misty a écrit : ↑dimanche 1 septembre 2019 à 10:45
gatony a écrit :En même temps, quel est le coût pour la collectivité d'un diagnostic de TSA à l'extrémité du spectre ?
Il me semble important de garder à l'esprit que la notion de spectre (et donc d'extrémité/bord extérieur de spectre) n'est aucunement exclusive à l'autisme. On raisonne désormais en termes de
spectre pour quasi tous les troubles psychiques (ex: spectre dépressif, obsessionnel, bipolaire, schizophrénique...), et à ce compte là si on envisage ta théorie il faut tenir compte du fait que la majorité de la population se trouve à l'extrémité d'un spectre de trouble X ou Y.
Sans parler des soucis de santé "classiques" genre problèmes de genoux, d'épaules et surtout de dos. Là tu te retrouves en moins de deux avec 98% de salariés reconnus TH. On fait comment, concrètement, pour que chacun puisse faire valoir ses droits et revendiquer ses besoins spécifiques?
Le problème, dans ce cas, n'est pas lié au diagnostic de l'autisme. Il est lié à la pratique médicale en général, laquelle semble se heurter à des difficultés en matière d'autisme peut-être. Quelle que soit l'affection, le médecin doit évaluer les conséquences
fonctionnelles (je l'ai déjà dit dans mon précédent message). Si 98% de la population se retrouve à avoir des conséquences fonctionnelles négatives du fait d'un appréhension trop large des différents troubles, c'est que l'évaluation est mal faite. En matière d'autisme comme pour toute autre pathologie, le médecin doit rester juste dans son appréciation.
Par ailleurs, le coût pour les personnes autistes est très élevé:
- C'est une manière d'officialiser/valider la minimisation/banalisation déjà très importante des problématiques liées aux TSA. Les discours type "mais ça moi aussi je le fais/ tout le monde est un peu autiste" deviennent de plus en plus rationnels et légitimes (je pense que d'une certaine manière il arrive que ce soit déjà le cas).
- Ca peut avoir un impact très négatif sur certaines prises en charges, puisque des personnes dont le diagnostic indique une nécessité d'accompagnement important peuvent se mettre à tout relativiser voire à nier leurs besoins, à cause de la confusion qui règne sur ce sujet. Sincèrement c'est un peu mon cas: j'ai une prise en charge plutôt costaud suite aux préconisations diagnostiques, et je laisse régulièrement tout tomber en me disant que j'ai reçu un diagnostic en carton qui ne veut rien dire. Pour l'instant, les pros qui s'occupent de moi me re-sollicitent avec une persévérance admirable et efficace quand ça arrive, mais vu le nombre de gens qui attendent des solutions dans le domaine psy je me demande jusqu'à quand ils vont le faire. Et aussi jusqu'à quand je vais "revenir dans le droit chemin" au lieu de me rapprocher chaque fois un peu plus du point de rupture total.
Je doute être la seule dans ce cas de figure (et j'ai eu des retours concrets de cas comme le mien qu'il faut aller "récupérer" régulièrement avant mise en danger trop importante), et dans des configurations autistiques déjà pas simples pour maintenir un suivi il me semble que tout ça n'arrange rien. Voire est très susceptible de faire capoter pas mal de processus de ce genre.
Je ne le nie pas dans mon précédent message, mais effectivement, tu dresses les conséquences concrètes d'une telle tendance. Pour reprendre ton propos sur la comparaison aux autres troubles psys, je crois que le fait de douter du diagnostic s'applique de la même façon. Combien de fois j'ai douté de souffrir de dépression, me disant que "je ne connais qu'un coup de déprime comme tout un chacun". Ce qui est peut-être encore plus préjudiciable en matière d'autisme, c'est la confusion que peut créer dans l'opinion publique les discours (pourtant positifs, fondamentalement inclusifs je crois) autour de la neurodiversité. On peut parfois se perdre dans l'idée que le diagnostic a un sens.
gatony a écrit :Le problème que cela pose est davantage sur la connaissance de l'autisme qui risque de diluer les difficultés de personnes pleinement dans le spectre dans l'image collective. Or, les décisions (politiques notamment, mais aussi dans une certaine mesure administratives) se prennent pour une large part en fonction de l'image qui est laissée dans l'opinion publique.
J'évoquais ici uniquement le coût financier. Et je maintiens que si des conséquences fonctionnelles importantes sont observables, le coût d'une RQTH est faible par rapport à ce que cela peut apporter aux personnes concernées. Je dirai même que le coût est sans doute nul, si cela permet à des personnes de se stabiliser dans l'emploi, de cotiser, de payer des impôts ...
Pour faire ça il faut arriver à lever suffisamment le nez de ses intérêts spécifiques + se rendre compte qu'il y a un gros souci et l'évaluer correctement + prendre l'initiative d'aller l'expliquer à des professionnels et arriver à le faire correctement. Dans des cas "d'autisme franc" j'ai de gros doutes sur les chances réelles d'aligner ce tiercé-là, sans compter qu'il faut trouver des raisons valables de le faire.
Je n'ai pas dit que ces personnes là allaient d'elles-mêmes vers le diagnostic. L'analyse m'intéresse, je pense aussi que les caractéristiques même de l'autisme sont un obstacle pour avoir conscience de l'autisme.
A mon sens, dans le cas d'un "autisme franc" non diagnostiqué à l'âge adulte, c'est plus l'environnement qui pourra amener la personne à consulter. Ce peut être :
- Une suggestion de l'entourage, qui peut désormais connaître le sujet vu qu'il est davantage (trop ? mal ?) médiatisé
- Une piste évoquée lors de l'une des nombreuses consultations psychologiques (car, ces personnes sont à mon sens sujettes à être dirigées vers des psychothérapies pour '"creuser", sans que personne ne dise ce qu'il faut creuser)
- Une incitation suite à des difficultés très répétées, notamment dans l'emploi (difficulté à s'insérer ou maintenir un emploi ... qui amène une prise en charge par les services SST/services sociaux)
Dans mon cas, c'est un des psychologues qui m'a reçu en consultation, suivi de mon entourage, qui m'ont amené à consulter. Le médecin a estimé que je présentais une forme relativement franche d'autisme, tout y était que ce soit dans mon comportement actuel que dans mon carnet de santé pour ce qui concerne l'enfance (sans que les TSA ne soient évoqués). J'espère donc que le système de santé, si éclaté soit-il, peut encore permettre aux patients de mettre le doigt sur ce qui pose problème.
Le cas des patients en recherche de diagnostic est encore différent, mais j'imagine qu'on ne s'engage pas dans de telles démarches sans raisons. Que par ailleurs, il doit y avoir des milliers de parcours diagnostiques différents.
Pour revenir au sujet, psy. vs psy., je crois que mon propos confirme davantage une complémentarité qu'une opposition. La difficulté aujourd'hui en France, c'est l'éclatement du système de santé : difficile de faire valoir cette complémentarité quand les obédiences des uns des autres ne dialoguent pas forcément, que les patients ne sont pas toujours accompagnés par un médecin traitant qui joue réellement le rôle de pivot entre toutes ces démarches de soins, que les professionnels n'ont pas toujours le temps de communiquer entre eux compte tenu de la pénurie de professionnels de santé ...
D'ailleurs, à titre d'anecdote, la psychologue qui m'a aidé et orienté est d'obédience psychanalytique affichée, ce dont je ne mesurais rien au moment de nos rencontres (et je n'hésiterais pas aujourd'hui à retourner voir cette professionnelle si je le pouvais tant elle m'a aidé à me repérer quand tout est parti en vrille). Ce qui compte, plus que le "courant" d'appartenance des différents psychologues ou psychiatres, cela reste leur ouverture et leur capacité d'écoute et d'action dans la prise en charge.