Il y a 5 ans, suite à un vaste mouvement de panique médiatique sur le mode « le QI baisse, c’est la faute à [insérez votre bouc-émissaire préféré] », ma collègue Ghislaine Labouret et moi-même étions amenés à écrire un article sur l’évolution des scores de QI, en nous basant sur une vaste méta-analyse (Pietschnig et Voracek, 2015). Nous concluions que les scores de QI[1] avaient considérablement progressé au cours du XXe siècle, et que cette tendance semblait se poursuivre au début du XXIe siècle, quoiqu’à un rythme plus faible.
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Cinq ans plus tard, l’occasion nous est donnée de faire le point avec la publication d’une nouvelle méta-analyse portant sur plus de 1000 jeux de données de 300 000 personnes dans 72 pays sur la période 1948-2020 (Wongupparaj et al. 2023). 90% de ces données ont été collectées au cours de la période 1986-2020, ce qui permet de bien mieux apprécier l’évolution récente des scores que la précédente méta-analyse de Pietschnig et Voracek (2015).
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Les résultats sont clairs : l’effet Flynn se poursuit, les scores de QI ont continué à progresser au cours des 30 dernières années, comme le montre la Figure 1. Le zoom sur la période 1986-2020 permet de constater le grand nombre d’études couvrant la période récente, ainsi que le fait que les scores continuent de progresser dans les années les plus récentes.
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
Bien qu’il existe des centaines d’études documentant des corrélations négatives entre, d’une part, le temps d’exposition aux écrans des enfants, et, d’autre part, des mesures de leur développement cognitif (scores de QI, de langage ou autres), la plupart de ces études ne permettent de tirer aucune conclusion quant aux effets néfastes de cette exposition.
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Les seules études qui peuvent répondre rigoureusement à la question de l’effet causal de l’exposition aux écrans sont celles qui évaluent également ces deux autres hypothèses, et qui permettent d’isoler l’effet causal d’intérêt à l’exclusion de tout autre. Or les études qui possèdent ces qualités méthodologiques se comptent sur les doigts de la main, et leurs conclusions sont loin d’être aussi inquiétantes que celles des centaines d’études de corrélation.
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Néanmoins, quels que soient les résultats ultimes de cette méta-analyse, on peut d’ores et déjà dire ce qui restera vrai : 1) les effets causaux de l’exposition aux écrans sur les capacités cognitives de l’enfant seront forcément moins négatifs que les corrélations brutes [4] ; 2) si ces effets causaux ne sont pas nuls, qu’ils soient positifs ou négatifs, ils seront très probablement faibles. Autrement dit, il n’y aura pas lieu d’en tirer de grandes conclusions sociétales, soit pour prohiber les écrans, soit pour en encourager l’utilisation.
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
Dans votre article intitulé « Écrans et enfants : quand la recherche publique flirte avec les intérêts privés », publié le 13/06/2025 et dans votre émission intitulée « Écrans éducatifs et sciences cognitives : comment la big tech investit l’école » diffusée le 14/06/2025, il a été insinué que mes interventions publiques sur les écrans et l’enfant étaient motivées par des liens d’intérêt avec des entreprises du numérique. C’est tout à fait faux.
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Les procédés de cette « enquête » sont typiques du journalisme d’insinuation : faute d’avoir découvert des faits compromettants, on juxtapose des faits insignifiants, et on laisse l’auditeur imaginer des liens hypothétiques, le tout sur un ton complotiste… C’est ainsi que le reportage diffuse implicitement le narratif de chercheurs corrompus par des entreprises dans le but de minimiser les risques des écrans et de favoriser leur implantation dans les écoles. Mais il s’abstient de formuler ce narratif explicitement, et pour cause, aucun des éléments de l’enquête ne permet d’établir de tel faits.
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).