Est il possible d'être heureux ?

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
NewAsperger
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De l'impossibilité d'être heureux

Message par NewAsperger »

Bonjour (ou bonsoir),

J'ai traversé tellement d'épreuves difficiles jusqu'aujourd'hui, tant d'affects moraux surmontés et à la sueur de mon front, tant d'énergie psychique et physique investie pour être qui je suis aujourd'hui, tout ceci a fait que j'ai acquis une sensibilité très (voire trop) acérée, cette hypersensibilité permanente et cette hyperconnectivité cérébrale ne me laissent jamais de répit. Je sais bien que se plaindre de trop penser n'est pas nouveau et ce depuis la nuit des temps, mais quand on est concerné par ceci c'est pas franchement toujours agréable de vivre avec. Certains voient justement dans le fait de trop penser une sorte de cadeau, dans le sens où cela prouve que l'on n'est pas simplement un idiot ou un gars qui ne brille pas forcément grâce à son intellect, mais je trouve justement que j'aimerais parfois pouvoir débrancher ce qui me sert de boîte crânienne. Je n'arrive pas, en fait, à décrire mon parcours de vie d'une façon aussi forte et authentique à celle que je perçois intérieurement, y mettre des mots m'est très difficile et encore plus pour égaler la force avec laquelle le monde entre à mon contact (et vice-versa). Quand certains sont juste heureux car ils peuvent manger, vivre et satisfaire leurs besoins primaires (il n'y a qu'à se référer à la théorie des besoins d'Abraham Maslow), les besoins primaires étant satisfaits (le sexe, la faim, le besoin de confort, etc.) la personne se sent tout à fait heureuse et en harmonie avec son environnement... Pour ma part c'est tout simplement impossible, voire inconcevable, que j'atteigne le même stade de félicité simplement car mes tout premiers besoins sont satisfaits. J'ai en fait une quête d'absolu à atteindre, des idéaux intellectuels, moraux, sociaux ou spirituels avec lesquels je voudrais être en contact, mais cette impossibilité-là de répondre à ce besoin se mue en une frustration écrasante et persistante, ou en un sentiment lancinant d'incomplétude. Le fait de vouloir tout connaître, tout maîtriser jusqu'au bout, j'ai l'impression de fonctionner comme un ordinateur ou un être guindé et pas le moins du monde naturel, et cela m'accable très souvent de m'en rendre compte. Lire autant, que ce soit des livres ou des articles scientifiques sur tout et n'importe quoi et tous les sujets possibles et imaginables et de n'en jamais ressortir satisfait jusqu'au bout. L'impossibilité parfois aussi de lire un livre ou de regarder un film jusqu'au bout, tellement que le bulbe surchauffe et abonde en idées, pensées ou songes en permanence et qu'il m'est impossible de refréner ou mettre sur off.
Ce décalage permanent que je ressens avec mon environnement, le fait de me sentir constamment déphasé avec le temps, de ne pas savoir quoi dire simplement parce que la personne qu'on a en face ou la conversation qu'on tient avec ne nous intéresse pas le moins du monde, mais le besoin dicté par la société et simplement pour ne pas finir esseulé, d'hocher la tête pour montrer qu'on entend ce qu'on nous dit, bref le "small talk" tel qu'on l'appelle en anglais, je trouve absolument insupportable.
Quand je rentre chez moi le soir et que je suis souvent à la limite de l'évanouissement, le monde que je trouve beaucoup trop "agressif", tous ces gens qui ne prennent plus leur temps, toutes ces lumières, ces sons (les voitures qui passent, les gens qui parlent ou qui crient ou chantent, etc.) qui me viennent en pleine tête et que je ne parviens pas à stopper dans leur course, tout ça fait que j'ai la tête carrément pleine et prête à exploser à tout bout de champ. Tous ces neurotypiques qui composent quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la société, ce serait mentir d'affirmer que je ne les envie pas, que je n'ai pas envie parfois de passer d'un corps à un autre, simplement le temps de vivre une journée dans un esprit et un corps "normal" (que la société considère, en tout cas, de telle manière), aussi donc et j'en reparle, ce besoin constant voire permanent de m'alimenter intellectuellement et de tout apprendre, de passer sur un sujet et de voir toute l'immensité qu'il représente à lui seul, puis de tomber sur un sujet connexe à celui qu'on en train d'être étudié et de se rendre compte de toute cette multiplicité d'informations et de nourriture intellectuelle possibles d'engranger (il me semble qu'on appelle ça le "déficit d'inhibition latente", en psychologie), et de voir que c'est à n'en plus finir et que je ne saurai en fait jamais tout...
Ce sentiment d'incomplétude et ce sentiment de passer en permanence à côté de ma vie, le sentiment de n'avoir jamais vécu l'adolescence que j'aurais méritée à force de me poser des milliers de questions et auxquelles même les adultes ou les autres ne pouvaient répondre...
Je lis souvent énormément de récits similaires au mien, où certains se plaignent de leur non intégration permanente au sein de la société ou qui n'en peuvent plus de devoir donner constamment le change, de porter un masque en société ou simplement d'avoir chaque soir le sentiment qu'on est en train de nous frapper le crâne à coups de massue (alors qu'il s'agit juste d'une réaction normale de notre cerveau, face à tout cet afflux d'informations sensorielles, gustatives et j'en passe qu'il n'est pas capable de gérer ou qu'il n'est pas équipé des ressources nécessaires permettant de traiter simultanément et en permanence autant d'heures d'affilée), le sentiment de n'être jamais normal ou conforme à ce qu'on voudrait montrer de nous ou juste conforme à ce que la société exigerait de nous... Autant de frustration difficile à gérer, même si je sais que je ne suis pas le moins du monde le seul à avoir le même sentiment constant et qui ronge que le mien, ça m'a en tout cas fait énormément de bien de rédiger tout ça.

Bien à vous,


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Anahata
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Re: Est il possible d'être heureux ?

Message par Anahata »

Oui. Je suis heureuse quand je lâche tout. Comme dans lieu qui n'est touché par rien, juste la grâce d'être là et même sans la conscience d'y être. Un truc où je sens même plus mon corps ou juste une onde bienveillante. Plus rien. Juste bien.
Plus parler, flotter, plus réfléchir, laisser venir, plus rien. :)
Là oui je suis bien.
Et je connais cet état alors que mon passé a vu de terribles choses, alors oui espoir espoir espoir.
Même que ne rien attendre c'est encore mieux. C'est facile quand on est seul. Ben voilà, chacun sa définition du bonheur
:arrow: Diagnostiquée sur le Spectre de l'Autisme :shock: :D :? :cry: :innocent: :wink: :geek: :arrow:
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piedsboueux
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Re: Est il possible d'être heureux ?

Message par piedsboueux »

Je souffre d'hypersensibilité sensorielle qui me "pourrie" encore la vie (car le cadre de vie habitable et constructible où vivre est une "poubelle à nuisances sonore"), mais cela est secondaire par rapport à une souffrance qui fut plus grande et qui augmente tous les paramètres d'hypersensibilité: celle d'être sur la retenue de demander ce que j'avais besoin de peur de me faire rejeter: des câlins compatibles avec mon besoin de sensation de contenance: la souffrance était de maintenir des relations biaisées en cachant des choses et l'insuffisance de compensations coûteuses en énergie de vie pour équilibrer ce manque plus sensoriel encore qu'affectif.
Maintenant, j'ai une façon de trier mes amis ou amies: je leur demande carrément de me prendre dans les bras, surtout quand je me sens stressé: ça fait fuir et dérange la majorité qui ne disent pas non (sont pas francs), mais s'arrangent pour fuir en sabotant la relation.

Il reste des exceptions: ceux qui sont véritablement amis soit qu'ils partagent aussi ce besoin et sont assez vrai pour se le reconnaître, soient que la relation avec moi a un enjeu assez important pour faire l'effort de me le faire, soit qu'il savent me le refuser franchement (être franc sans double discours, je garde ces amis à distance mais communique volontier avec eux verbalement). Ce "tri" de ceux qui sont capables de m'accepter dans le contact ou sinon d'être francs permet d'éliminer en fait la plupart des relations "toxiques" et j'en suis bien plus heureux, quand je ne suis pas seul, mais en relation avec ces amis ainsi triés, en cas de difficultés d'interraction ou de survenue de nuisance, ils peuvent m'aider au lieu que je me replie: ils me serrent dans les bras, ce qui m'évite bien des situations de prostrations ou de crises.

Quelques fixations dues à des compensation de retenues, ont été ainsi résolues: après des dizaines heures de sanglôts de soulagement (tant j'avais besoin de pleurer), j'ai véritablement guéri d'une phobie de la musique: faute de pouvoir partager des pleurs d'émotion, la frustration accumulé de partage ressortait à l'écoute de musique et était retenue, était devenue de la violence qui explosait en cas d'audition de musique: maintenant je peux en écouter et mener une vie sociale bien plus normale, car avant ce don des pleurs, je m'était retiré de la vie sans plus entrer dans un magasin, ni prendre de transports en commun de peur d'être soumis à l'audition de musique.

L'autre aspect, c'est de réduire au maximum l'irritabilité qui provoque les crises.
- éviter les sucres raffinés: cela fait beaucoup de différence.
- faire assez de ressourcement avec exercice physique d'endurance, mais pas violents.
- équilibrer activité mentale et physique
- être "par défaut" en vigilance sur ses ressentis corporels: laisser un bruit s'installer alors qu'on se concentre sur une pensée au point de perdre le contact de ses perception fait plus de mal que d'accepter de l'écouter, même si ça coûte de l'énergie d'entendre sans pouvoir filtrer.
- se protéger au maximum des nuisances de tout type (clignotements, bruits continus), ce qui demande un bunker en guise de maison et le tri des appareils provoquant des fréquences fixes, c'est dur à obtenir et difficilement efficace en cas de promiscuité avec des voisins-chiens, mais réduire la pollution sonore de fond est déjà un bien de santé énorme.
- Prendre garde à ce qu'on croît pour éviter une répression par le mental (source de violence interne)
Je met en garde sur la "pensée positive" et la méthode "coué": se "prendre la tête en ruminant" augmente l'irritabilité quand il n'y a pas de solution et le mieux est d'arrêter d'y développer pour se consacrer à n'importe quoi qui fait du bien, mais je perçoit un véritable danger pour la santé à tenter de se mentir mentalement sur un ressenti pour le "gommer" de sa perception: je n'ai jamais pu le faire, mais les gens qui le font deviennent toxiques dans la relation. Au début l'aspect positif se manifeste miraculeusement, mais cette violence ressort passé un délai de temps d'usage de cette pratique en une certaine tension en eux donc avec qui partage avec eux: il en ressort un malaise et l'impossibilité de communiquer franchement et finalement la rupture de la relation.
je crois même que cet exercice est l'ingrédient d'une psychose: des illusions devenant des ressentis faux s'interposent devant une réalité perceptive vraie

- Variante: Ne pas valider ce qu'on pense comme réel (que ce soit négatif ou positif, la réalité est souvent plus neutre), mais comme une interprétation provisoire des faits pour les communiquer dans la limitation du langage, faute de pleurs ou de câlins partagés.
Diagnostiqué Aspi vers 37 ans (2007)
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