J'ai beaucoup aimé ce livre. Je ne sais pas comment cependant le père fait pour mettre en valeur les "méthodes" les plus discutables (à part la psychanalyse) : "Communication facilitée", chélation, origine vaccinale.
Des articles bien faits dans
"La Croix" 5/3/13:
Voyage initiatique au pays de l’autisme
Avec Andrea, son fils autiste de 18 ans, Franco Antonello a parcouru près de 40 000 km à travers l’Amérique. Le récit de ce voyage vient de paraître en France après avoir séduit plus de 200 000 lecteurs italiens.
Franco et Andrea à Monument Valley, une étape obligée, a débuté par la traversée des États-Unis....
Marcos y marcos
Franco et Andrea à Monument Valley, une étape obligée, a débuté par la traversée des États-Unis. Un périple de 123 jours et de 38 000 km.
Avec cet article
cleIls ont lu « N’aie pas peur si je t’enlace »
«Un voyage ? Oh non ! Les enfants autistes ne sont à l’aise que dans les situations prévisibles, ils aiment la routine, les habitudes et ne tolèrent pas le changement…» a immédiatement réagi l’entourage de Franco et d’Andrea – diagnostiqué autiste à l’âge de 3 ans – à l’annonce de leur projet. Selon la classification internationale de l’OMS, l’autisme – ou le trouble du spectre autistique – est un trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales. Pourtant, ce voyage se fera. Ensemble, ce père et son fils de 18 ans ont accompli un périple de 123 jours et de 38 000 kilomètres. Un voyage qui commencera par la traversée des États-Unis en Harley Davidson, jusqu’en Amérique du Sud.
Un itinéraire mythique pour n’importe quel couple de père et fils. Une aventure pleine d’incertitudes pour Franco Antonello et Andrea. Au moment du départ, Franco doute encore. Pourtant, après avoir, pendant des années, suivi des conseils, essayé des thérapies classiques et expérimentales, sillonné l’Italie, l’Allemagne ou le Brésil d’un spécialiste à l’autre, le moment était venu de suivre son intuition. D’autant que la mère d’Andrea ne s’oppose pas à l’aventure. C’est elle qui prépare le sac de son fils pour le grand départ. Un sac trop rempli, trop lourd, que Franco allégera de moitié avant de prendre la route. Tout un symbole.
Pendant l’été 2010, ils se lancent donc «à la recherche de la chenille bleue», la peluche qu’Andrea avait perdue à l’époque où le diagnostic d’autisme a été posé. L’écrivain Fulvio Ervas, auteur de huit romans, se glissera dans les habits de Franco pour raconter leur périple. N’aie pas peur si je t’enlace est sorti en Italie en avril 2012. Dès sa parution, le livre figure dans la liste des meilleures ventes. Aujourd’hui, 200 000 exemplaires ont été vendus et il est traduit dans huit pays.
En France, il est paru en février aux Éditions Liana Levi. Devenus complices, Fulvio l’auteur et Franco le père d’Andrea ont participé à plus d’une centaine de rencontres avec des lecteurs, parmi lesquels de nombreux parents d’autistes. «J’ai appris beaucoup en écrivant ce livre, je ne regrette pas l’expérience, mais c’est parfois lourd», commente sobrement Fulvio Ervas, invité en ce lundi neigeux, avec Franco Antonello, à présenter son livre au siège milanais des Éditions Marcos y Marcos.
L’histoire racontée par Fulvio Ervas ne séduit pas seulement les lecteurs concernés par la question de l’autisme. D’abord parce que le livre tient du « road movie » et possède d’évidentes qualités littéraires. Ensuite parce qu’on y lit la singularité d’un parcours qui tient du voyage initiatique. Enfin, parce qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’amour d’un père pour son fils. Et si la mère, tout comme le frère cadet, n’apparaissent qu’entre les lignes, c’est que Franco ne voulait pas «raconter l’histoire de sa famille», explique-t-il à ceux qui pourraient lui reprocher de se mettre un peu trop en scène.
Le voyage est truffé de moments forts, dramatiques, mais aussi loufoques et joyeux à l’image d’Andrea, grand gaillard au visage d’ange. Lorsque le jeune homme aux longs cheveux bouclés veut savoir qui est la personne en face de lui, il l’enlace, comme pour sentir ce que l’autre «a dans le ventre». Un contact intime qui surprend et parfois fait fuir. Pour cette raison, ses parents, des années plus tôt, ont inscrit sur ses tee-shirts «N’aie pas peur si je t’enlace». «C’est en Amazonie que nous avons trouvé le plus de compréhension. Andrea était le meneur des enfants du village. Il était intégré. Alors que dans les grandes villes d’Amérique du Nord, ou dans notre société, il est vu comme un problème», raconte Franco.
Lorsque Andrea marche, il semble flotter. Ses mains s’élèvent vers le ciel et il avance sur la pointe des pieds comme un danseur. Il range les objets dans un ordre méticuleux et obsessionnel. Il ne supporte pas les fermetures éclair à demi ouvertes. Pas plus que les bouteilles à demi remplies. Quant aux papiers, il les préfère déchirés en mille morceaux. Durant quelque temps, il ne supporte que le vert. Puis rejette tout ce qui n’est pas rouge… Il a aussi besoin de soins corporels, comme un enfant avant l’âge de la maternelle. Il parle peu. Communique parfois par écrit, grâce à l’ordinateur en utilisant la «communication facilitée», une technique très controversée, comme c’est souvent le cas quand il est question d’autisme.
«J’étais très sceptique sur cette technique qui consiste à initier l’enfant à l’ordinateur en accompagnant son bras. Mais au bout de cinq ans, Andrea écrivait quasiment seul», raconte Franco. Mais parfois sa «tête est confuse». Il «voit les mots mais ne sait pas les dire», écrit le jeune homme sur le clavier. Le récit, chronologique, épouse le point de vue de Franco et renforce l’empathie avec ce père sans cesse bousculé mais qui s’émerveille de la façon dont son fils aborde le monde et parfois l’apprivoise ou se laisse apprivoiser, comme le Petit Prince de Saint-Exupéry.
Le père et le fils y font des rencontres – un chaman, des crocodiles, un rasta, une jeune et attirante Brésilienne… – qui obligeront Franco à vivre au rythme de son fils. «En cherchant à l’amener dans mon univers, j’ai peut-être réussi à faire un petit pas vers le sien : je suis devenu un peu autiste moi-même», dit-il. Et quand on demande à Franco ce que signifie être parent d’un enfant autiste, il répond : «Cela signifie être à contresens dans la vie. Et médiateur entre deux mondes.»
Deux ans et demi après son retour, Franco Antonello a entre les mains la traduction française de son récit de voyage, primé par les auditeurs italiens de Radio Tre. Cet ancien cadre de la communication dirige aujourd’hui la Fondation «I bambini delle fate» (Les enfants des fées) en faveur de l’enfance handicapée. On lui demande des nouvelles d’Andrea. «Aller au bout du monde ne permet pas de guérir. Mais il est différent d’avant. Il a pris confiance en lui. Il comprend parfaitement sa situation. Il me demande de l’aider à sortir de la maladie», répond-il. Récemment Franco, sur l’ordinateur, a demandé à Andrea ce que diraient les enfants autistes à leurs parents s’ils pouvaient parler. Sur le clavier de l’ordinateur, son fils a écrit : «Bonjour jolis parents, on voudrait voir plus de sourires sur les visages.»
N’aie pas peur si je t’enlace, Fulvio Ervas, Éditions Liana Levi, 272 p., 19€.
MARIE AUFFRET-PERICONE à Milan (Italie)
Ils ont lu « N’aie pas peur si je t’enlace »
Ces trois spécialistes de l’autisme ont lu le récit de voyage de Franco et Andrea. Tous en soulignent les qualités littéraires. Mais le regard porté sur la maladie suscite des réactions plus contrastées.
Fulvio Ervas, l’auteur du livre.
«Une expérience humaine d’une grande force»
Docteur Bernard Touati
Pédopsychiatre et psychanalyste au Centre Alfred-Binet (Paris 13e ), membre d’un groupe de réflexion sur l’autisme
« Ce livre est une belle œuvre littéraire. Sur le plan médical, on retrouve chez Andrea des signes incontestables d’autisme, même si cette maladie s’exprime avec des degrés d’intensité et d’expression très variables. Ici, certains symptômes sont très envahissants : il a une grande difficulté à entrer en relation, a des particularités langagières, ne supporte pas les demi-mesures… Sa façon d’enlacer est très particulière et touchante, mais n’est pas un symptôme habituel.
On peut penser que c’est une façon de contenir le débordement émotionnel suscité par la rencontre. Ce père a mené avec son fils de 18 ans une expérience humaine d’une grande force. Il y a là une initiation mutuelle qui montre aussi qu’on essaie d’imposer notre monde à l’autisme, alors que ces personnes ont aussi quelque chose à nous apprendre. Dans un village brésilien, à l’inverse de notre monde moderne, la population l’accueille, ce qui fait aussi réfléchir à notre société.
Je ne dis pas que tous les pères d’enfants autistes doivent aller faire le tour du monde avec eux. Ce père a suivi son impulsion et décidé de ne pas être “raisonnable”. Je ne sais pas ce que je lui aurais répondu s’il m’avait demandé mon avis de médecin. Je l’aurais sans doute incité à la prudence mais je lui aurais peut-être dit : “Foncez !”
On lit aussi dans cet ouvrage combien les différents courants thérapeutiques s’affrontent sans pour autant détenir la vérité. Les causes de sa maladie sont évoquées. Son père semble penser qu’il s’agit d’effets secondaires du vaccin ROR. Des études sérieuses à ce sujet ont rejeté cette hypothèse. Mais un débat subsiste malgré tout.
En matière de traitement, les parents d’Andrea ont essayé de nombreuses approches, en vain. En revanche, la technique de communication facilitée (utilisant le clavier de l’ordinateur), une méthode très critiquée en France, semble ici permettre de vrais échanges entre Andrea et ses parents. Il se dégage de cet ouvrage que c’est une erreur de dire que les autistes ne “veulent” pas communiquer. Leur besoin d’échange est grand, mais ils n’y parviennent pas. »
«Certains pays ont un rapport à la différence bien éloigné du nôtre»
Danièle Langloys
Présidente de l’association Autisme France
« Je suis assez partagée. J’ai trouvé intéressante la partie “road movie”, l’aventure commune de ce père et de son fils. En général, on part à l’aventure avec des personnes avec qui on partage la même vision de la vie. Ici, l’un des deux ne connaît pas la notion d’aventure, et surtout ne supporte pas l’imprévu. Il est touchant de voir comment ce garçon apprivoise la réalité. C’est original et raconté avec humour. Il est aussi instructif de constater combien certains pays ont un rapport à la différence éloigné du nôtre, et où avoir un enfant différent est moins “dérangeant” pour la société. C’est le cas en Amérique latine, mais aussi aux États-Unis, où les enfants autistes, tels les enfants handicapés, sont tous scolarisés depuis 1975. C’est loin d’être le cas en France.
En revanche, il ne faut surtout pas lire ce livre en pensant qu’on va découvrir ce qu’est l’autisme. Le père s’est manifestement noyé dans d’innombrables thérapies plus ou moins farfelues et a tout essayé, ce qui ne sert à rien. Il y est question de la communication facilitée, alors qu’on sait que cette technique est une escroquerie. Faire dire à son enfant qu’il est un extraterrestre, je n’y crois pas une seule seconde. Dire aussi qu’il découvre le monde à travers les yeux de son enfant est totalement incongru. Un enfant autiste ne se plie pas à nos codes. Vivre avec lui est une expérience extraordinaire, mais difficile. »
«Il a du mal à ressentir que l’autre existe»
Professeur Bernard Golse
Chef de service de pédopsychiatrie à l’hôpital Necker, auteur de Mon combat pour les enfants autistes, Éd. Odile Jacob
« Je comprends pourquoi ce livre a obtenu un succès très fort à sa sortie en Italie. Ce témoignage de parent est écrit dans un langage très sensoriel. Je ne le prends pas au pied de la lettre. Pour moi, il y a deux niveaux de lecture. C’est d’abord une métaphore d’un voyage initiatique, comme si le père et l’enfant ne faisaient qu’un. Il y a une dimension mythologique dans ce livre. On peut imaginer qu’Andrea est la partie autistique du père qui découvre durant quelques mois le monde avec ses splendeurs et ses richesses. Cette dimension m’a vraiment plu.
L’autre niveau de lecture est bien sûr le témoignage concernant l’autisme – ou plutôt les autismes – qui rejoint tout ce qu’on découvre aujourd’hui. Andrea a une vision du monde qui passe par tous les canaux, mais ses sensations ont du mal à se synchroniser. C’est ce qu’on appelle le démantèlement sensoriel. Il n’est plus dans sa bulle autistique comme un petit enfant de 2 ans. Il découvre le monde, il découvre les autres et il a du mal à ressentir que l’autre existe et est différent de lui. Comme il le perçoit comme une menace, il l’aborde par la partie douce : le ventre. C’est très intéressant et bien vu. »
Recueilli par MARIE AUFFRET-PERICONE