Enfant intérieur

[Dori]

J'ai cru comprendre que ce qu'on appelle l'enfant intérieur serait notre âme, notre essence. La part de nous qui est à la fois créatrice, enjouée, émerveillée, innocente, vulnérable et sensible.

Une de mes idées (peut-être loufoque) est qu'un autiste est quasi en permanence au contact de son enfant intérieur là où des stages sont organisés pour d'autres afin de reprendre contact avec celui-ci. Est-ce possible ?

Avez-vous parfois l'impression de vivre dans un corps d'adulte ? Je formule ma question de cette façon-là car j'ai clairement le sentiment d'être un enfant et que beaucoup de mes difficultés ou de mes tiraillements naissent de là.

[Glaciell]

Je me dis parfois que je n'ai pas "grandi"... que je fonctionne comme un enfant... comme s'il y avait un stade que je n'avais jamais atteint.

[Dori]

Ce serait quel stade Glaciell si tu savais le nommer ?

[Loner]

Est ce que ce n'est pas une question de maturité affective plutôt qu'une connexion poétique avec son soi pure ?

Pour ma part, je me sens enfantin dans mes amusements mais également par mon manque d'autonomie dans la vie d adulte et mes évitements des conflits. En plus, j'ai le sentiment que les autres font plus "homme" que moi alors qu ils peuvent en avoir 10 ans de moins. Tant par leur physique que leur ancrage dans des considérations responsables.

[Glaciell]

Ce serait quel stade Glaciell si tu savais le nommer ?

Honnêtement je ne sais pas... je ne me suis jamais beaucoup penchée sur la question, j'ai plutôt classé ça dans la liste de toutes les bizarreries dont je ne me sens pas très fière, sans pour autant avoir forcément envie de changer (en ayant en tête l'idée qu'au contraire, "il faut" grandir... donc je voyais plutôt ça comme un truc de plus où je faisais pas comme il fallait ! ). Du coup, merci pour ton post, il me donne à réfléchir...

[Dori]

@Loner: je ne sais pas te répondre précisément. C'est peut-être les deux mais toujours est-il que j'aimerais en arriver aux résultats factuels qui sont les mêmes que ce soit une cause ou l'autre. Le manque d'autonomie en tête.

Je n'ai pas mis ce que je rencontrais comme faits pour écouter vos exemples non dirigés et les mettre en rapport avec moi. C'est donc intéressant. Notamment, la drague comme dans ton fil de présentation.

@Glaciell: ce que tu dis me fait comprendre que ce qu'on nomme nos bizarreries sont peut-être des rêves d'enfant en plein accomplissement ? Ou pour le côté sombre quand on est anxieux, c'est l'enfant qui a peur du noir tout seul qui s'exprime et qu'au lieu de l'écouter et le rassurer, on va lui prescrire des cachetons.

[Elinounette]

Je suis très enfant aussi. Je n'ai jamais compris pourquoi les gens deviennent subitement sérieux à l'âge adulte. Comme si ce n'était plus les mêmes personnes. J'ai peu d'amis mais les amis que j'ai sont comme moi.

[Autiste ou surdoué ?]

Voilà une question qui et un ressenti qui me parlent beaucoup. Je ne sais pas si c'est en lien avec d'éventuels fonctionnements autistiques.
Pour commencer, à la question "enfant de quel âge ?", je n'ai pas de réponse. Je suis la même personne depuis que j'ai une douzaine d'années environ. Je suis juste moi, toujours le même et pensant, raisonnant de la même façon. Je crois que les autres autour de moi, ont été de plus en plus en décalage parce que, eux, ils grandissaient, s'essayaient à des personnages adultes et les surjouaient (adolescence), puis en integraient un à l'âge dit "adulte". Il en va de même au point de vue sexuel d'ailleurs, où je ne me sens ni homme ni femme (c'est peut-être le cas des enfants d'ailleurs).
La psychologue qui m'a fait un pré-diagnostic m'a parlé d'une Immaturité affective et émotionnelle, de l'ordre du bébé (de moins de 2 ou 3 ans, je crois me souvenir).
Mais je ne me sens pas "un enfant dans un corps d'adulte", je me sens juste moi dans mon corps qui est ce qu'il est. Je me sens surtout en décalage avec les adultes et incapable de m'intéresser à leur monde social, à leur communication et à leurs rituels.
J'ai donc fini par ne travailler qu'avec des enfants et ça se passait très bien. Il n'y a que là que je suis bien, je n'ai aucun effort à faire pour être en communication avec eux, et les bébés sont les seuls humains que je regarde dans les yeux sans m'electrocuter (c'est la seule image qui me vient à l'esprit).
Je joue avec eux spontanément, en grande complicité, et je commence à avoir du mal quand ils commencent à essayer de me manipuler, de mentir (quand ils le font intentionnellement, bien sûr), ou à vouloir "jouer un rôle".

[geybuss]

De mon côté, socialement, je me comporte comme une gamine, qui ce soit dans mes (sur )réactions ou dans mon comportement physique. Par J'ai beau être une femme de 47 ans, ça ne m'empêche pas de m'asseoir n'importe où, même s'il n'y a pas de siège, si j'en ai marre ou si je suis fatiguée d'être debout. Je peux sautiller comme une enfant pour rejoindre des gens etc... Mais je étrangement, je me comporte comme une gamine adulte (au niveau de la culture etc...) et responsable (je gère ma vie d'adulte)
Dans la famille , j'ai longtemps été la seule tante à jouer avec mes neveux... Et étrangement, quand je me suis plainte à ma soeur du manque de respect de mes neveux à mon égard, elle m'a répondu :" que veux tu, tu joues avec eux, donc ils te voient comme une enfant, il ne font pas la différence. Tu n'as qu'à arrêter de jouer avec eux...."

bon, depuis, l'âge, la fatigue avançant et le ras le bol de ce non respect, je joue bcp moins avec eux.
Je me sens gamine dans les façons dont mon corps réagit, mais dans mon cerveaux, ma façon de pensée, mes idées, mes convictions, je me trouve souvent bien plus adulte que les adultes... car bien plus réfléchie.

[Autiste ou surdoué ?]

je me trouve souvent bien plus adulte que les adultes... car bien plus réfléchie.

Je crois que, dans la mesure où la plupart des adultes jouent un rôle d'adulte, ils n'ont pas l'habitude de réfléchir de façon autonome : ils se conforment à ce que la société demande à l'adulte de leur catégorie. Par contre, quand ils sont dans une situation imprévue, où leur image d'adulte d'un certain type (milieu culturel, religion, catégorie sociale, etc.) ne "fonctionne" plus, ils ne savent pas comment faire. Nous (je généralise sans savoir), comme on est toujours dans une situation qui ne nous est pas naturelle, avec les adultes, on est toujours réfléchis, jamais dans un comportement prédéfini. Et cela a aussi quelques inconvénients !

[Dori]

@Elinounette: c'est beau comme témoignage.

@Autiste ou surdoué?: ça m'impressionne ce diagnostique de ta psy de ton immaturité affective et émotionnelle. Je dis ça car les chiffres de 2, 3 ans m'interpellent mais je ne sais pas ce que ça représente. Comment as-tu vécu l'annonce ? Cela te handicape-t-il un peu, beaucoup ou pas ?

@geybuss: oh! Moi aussi je m'assieds n'importe où quand je n'en peux plus et je peux sautiller ou danser (ce qui gène mon fils). Après, il est vrai que nous pouvons être rattrapés par une cérébralité qui nous permet d'assumer les responsabilités ou le monde adulte. Mais j'ai néanmoins l'impression de le faire comme un enfant dans une grande mise en scène (d'adultes).

Merci pour vos partages et les futures aussi.

[Clovis]

J'ai le sentiment d'avoir été un enfant qui semblait bien plus mature que la moyenne à différents égards pour devenir un adulte assez peu mature... Même si je m'efforce de l'être pour l'essentiel et de le paraître en public.

Ceci étant si être mature c'est s'encombrer de contraintes (avoir une voiture et la changer avant de "trop perdre", s'assurer qu'on a bien la meilleure assurance, le meilleur forfait, avoir un plan de carrière, s'endetter pour être un jour propriétaire, avoir les dents bien blanches, se soucier de sa garde robe, connaître les derniers blockbusters ou stars de la chanson, devenir de droite...), non merci.

[Dori]

J'ai le sentiment d'avoir été un enfant qui semblait bien plus mature que la moyenne à différents égards pour devenir un adulte assez peu mature... Même si je m'efforce de l'être pour l'essentiel et de le paraître en public.

Merci Clovis. Tu me permets de nuancer.

J'ai le souvenir qu'à 2, 3 ans je m'exprimais déjà comme un adulte dans le sens où j'avais déjà un raisonnement et qui scotchait bien souvent les adultes. Ca c'est la partie cérébrale.

A côté de celle-ci, il me semble que la partie émotionnelle ou affective est restée plus ou moins la même depuis toujours (celle d'un enfant ?). J'ecris "celle d'un enfant" entre parenthèse car "enfant" et "adulte" sont pour moi des termes apposés par la société, là où je ne suis restée que moi-même. Je n'ai même pas fait de crise d'adolescence, ni de la trentaine, ni de la quarantaine. Je n'en ai pas vu l'utilité. J'ai surtout fait de grosses crises de rejet ou d'épuisement de ce que je ne savais nommer et qui m'oppressait. Je peux néanmoins reconnaître chez d'autres que ces notions existent (enfant-adulte) et sont remarquablement différentes. Est-ce biologiquement différent? Ok, il y a bien un développement corporel sans parler des hormones en foire à l'adolescence qui se calment mais sur la durée globale de l'âge adulte pas juste qui s'arrêtent pile la veille des 18 ans... mais encore ? S'il n'y avait eu de raisons politiques et économiques, la société aurait-elle eu besoin de définir l'âge adulte? CHOUETTE !!! Je suis adulte !!! Je vais pouvoir aller bosser comme un âne pour consommer comme un porc !!! Comme tu le dis si bien: s'encombrer d'objets à entretenir.

Je trouverais du sens au fait que les autistes auraient conservé cette part d'innocence et de pureté affectives et émotionnelles et soient non compétents à faire ce qu'on fait naturellement les autres à savoir se fourvoyer dans des systèmes de plus en plus relationnellement complexes. Ce serait comme être inaccessible à la folie. Ces propos ne concernent que mon point de vue et je les mets au conditionnel.

[Land]

De ce que j'ai pu comprendre quand je m'étais penchée sur le sujet, l'"enfant intérieur", c'est plus une notion de psychologie pour définir la partie de nous innocente, 'brute'. Celle qui ressent les émotions, nourrit des rêves, et manque d'expérience. La petite voix intérieure qui y croit, ou veux y croire.

L'autisme serait plus un trait de caractère et de fonctionnement. Une façon d'être et de penser qui tendrait à laisser (malgré la personne) une grande place à cette partie innocente (voire se laisser déborder par elle), tout en générant une ambivalence : enfant on raisonne de façon trop adulte pour plein de choses (souvent "trop mature" pour son âge), mais même adulte, les réactions émotionnelles sont toujours celles d'enfants (immaturité émotionnelle - pouvant être contrée par un apprentissage conscient et souvent guidé).

On peut être autiste et "perdre le contact" avec cette partie de soi (pour s'adapter notamment, on s'en coupe), mais consciemment ou pas, elle s'exprimera plus facilement (car plus difficile de la museler).

Je crois me souvenir d'avoir lu des trucs très intéressants sur le sujet, évoquant une prédominance de l'amygdale par rapport au cortex préfrontal dans la gestion des émotions dans le cas de personnes présentant des particularités, là où les typiques ont développé une prédominance du cortex préfrontal qui les aide à 'anesthésier' les émotions et les garder sous contrôle, ce qui leur conférerait presque naturellement une maturité émotionnelle à partir d'un certain âge.
- je préfère le terme "maturité" à "adulte" - Adulte, au fond, ça ne veut pas dire grand chose, à part qu'on a "physiquement" atteint l'âge légal de la majorité.-

Je n'ai pas de diag pour le moment, mais pour ma part mon corps n'a jamais reflété mon âge, car je n'en ai pas de défini.

[Dori]

@Land: oui, je l'ai vu concernant les hypersensibles, la régulation des émotions ne se fait pas comme les autres. Elle monte plus vite, prend plus de temps à redescendre et est hyper "stimulable". Je ne me rappelle plus du terme exact. Merci pour ce cadrage.

Veux-tu dire que ton corps te semble plus jeune ? C'est très intéressant. Je m'étais déjà fait cette réflexion en observant ma mère qui a une maturité affective d'un enfant sans conscience précise de cela. Elle est restée plus ou moins avec le même corps et visage d'adulte depuis toujours. Or, elle a 70 ans désormais.