Extrait :
La procédure de justice « restaurative », qui vise à restaurer un dialogue entre victimes et condamnés, est inscrite dans la loi française depuis 2014. Mais à peine 1 000 personnes environ ont bénéficié de ce dispositif depuis dix ans. Qui la met en œuvre et avec quels moyens ? Avec quels effets sur les participants ? Permet-elle d’éviter les récidives ? Delphine Griveaud1 et Sandrine Lefranc2, chercheuses en sciences politiques et en sciences sociales, viennent de publier le premier rapport en France sur le sujet. À partir de différentes enquêtes menées auprès des partenaires institutionnels et de nombreux entretiens avec des participants à ces programmes, leur travail permet d’en comprendre le fonctionnement et les enjeux.
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La justice restaurative est née outre-Atlantique dans les années 1960 d’une curieuse rencontre entre deux vents contraires soufflant de droite et de gauche. « D’un côté, les mennonites, des Américains protestants, foncièrement pacifistes, proposaient d’aller dans les prisons instaurer un dialogue entre victimes et prisonniers au lieu de faire leur service militaire, raconte Sandrine Lefranc. De l’autre, des mouvements d’accès aux droits, notamment féministes, lassés d’une justice à la fois inefficace et racialement inéquitable, s’opposaient à la justice pénale classique de l’État, et militaient pour d’autres formes de réparations. »
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Mais dans tous les cas, côté victimes, le bilan est toujours largement positif. La justice restaurative est perçue comme un espace de reconnaissance des colères ou des souffrances suscitées par les injustices subies, que ce soit de la part des agresseurs comme de l’institution judiciaire.
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Du côté des auteurs d’agression, parce qu’ils ont été jugés aptes à participer à ces programmes et considérés comme des interlocuteurs légitimes, ils renouent aussi avec une forme d’estime de soi. Ils apprécient cet espace entre parenthèses, très dissonant en regard d’un milieu de référence marqué par les normes virilistes qui régissent les quartiers et les prisons.
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« La justice restaurative répond finalement à trois attentes paradoxales des justiciables, qu’ils soient agressés ou agresseurs, constatent les autrices du rapport : une réconciliation avec l’institution judiciaire, une reconnexion avec l’État au sens large et une écoute individuelle attentive, parfois thérapeutique, de leurs souffrances. » Même s’il est toujours rappelé que ces programmes ne reposent sur aucun protocole clinique et n’ont aucune ambition thérapeutique…
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Pour l’instant, personne n’a rapporté de nouveaux traumatismes, qui auraient été causés par ces programmes. En revanche, quant au fait de savoir si les effets positifs rapportés par les participants perdurent dans le temps et évitent les récidives, les autrices du rapport sont plus nuancées.