Venant du Pakistan, je peux dire que je suis déçu en bien.

Parce qu’elle était une ado différente, la jeune Lilloise a subi brimades et humiliations durant ses années de collège. Ses parents viennent de publier un livre inspiré de son journal intime
Elle avance dans la cour, en retrait, le regard des autres posé sur elle. Emilie est vêtue de son jean effiloché, d’un pull à col roulé, de vieilles baskets. Elle est hors mode, hors norme, différente. Elle entend quelqu’un dire: «Clocharde!» Elle est habituée. Ian, son père, résume: «Les jeunes à cet âge ressemblent souvent à un vol d’étourneaux qui déchiquettent un oiseau exotique échappé de sa cage.»
Aller en classe est pour Emilie un parcours du combattant. Esquiver les coups, les crachats, les chewing-gums qu’on colle à ses cheveux. Surveiller son cartable que certains prennent pour un ballon de football. Emilie pense: «Ne pas pleurer, ils seraient trop contents.» Mais les larmes coulent lorsque pendant la récréation ils volent son livre. Emilie lit beaucoup, Balzac, Zola, Céline. Elle appelle ses livres ses bébés. Elle écrit dans son journal: «Je m’en foutais tellement de me faire frapper que je n’avais pas peur. Mais je ne supportais pas que l’on fasse mal à mes bébés.»
L’angoisse du déjeuner
Pendant les cours, ça va à peu près. Un périmètre de sièges vides autour d’elle. Elle respire, peut se concentrer, écouter les profs qui eux n’entendent pas ses souffrances. Emilie est très bonne élève dans cette école privée de prestige à Lille. Tout y va dans le meilleur des mondes tant que les résultats sont là et que les élèves maintiennent le haut niveau de l’établissement et sa bonne réputation. Le plus dur pour Emilie: la pause déjeuner. Se faufiler et s’asseoir parmi un groupe supportable, qui ne ferait donc que l’ignorer.
Une fois le repas terminé, elle monte au quatrième étage du bâtiment, là où il n’y a personne aux heures creuses. Un couloir lumineux avec de grandes fenêtres qui donnent sur la cour, et les autres en bas ensemble. Elle se colle à un radiateur et lit. Et se dit: «T’as fait la moitié de la journée, reste l’autre.» Soulagée quelques minutes car une pensée gâche tout: «Demain il faudra tout recommencer.»
Ainsi va la vie d’Emilie Monk, 14 ans lorsqu’elle commence à raconter son calvaire. Le 19 décembre 2015, elle se jette du balcon de sa chambre, décède un mois plus tard. Elle venait d’avoir 17 ans. Les années collège l’ont brisée. Elle les a achevées par correspondance, s’est inscrite ensuite en filière boulangerie-pâtisserie pour échapper au privé huppé et espérer une atmosphère moins stigmatisante. Mais de l’asthme est diagnostiqué, la tête ne tourne pas rond, elle est dépressive, effectue un premier séjour en hôpital psychiatrique, est mise sous antidépresseur, tente une rentrée au lycée Pasteur de Lille mais la phobie scolaire la rattrape.
Délier les langues
Ian et Virginie, ses parents, viennent de publier «Rester fort»*, ouvrage inspiré du journal intime d’Emilie découvert quelques mois après son suicide. Et ce rappel incessant de la particularité de leur fille, végétarienne, bouddhiste, adepte de la méditation, jeune militante antifourrure, anticorrida. Enfant «bizarre», cible idéale à l’âge où les modes sont partagées tout comme les passions, les réseaux sociaux, les people, les chanteurs à la mode et le regard sur le monde.
Ian et Virginie souhaitent que le livre fasse bouger les lignes au sein des établissements scolaires et dans les familles. Emilie leur faisait part d’actes de malveillance comme des vols ou des entraves à l’accès à la cantine. Les parents rapportaient dans son carnet de correspondance le peu qu’elle leur confiait en termes de harcèlement. «Les notes sont excellentes, tout va bien», leur répondait-on. En résumé: chamailleries d’ados, on ne se mêle pas de cela. Ian et Virginie ont bien entendu l’impression de ne pas avoir mesuré le degré de détresse de leur enfant, de ne pas avoir perçu son immense douleur. Ils sont passés à côté. Quatrième enfant d’une famille recomposée, Emily était choyée. Cela n’a pas suffi. Son drame a dénoué les langues: une dizaine d’enfants scolarisés dans le même collège ont raconté avoir été insultés, menacés, humiliés. Le harcèlement apparaît alors comme une forme de bizutage, un passage obligé. Qui égare les plus fragiles.
* «Rester fort», Ed. Slatkine & Cie, 128 p.
En Suisse, les professeurs sont formés à repérer les actes répétitifs de brimade
Entre 5 à 10% des élèves sont victimes de harcèlement en Suisse, selon des études menées à Genève en 2012 et en Valais en 2013. Les primaires (4-12 ans) sont les plus exposés (prévalence entre 5 et 10%). «A ces âges, les enfants sont moins à même de se protéger et d’échapper au groupe qui harcèle. Pour les auteurs de harcèlement à cet âge, il y a parfois une dimension de jeu, ils n’ont souvent pas pleinement conscience de l’ampleur du préjudice causé à la victime» commente Serge Ghinet qui coordonne le programme contre le harcèlement au Service genevois de santé de l’enfance et de la jeunesse. Il se trouve que 8% des élèves subissent des brimades dans la tranche d’âge 12-15 ans. Au-delà ils ne sont plus que 4% «car les collégiens peuvent développer des stratégies pour sortir du phénomène de groupe», poursuit-il.
En 2016, le Département de l’instruction publique a lancé un plan d’action et de prévention avec deux volets essentiels: enquêter et former d’ici à 2020 tous les personnels des établissements scolaires. Serge Ghinet précise: «L’un des objectifs est de travailler sur le repérage avec les adultes des établissements scolaires. Les groupes qui harcèlent sont discrets et bien organisés, les victimes s’expriment peu sur ce qu’il leur arrive. Les personnels doivent pouvoir identifier les signes qui interpellent et croiser leurs informations comme les brimades répétitives que subirait un élève». Il poursuit: «Il n’y a pas de profil type de la victime, on peut être harcelé pour le port de lunettes, en raison d’un surpoids, de bonnes notes, une couleur de peau, la tenue vestimentaire, tout motif est bon s’il fédère le groupe harceleur.»
Les filles harcèlent moins que les garçons mais elles les rattrapent sur la Toile
Une page web est disponible: www.ge.ch/harcelement-ecole. Les élèves sont de leur côté sensibilisés au mieux vivre ensemble et assistent dans le cadre scolaire à des spectacles autour de la thématique du harcèlement. Si jadis le collégien harcelé pouvait souffler une fois rentré à la maison, il est aujourd’hui confronté à Internet qui pénètre la sphère familiale et agit comme une caisse de résonance. «Le cyberharcèlement est un danger dans le sens où cette forme de violence dépersonnalise l’agression, il n’y a pas de face-à-face et aucun sursaut possible d’empathie» note Zoé Moody, docteur en Sciences de l’éducation à Sion.
Si en Valais une fille pour cinq garçons est impliquée dans des actes de harcèlement, le ratio est de quatre pour cinq sur la toile. Zoé Moody explique: «L’hypothèse est que les filles sont plus actives sur les réseaux sociaux car elles privilégient visiblement les violences indirectes, seraient plus dans le verbal.»
C'est ma seule expérience de harcèlement et c'est une "happy end".Spoiler : Exemple de harcèlement :
Je sais que ça fait longtemps que ça fait longtemps qu'il a été posté ce message, mais j'avais envie de répondre quand-même parce qu'il y a un truc qui me chiffonne dans cet article.mikkel a écrit :Un article qui vient de paraître sur OF...
http://www.ouest-france.fr/leditionduso ... 834/page/5
heu...ouais, avant tout le monde s'en foutait de la douleur et du sentiment d'exclusion que ça pouvait générer d'être le seul de la classe à ne pas être invité aux anniversaires (et que personne ne vienne quand c'est toi qui invite). Je ne sais pas si elle a déjà vécu ça et si elle sait ce que ça fait, pour penser que c'est pas si grave et que ce serait le fait de s'en préoccuper qui créerait de l'angoisse et une pression sur l'enfant?Emmanuelle Piquet observe que les parents s’inquiètent de plus en plus des relations de leur progéniture à l’école. « C’est pour moi un des problèmes. Avant, les parents s’en foutaient littéralement, maintenant ils sont flippés à l’idée que l’enfant ne soit pas invité aux anniversaires. » Cela crée de l’angoisse, une pression sur l’enfant qui ressent l’inquiétude de ses parents. Aujourd’hui, un élève seul dans la cour est considéré comme un problème, « la solitude est mal vue ». Pourtant comme le précise la psycho praticienne, certains enfants préfèrent être seuls, comme ceux atteints du syndrome d’Asperger.
Carapa a écrit :Euh... "malgré la bonne volonté de (presque) tous les adultes", c'est très vite dit !!!! Combien de fois n'entend-on pas des réflexions du type "il doit apprendre à se défendre" (à un contre dix??) et autres joyeusetés de ce genre... Il y a aussi, chez beaucoup de gens, l'idée que si l'on vous fait quelque chose c'est parce que vous l'avez cherché, et le mythe selon lequel "en ignorant, ça passe"...
Je n'ai pas vécu de harcèlement pendant ma scolarité primaire en Guyane, mais quand je suis rentré en métropole lors de mon arrivée au collège, j'ai vraiment eu l'impression de débarquer chez les sauvages. Je finissais par passer la plupart de mes récréations enfermé dans les toilettes, car c'est le seul endroit où j'étais à peu près tranquille.
Je pense que les phénomènes de harcèlement sont beaucoup aggravés par le laxisme ambiant, et la culture de l'excuse des gens politiquement corrects.