Ca y est je l'ai terminé et je l'ai beaucoup, beaucoup aimé (et question littérature je suis très exigeante).
D'abord, sans spoiler :
- J'ai trouvé que l'auteur reste complètement dans le rôle de Ginny, du début à la fin. Lorsqu'un auteur décide de faire parler un enfant à la première personne, c'est souvent hasardeux et un peu bancal. Surtout si l'enfant en question est autiste, ou juste "différent". Pour une fois, je n'ai senti la trace de l'adulte nulle part. Et il n'a pas été tenté de sauter d'un point de vue à l'autre, ce qui donne souvent des récits décousus (parce que l'auteur ne peut s'empêcher de donner le point de vue de l'adulte alors que l'enfant ne peut pas le connaître...). Ici, c'est Ginny l'héroïne et toute son histoire n'est vue que par son prisme.
- L'auteur n'a aucune complaisance pour les personnages. Pas d'apitoiement sur la petite fille autiste au passé très difficile... Ginny est très émouvante mais elle peut aussi être frustrante, casse-pied, désagréable... bref une ado quoi. Les parents adoptifs ne sont pas du tout présentés comme des super-héros au grand coeur. Au contraire. On sent toute la difficulté que la vie avec une ado autiste, adoptée de surcroit, dans leurs actions. On sent leur désarroi à travers les mots de Ginny, mais aussi leurs incompréhensions et leurs erreurs de jugement. Je crois que j'ai tour à tour eut envie de gifler et d'embrasser chaque personnage.
- Le style est très fluide. Les presque 400 pages filent à toute vitesse, car l'écriture est bien maîtrisée. Pas de niaiserie, de succession de phrases clichés et neuneu.
- Je suis loin d'être une experte en autisme, mais je trouve que les traits autistiques, les stéréotypies de Ginny sont bien rendues sans être forcé pour autant, ou clichés. On comprend chaque page en quoi son raisonnement diffère de celui d'une enfant "normale" (même si parfois il est un peu difficile de faire la part entre les difficultés qui relèvent de son enfance maltraitée et ce qui est lié à son autisme...tout est probablement très lié), on comprend pourquoi être autiste est un défi du quotidien... Chacun de ses gestes, de ses pensées est conditionné par son handicap. On ressent les mêmes frustrations qu'elle, lorsqu'elle ne comprend pas les adultes qui l'entourent ou ses craintes. J'étais frustrée avec elle lorsqu'elle essaie désespérement de comprendre les changements qui viennent en permanence. On voit aussi avec ce livre que les autistes vivent les émotions aussi bien que les neuro-typiques, même si de l'extérieur cela ne s'exprime pas différemment. Les moments où Ginny se sent rejetée, repoussée sont très poignant. Elle met du temps à analyser pourquoi elle se sent mal, ce qui ne va pas c'est vrai mais elle n'en ressent pas moins de la tristesse.
misty a écrit :C'est peut-être parce que je suis "de l'autre côté" que je le vois comme ça mais pendant tout le livre les gens ne pigent rien et à la fin on dirait que c'est à elle de faire des efforts pour que eux la comprennent.
Je pense que c'est un parti pris de l'auteur. Comme je le disais plus haut, il n'a aucune complaisance envers les adultes. Il les montre tels qu'ils peuvent être avec Ginny, parfois bienveillants, parfois nuls, parfois juste à côté de la plaque... Pour moi, c'est la réaction de Ginny qui compte à ce moment-là. Elle ne se dit pas qu'elle va devoir changer. Elle comprend qu'elle va rester un mystère dans l'équation, qu'elle même ne sait plus très bien qui elle est mais que ce n'est pas grave parce qu'elle a une famille-pour-toujours... même si cette famille est loin d'être idéale. Qui qu'elle soit ils l'aimeront. Ils font d'ailleurs des efforts eux aussi.
Je ne pense pas que la mère lui demande de changer d'ailleurs. Elle est frustrée comme n'importe quelle mère d'ado qui aimerait que son enfant lui dise ce qui se passe dans sa tête. Pour moi ce n'est pas une injonction à faire changer Ginny, c'est plus un voeu pieux.
Et j'ai beaucoup aimé cette fin parce qu'elle n'est pas irréaliste. Pas de déclic magique et tout le monde est heureux, sans nuage. On sent que tout va être compliqué pour tout le monde encore très longtemps. Mais tout le monde veut essayer... Ginny, ses parents, tout le monde pense que ça en vaut la peine.
Pour conclure, je conseillerai vivement de lire ce livre à toute personne non-autiste car oui, pour une fois, on a accès au mode de pensée particulier d'un autiste (assez proche de la réalité je trouve). Bien sûr ce n'est pas un "mode d'emploi", mais moi je me suis souvent reconnue dans les sentiments de frustration et d'angoisse de Ginny.
Par contre, je mettrai quand même en garde les parents. J'ai cru comprendre que ce roman était classé en jeunesse. Certes l'héroïne a 14 ans mais je me méfierai avant de le faire lire... Les épreuves que Ginny subit sont dures (pas seulement celles liées à sa mère biologique et son passé ; plutôt les moments où elle perd son identité, ou elle se sent rejetée), elles pourraient faire écho assez violemment. A lire et discuter ensemble, donc.
Je veux savoir comment je m'y prendrais, moi aussi, pour être heureuse. Vous dites que cest si beau, la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre." Anhouil
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