomer pour mieux comprendre il faut prendre du recul, dé-zoomer, pour voir comment une même montagne est gravit par des voies diverses et convergente.
C'est la très grande force de cette théorie, d’ouvrir une voie nouvelle pour gravir autrement un sujet qui est toujours le même, mais il ne faut surtout pas l'enfermer exclusivement dans les distinctions hommes femmes qui ne sont que le révélateur, amplificateur comme le rappelle le message précédent.
Reconnu humain à la naissance.
Aucun diagnostique plus pertinent depuis!


"L'homme qui sait ne parle pas, L'homme qui parle ne sait pas." (Lao Tseu) ... J'arrête pas d'le dire!