Mizton a écrit :edit : concernant le fait d'être ou non le "fruit d'une société patriarcale raciste etc", hum j'ai l'impression que ce qui te dérange, Capara, c'est d'être défini comme étant victime d'un truc sur lequel tu n'as aucun contrôle et dont tu ne te sens pas du tout victime ? Peut-être que ça t'a été dit de façon maladroite, je sais pas.
Non, ce n'est pas ça qui me gêne, étant victime de plein d'autres choses sur lesquelles je n'ai pas de contrôle. Ce qui me gêne, c'est que des gens qui ne connaissent absolument rien à ma vie, ni au monde où j'ai grandi, s'autorisent des déductions sur la base de leurs théories, développées dans leur petit milieu dont généralement ils ne sont pas sortis.
Mizton a écrit :Le truc c'est pas de dire "tu es une victime d'un truc que tu captes pas" ou quoi. C'est de prendre conscience qu'on vit dans une société profondément patriarcale, raciste, validiste, hétérocentré, normative etc etc, et ça c'est pas quelque chose de vraiment "niable". lol, c'est le principe des oppressions systémiques, c'est qu'elles sont systémiques.
C'est justement cette théorie des oppressions systémiques que je ne gobe pas. Dire que certains groupes sont plus souvent que d'autres victimes d'oppression, c'est une position sensée et réaliste, conclure de là que tous leurs membres le sont, c'est parfaitement irrationnel - sauf dans le cas d'un système tel que l'apartheid, mais je ne vois rien de semblable aux alentours.
Mizton a écrit :Et on vit dans ce système, on ne peut donc pas passer entre les gouttes, c'est juste impossible, étant donné qu'on est immergé dedans depuis la naissance, à divers degrés (vu qu'on a pas toustes le même environnement familial, social et culturel par ex. Mais on vit tout de même dans la base commune à toustes). Penser qu'on passe entre les gouttes, c'est potentiellement dangereux, parce que c'est penser qu'on est exempts d'avoir des pensées, réflexes, propos discriminants, juste parce qu'iels ne correspondraient pas à nos valeurs profondes.
La théorie du "on ne peut pas passer entre les gouttes", c'est un peu l'équivalent, dans certains discours, du complexe d'Oedipe - que l'on ne peut pas décemment nier sous peine de passer pour en être atteint, tous les gens qui ont eu affaire à des psychanalystes le savent. Ce n'est pas un argument rationnel, c'est un argument à la "pile je gagne, face tu perds".
Mizton a écrit :Quand on te dit que t'es acteurice du racisme, du sexisme, du validisme, de l'homophobie, du cissexisme etc, ça ne veut pas dire que tu es "raciste/sexiste/homophobe/handiphobe/transphobe etc. ça veut juste dire que comme tout le monde (y compris les personnes appartenant aux diverses groupes discriminés/marginalisés), tu as intériorisé plein de trucs sans t'en rendre compte...
Encore une contorsion sémantique: un acteur, c'est quelqu'un qui agit, pas quelqu'un qui a intériorisé des trucs. Et ce serait une bonne chose de juger les gens sur leurs actions, plutôt que sur ce qu'on les suppose avoir intériorisé. Il n'est pas vrai, d'ailleurs - et encore heureux - que toutes les personnes appartenant aux groupes discriminés aient intériorisé les préjugés qui les visent.
Mizton a écrit :Avoir conscience qu'on est toustes acteurices des systèmes oppressifs, c'est pas un moyen fataliste de dire "on est toustes victimes bouhou", c'est au contraire une condition fondamentale pour prendre conscience 1) des fonctionnements et mécanismes des oppressions systémiques 2) de nos privilèges. Et ainsi être en mesure de les déconstruire et de lutter contrer (à notre échelle évidemment).
Il ne faut pas tout mélanger: les privilèges sont une chose, et les préjugés en sont une autre. Cela va souvent de pair, mais pas automatiquement non plus. D'ailleurs, si je me considère à bien des égards comme un privilégié, ce n'est pas tant au point de vue matériel ou social que par le fait d'avoir échappé, dans mon enfance, à toutes sortes de préjugés auxquelles la plupart des gens sont aujourd'hui exposés.
Mizton a écrit :Je sais pas si c'est plus clair. Je sais que parfois c'est balancé de façon assez culpabilisante, et personne n'aime s'entendre dire qu'iel "a dit/fait des trucs racistes" par exemple, parce que c'est entendu "tu ES raciste", alors que non seulement ça n'a rien à voir, mais le simple fait de n'avoir pas de volonté de nuire ne suffit pas à rendre un geste ou des propos anodins et inoffensifs.
Je sais très bien ce qui est raciste et ce qui ne l'est pas, je m'en tiens sur le sujet à Martin Luther King: c'est ce qui consiste à juger les gens selon leur couleur - ou, pour être plus exact, leurs origines - et non d'après leur caractère. On assiste, depuis, à toutes sortes de tentatives d'élargir la définition, qui contribuent surtout à la rendre moins claire - ce qui, du point de vue de son utilisation politique, présente assurément des avantages...
Mizton a écrit :Parce que bah, oui, on a toustes des préjugés, on a toustes des idées reçues, on a toustes intériorisé et intégré des trucs oppressifs (parfois y compris contre nous même), et une fois qu'on accepte ça, en dissociant cela de "qui on est", de nos valeurs et de notre être, bah je trouve qu'on est plus à même de pouvoir agir dessus...
A supposer que l'on ait tous des préjugés hérités de son milieu, ce qui reste à démontrer, il ne peut pas s'agir des mêmes pour tout le monde, puisque tout le monde n'est pas issu du même milieu. Si l'on vient d'une famille athée et tiers-mondiste, on ne peut certainement pas en avoir hérité les mêmes préjugés qu'Eric Zemmour - on peut certes les avoir, mais alors indépendemment de son milieu, et la thèse de l'intériorisation en prend un coup.
Mizton a écrit :Alors prendre conscience qu'on fait toustes partie du système est je trouve très déculpabilisant justement.
Oui, en effet: cela déculpabilise le fait de venir donner des leçons au monde entier, puisque le monde entier "fait partie du système" aussi.
Sur ce, navré de me rendre coupable de non-assistance aux personnes dans leurs opinions. Le sujet dérive un peu, du reste.
Diagnostiqué SA (septembre 2016).