Publié le 10 mars 2017 - Le Télégramme (Brest)

Le Dr Djéa Saravane est venu, mardi, à la rencontre des étudiants en médecine brestois pour parler de la prise en charge des autistes.
« Médecin interniste dans un hôpital psychiatrique je m'intéressais aussi à la douleur parce qu'à l'époque on disait que les schizophrènes étaient insensibles à la douleur... Ce qui est totalement faux ! J'avais donc une consultation de la douleur et je recevais aussi des enfants autistes. Je me suis aperçu qu'ils avaient mal et que personne ne les prenait en charge. C'est à cette époque-là que je me suis dit que ce serait bien de faire un service pour cette population », explique le Dr Djéa Saravane, directeur du Centre régional douleur et soins somatiques en santé mentale et autisme au sein de l'établissement public de santé mentale Barthélemy-Durand, à Étampes (91). Mardi soir, il a rencontré les étudiants de la corpo médecine pour leur parler de la douleur, du centre de soins qu'il a créé et de la télémédecine qu'il expérimente.
Le langage du corps
Le centre de soins n'est ni un service d'urgences, ni un service d'hospitalisation, mais il propose des consultations, chacune dure deux heures. « Il faut prendre le temps d'écouter les familles ou les personnels qui accompagnent le patient s'il est en institution. Nous avons réussi à beaucoup réduire le temps d'attente, qui était de cinq mois auparavant et de cinq à six semaines maximum aujourd'hui », ajoute le médecin, très disponible, au point de ne pas hésiter à laisser son numéro de portable personnel aux familles. Lorsque la parole n'est pas possible, il faut écouter le langage du corps. « Il faut penser à la douleur quand ils ont subitement un trouble du comportement, une agressivité à l'égard des autres ou d'eux-mêmes alors qu'ils étaient bien, sans frustration, soit des troubles du sommeil, associés ou pas, ou une explosion violente d'un seul coup avec des cris. L'échelle que j'ai mise au point utilise ces éléments, il y a six questions auxquelles il faut répondre par oui ou par non, dès qu'il y a deux " oui " cela prouve l'existence d'une douleur et la nécessité de consulter », dit le Dr Djéa Saravane. Ensuite, c'est au médecin de rechercher l'origine de la douleur qui peut être dentaire, ORL, abdominale, et puis de donner un traitement qui soigne et apaise la souffrance. Cette échelle de la douleur, validée avec des patients autistes qui ne parlaient pas, peut servir à d'autres patients, elle a été labellisée santé mentale, autisme, polyhandicap et handicap génétique rare. Le centre d'Étampes est le seul pour les enfants, ados et adultes autistes en France. Il était temps de se préoccuper de ces patients dont l'espérance de vie moyenne n'est que de 54 ans, contre 75 ans minimum pour le reste de la population. « C'est une population excessivement vulnérable avec une double peine : ils ont un handicap, mais en plus ils n'ont même pas accès aux soins de base. Si le diabète d'un autiste n'est pas dépisté il va mourir des complications du diabète et pourtant il suffit de faire une prise de sang pour le diagnostiquer. On peut même parler de triple peine : quand ils sont diagnostiqués, ils n'ont pas une bonne prise en charge médicale. Les médecins ont peur de ces patients ».
Trouver les voies de la douleur
D'autres centres régionaux de ce type vont être créés en France bientôt. Le Dr Djéa Saravane en a écrit le cahier des charges à la demande du ministère de la Santé. Contrairement au centre d'Étampes, ces centres n'auront pas l'activité de recherche qui a permis au Dr Saravane de rédiger des recommandations de bonnes pratiques professionnelles sur les soins somatiques pour l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) qui seront publiées en avril. « Je travaille aussi avec l'université de Sherbrooke, au Québec, pour démontrer que les personnes autistes ont les mêmes voies de la douleur que tout le monde ».
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