Sur les adultes autistes
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Re: Sur les adultes autistes
waow! quelle belle expérience inspirante...
qui alimente ma réflexion au sujet des habitat groupés pour autistes vieillissants...
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peut-être Aspie, en attente d'un premier rdv demandé au CRA.
premier rdv le 04/07, demande de bilans ergo/neuro en cours
Premier diag Asperger posé par un neurologue expert juillet 2016, communiqué en décembre
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Re: Sur les adultes autistes
La chute libre des jeunes adultes
Les jeunes adultes avec autisme sont confrontés à de nombreuses attentes et difficultés nouvelles — sans plus bénéficier du soutien disponible au lycée.
par Deborah Rudacille
29 mars 2017
https://spectrumnews.org/features/deep- ... free-fall/
Isaac Law passe le plus clair de son temps devant son ordinateur, à regarder des films sur Netflix, à éplucher des messages Facebook ou à travailler sur son dernier projet, une bande dessinée Internet, Aimless, qui raconte les aventures de deux amis, Ike et Lexis, quittant la Terre pour rejoindre un groupe de pirates de l’espace.
Law a 24 ans, mais il n’a pas d’emploi et ne suis pas de cours. Il a brièvement travaillé en tant que bénévole, remplir les étagères dans un magasin de bandes-dessinées, mais ça ne s’est pas concrétisé. « C’était un endroit très mal organisé, » dit-il. Il s’est aussi inscrit dans une école d’art. Ça n’a pas marché non plus. « J’ai de gros problèmes avec l’autorité, » dit le jeune homme.
De bien des façons, Law semble être un millenial typique — ne désirant pas occuper un emploi barbant pour payer les factures, préférant consacrer du temps à ses intérêts créatifs. Mais la voie de Law vers un rôle adulte et les responsabilités est compliquée par le fait qu’il a un autisme et un trouble bipolaire.
Sa mère, Kiely Law, est déçue qu’il ait, comme elle le perçoit, « plafonné » depuis l’obtention de son diplôme de fin d’études secondaires, à 20 ans. Mais en tant que directrice de recherche au Interactive Autism Network, un registre pour les études sur l’autisme, elle sait aussi que de nombreux jeunes adultes dans le spectre partagent les difficultés de son fils au passage vers la vie adulte.
« Je pense qu’une de ses difficultés est que, comme beaucoup d’adultes avec autisme, il a des intérêts extrêmement restreints, » dit-elle. « Les opportunités existantes ne correspondent pas à ce qui l’intéresse. Et si vous avez des difficultés à interagir avec les autres, dans les compétences sociales, comme dans l’utilisation des transports en commun, il y a un effet boule de neige. »
Une vague géante d’enfants diagnostiqués d’autisme dans les années 90 atteignent maintenant l’âge adulte. Les chercheurs estiment qu’à peu près 50 000 jeunes gens avec autisme atteignent l’âge de 18 ans chaque année. Il est évident que c’est une période dangereuse pour nombre d’entre eux, avec au moins trois fois plus d’isolement social et des taux de chômage bien plus élevés en comparaison de jeunes avec d’autres handicaps. Alors que la majorité des jeunes gens avec des difficulté de langage ou des handicaps de l’apprentissage vivent indépendamment, moins d’un quart des jeunes adultes avec autisme le font.
« Il y a beaucoup d’assez bonnes études décrivant bien les difficultés rencontrées par les jeunes adultes avec autisme, en termes d’emploi et de sous-emploi, de comorbidités de santé mentale, de ne pas recevoir les services dont ils ont besoin, » dit Julie Lounds Taylor, professeur assistante de pédiatrie à l’université Vanderbilt de Nashville, Tennessee.
Jusqu’à maintenant toutefois, il y a eu peu de recherche pour déterminer la forme du soutien et de services dont ont besoin ces jeunes gens. Au lieu de recevoir une aide supplémentaire à cet âge vulnérable, ils font face à un obstacle important : une baisse soudaine du soutien au moment de l’obtention du diplôme de fin d’études, quand les services d’assistance fédéraux prennent abruptement fin — un phénomène que les chercheurs appellent ‘la falaise des services’.
Il se pourrait que, avec suffisamment d’aide, quelques jeunes gens dans le spectre puissent reprendre pied tout en continuant à se développer. Les militants et les parents incitent les scientifiques à étudier des questions pratiques qui améliorent les perspectives souvent sombres pour ces jeunes adultes. Bien que les problèmes qu’ils rencontrent soient bien documentés, les causes et les solutions potentielles ne sont pas claires. Quelques chercheurs en autisme rassemblent des données dont ils espèrent qu’elles vont éclairer la raison pour laquelle tant de jeunes adultes dans le spectre ont des difficultés — et ce qu’il leur faudrait pour passer cette transition. « Nous devons connaître ce qui remet les gens sur une voie de mobilité ascendante, » dit Taylor.
Passer la falaise
La période entre 18 et 28 ans est d’une importance critique dans l’établissement des fondations d’une vie adulte. Pour les jeunes gens avec autisme, ces années tendent à être particulièrement difficiles. Plus de 66% des jeunes adultes dans le spectre ne sont pas assurés d’un emploi ou d’une inscription dans des études complémentaires pendant les deux premières années suivant le lycée. Même deux à quatre ans plus tard, près de la moitié ne travaillent toujours pas ni ne sont scolarisés, selon le rapport National Autism Indicators de 2015, produit par la A.J. Drexel Autism Institute de Philadelphie. Et ils ont d’autres difficultés : un jeune adulte dans le spectre sur quatre est isolé socialement, selon le rapport ; un seul sur cinq a vécu indépendamment au début de la vingtaine. Ils sont nombreux à être aussi affectés de deux ou plusieurs maladies physiques ou de santé mentale en plus de l’autisme, ce qui rend difficile le passage de ces étapes de l’âge adulte.
En fait, le nombre limité d’études sur les jeunes adultes avec autisme montrent que nombreux sont ceux qui perdent pied après avoir quitté l’école. Alors que les adolescents avec autisme sont au lycée, leurs traits autistiques tendent généralement à s’améliorer au fil du temps, mais les progrès ralentissent dramatiquement après le diplôme. Dans une étude de 2010, les chercheurs ont découvert qu’une fois que les adolescents ont quitté l’école, toutes les améliorations obtenues dans les comportements répétitifs, les interactions sociales réciproques et la communication stagnent. Pendant ce temps, ceux ayant fait des progrès dans des problèmes de comportement comme les auto-mutilations et l’agressivité régressent. « Nous avons trouvé que, quand ils quittent le lycée, ces améliorations ralentissent beaucoup, voire stoppent dans certains cas, » dit Taylor, qui a dirigé l’étude.
La raison probable, disent Taylor et les autres chercheurs, est que le soutien aux adolescents s’évanouit après l’obtention du diplôme.
Pendant le lycée, 97% des jeunes personnes dans le spectre reçoivent une aide financée par l’État, selon le rapport Drexel, qui se base sur les statistiques du gouvernement. Par exemple, à l’âge de 17 ans, à peu-près 66% des personnes avec autisme reçoivent des services d’orthophonie ; après le lycée, le pourcentage tombe à 10%. De la même façon, la proportion de ceux recevant des soins d’ergothérapie ou de séances d’habiletés sociales passe de plus de la moitié à moins d’un tiers.
Pendant de nombreuses années, ces problèmes n’étaient même pas sous le radar des chercheurs. « Pendant très longtemps, les gens pensaient aux enfants et à la façon d’intervenir pendant l’enfance, » dit Taylor. Ce n’est pas avant ces dix dernières années qu’elle et d’autres chercheurs ont commencé à travailler au comblement de ce manque — et rencontré des obstacles considérables.
Par exemple, l’université Vanderbilt a un programme complet de recherche sur l’autisme, alors quand Taylor a commencé à étudier les jeunes adultes, en 2009, elle pensait qu’il serait facile d’atteindre des participants potentiels à l’étude par le réseau. « Je ne m’attendais pas du tout à ce que ce soit difficile de joindre les familles, » dit-elle. Elle a découvert que, en fait, c’était « incroyablement difficile » et bien plus ardu que de convaincre de jeunes enfants ou leurs familles à participer.
Cela peut être dû au fait que la communauté de l’autisme tend à être plus resserrée parmi les familles avec des enfants plus jeunes. Une fois les enfants plus âgés, les familles peuvent ne pas avoir autant d’incitations à participer à la recherche parce qu’elles n’attendent plus la sorte de ‘solution rapide’ qu’elles peuvent avoir espéré un jour.
Les agences de financement tendent aussi à ne pas être intéressées à encourager des études qui pourraient aider à déterminer pourquoi les années suivant le lycée sont difficiles et confuses, disent les chercheurs. C’est particulièrement vrai des études sur les services destinés à aider les jeunes gens avec autisme à passer vers l’âge adulte.
L’écrasante majorité de la recherche sur l’autisme se concentre sur les enfants. Entre 2008 et 2012, seulement 1% du financement public de la recherche sur l’autisme a été consacré aux difficultés de l’âge adulte, selon le rapport du U.S. Government Accountability Office. « L’accent mis sur le cerveau et la biologie éloigne vraiment de ce type d’études, » dit Catherine Lord, directrice du Center for Autism and the Developing Brain, au New York-Presbyterian Hospital de New York. « Il est très difficile d’obtenir des financements pour une étude qui n’a pas une sorte de marqueur biologique. »
Les agences de financement préfèrent aussi généralement la recherche qui explore les ‘mécanismes’ sous-jacents de l’autisme. Cela implique généralement une approche biologique, ce qui restreint encore le périmètre de la recherche, dit Lord. « La plupart [des scientifiques], quand ils recherchent des mécanismes, recherchent des sujets pouvant être facilement transposés dans les modèles animaux. »
Elle propose que les scientifiques puissent interpréter plus largement l’idée d’un mécanisme, en évaluant des thérapies qui améliorent les compétences conversationnelles ou d’autres aspects de la vie quotidienne. Quelques preuves indiquent que les adultes avec de fortes aptitudes d’adaptation à la vie quotidienne — comme la communication et les compétences sociales, l’hygiène personnelle, la cuisine, le ménage et la capacité à utiliser les moyens de transport collectifs — ont plus de chances d’être employés et d’être mieux intégrés dans leurs communautés que ceux disposant de compétences moins grandes. Mais pour l’heure, peu de recherches ont exploré le fonctionnement adaptatif pendant la transition vers l’âge adulte pour les personnes dans le spectre.
Les jeunes adultes ont participé à de nombreuses études sur l’autisme au fil des ans — de nombreuses études d’images ont scanné leurs cerveaux, par exemple. Mais ces études, bien qu’intéressantes pour les chercheurs, n’ont généralement pas d’impact direct sur la qualité de vie des participants.
Dans certains cas, les jeunes adultes eux-mêmes peuvent être réticents. Isaac Law, pour sa part, ne croit pas qu’il y ait une chose comme l’autisme. « La plupart des personnes catégorisées autistes sont juste de simples excentriques » dit-il. Il rejette le diagnostic et ne trouve aucun intérêt à participer à des études — même si ses deux parents sont des chercheurs en autisme.
Des douleurs grandissantes
En 1990, Lord a commencé à suivre un large groupe d’enfants avec autisme, dès l’âge de deux ans. Sa première intention était de déterminer si il était possible de diagnostiquer aussi tôt l’autisme chez les enfants, d’explorer si le diagnostic restait stable pendant la période de scolarité. Près de 130 personnes, aujourd’hui dans le milieu de leur vingtaine, participent encore à l’étude. « Près de 45 d’entre eux sont verbaux et vraiment capables de parler de ce qui arrive, » dit-elle. Les autres sont intellectuellement handicapés.
Au fil des ans, Lord et ses collègues ont rassemblé des données sur leur comportement, leurs aptitudes d’adaptation à la vie quotidienne, leur réussite scolaire, leurs activités quotidiennes et leurs santés physiques et mentales.
L’équipe a découvert que les aptitudes d’adaptation à la vie quotidienne des personnes ayant à la fois un déficit intellectuel et de l’autisme, continuent à s’améliorer entre 18 et 26 ans. « C’est une des choses qui ont été encourageantes pour nous, » dit-elle. « Ils apprennent encore toutes sortes de choses. » Une des raisons pour cela est que les personnes dans le spectre avec un handicap intellectuel ont accès à une large gamme de services, même après qu’ils aient quitté l’école. « Il existe des endroits où ils peuvent travailler quand ils sortent de l’école, il y a en place des systèmes de services pour les aider à trouver des activités pendant la journée, pour leur trouver des endroits où vivre si ils ne désirent plus résider chez leurs parents ou qu’ils ont besoin d’aide pour pouvoir se déplacer. »
Paradoxalement, l’image est plus sombre pour les jeunes adultes avec autisme d’intelligence moyenne ou supérieure. Certains, qui réussissaient au lycée, semblent s’effondrer en arrivant à l’université, dit Lord. Et ceux qui ne sont pas à l’université ou au travail se débattent pour trouver le moyen de remplir leurs journées soudainement vides. Ces jeunes personnes expriment une plus grande détresse quant à leur situation que ceux affectés d’un handicap intellectuel. Leurs parents sont plus susceptibles de les qualifier d’anxieux ou déprimés en comparaison des parents d’enfants avec à la fois un autisme et une déficience intellectuelle.
« C’est bien plus difficile pour les plus brillants, les plus verbaux avec des problèmes moins graves, » dit Lord. Leurs propres attentes — et celles de leurs parents — sont plus élevées, d’un côté. Mais ils affrontent aussi un changement de style de vie plus abrupt, dit Lord ; ils ne bénéficient plus de la sorte de structure et des soutiens qui ont caractérisé leur années de lycée. Livrés à eux-mêmes pour la première fois de leur vie, nombre d’entre eux sont perdus. Et en dehors de leurs parents, il n’y a personne pour les aider à naviguer cet océan de changements.
Peu d’études ont enquêté sur le type d’aide qui améliorerait vraiment la qualité de vie des personnes dans le spectre. Une analyse de 2012 a identifié 23 études se concentrant sur l’amélioration des services pour les adultes avec autisme ; dans 12 d’entre-elles, l’âge moyen était de 30 ans ou moins. La plupart de ces études se concentraient exclusivement sur l’emploi, la formation et la recherche des compétences d’employabilité ou le soutien à des personnes disposant déjà d’un emploi. Aucune d’entre-elles n’explorait le groupe de services dont pourraient avoir besoin les personnes avec autisme, des services médicaux et psychiatriques aux déplacements. Les États payaient rarement pour l’encadrement de la gestion de tels services, pour les personnes de plus de 18 ans sans handicap intellectuel.
Lord dit qu’un des grands problèmes avec la recherche sur les jeunes adultes est qu’il est difficile de définir ce qui peut être qualifié de bon résultat pour une jeune personne dans le spectre. Une jeune femme brillante avec autisme pourrait trouver un emploi qui ne correspond pas à ses qualifications universitaires — mais cela devrait-il être automatiquement considéré comme un échec ? Si son travail lui plait ?
« Cela nous gêne parce qu’il semble très arrogant de notre part de dire, ‘C’est une réussite,’ » dit Lord. « C’est une part de la complexité de ce type de recherche. »
Ces jeunes personnes ont leurs propres priorités pour la sorte de recherche qu’ils croient devoir être financée, elles différent souvent largement de ce que penseraient les chercheurs ou les agences de financement. « Pour nos adultes indépendants, une des principales priorités est les services d’emploi : un meilleur système de soutien dans l’environnement de travail, » dit Kiely Law, qui a participé en 2015 à un sondage sur près de 400 adultes avec autisme et leur soignants dans le Interactive Autism Network. Le sondage incluait des personnes entre 18 et 71 ans, la plupart trentenaires, mais tous, à tous âges, étaient d’accord sur ce point.
Une autre priorité était les opportunités de formation après le lycée, et la nécessité d’un soutien spécial dans cet environnement, dit Law. Une étude informelle menée l’année dernière avec un comité consultatif communautaire a mis en évidence des préoccupations identiques. Hormis l’accès à des fournisseurs de santé mentale, les personnes dans le spectre ont identifié leurs priorités de recherche comme étant le travail, l’éducation, le harcèlement et la discrimination, plutôt que la recherche bio-médicale. Mais sans études basées sur les preuves évaluant le coût et l’efficacité de tels programmes, il est peu probable que la puissance publique les finance.
Les participants à l’étude ont aussi mentionné la difficulté à trouver des fournisseurs de santé — particulièrement des spécialistes de santé mentale — compétents pour travailler avec des adultes dans le spectre. Une fois encore, toutefois, il y a peu d’informations sur la façon dont la médication et d’autres traitements pour l’anxiété, la dépression et les troubles du déficit de l’attention — tous courants chez les personnes dans le spectre — devraient être fournis aux adultes avec autisme. « La recherche sur les politiques de santé a plus a offrir à ce groupe de personnes, » dit Law.
Y travailler
Sara et Abby Alexis, deux jumelles de 24 ans, ont toutes deux un autisme. Abby suit un cours au collège communautaire et travaille un jour par semaine dans un salon de coiffure, où elle plie les vêtements, balaye les cheveux et fait la vaisselle. Elle vient de commencer un nouveau travail dans un café. Sara vient de finir une classe d’art en formation continue et a deux emplois à mi-temps : plier les serviettes dans une salle de sports et emballer des savons dans une entreprise de produits de soins personnels. Elles sont deux parmi les rares à avoir trouvé des emplois qui leur conviennent — grâce à un programme lancé par des parents ayant résolu par eux-mêmes le problème de la falaise (des services).
Les soeurs ont obtenu leurs emplois par l’intermédiaire d’Itineris, un programme communautaire créé en 2009 par neuf familles de Baltimore ayant réalisé qu’après l’obtention de leur diplôme de lycée, il n’y aurait plus de services spécialisés disponibles pour assister leurs enfants dans le spectre à devenir plus indépendants. En plus de fournir une formation professionnelle, l’équipe d’Itineris organise des sorties pour les 70 jeunes du programme dans des restaurants, des parcs d’amusement, au cinéma ou au bowling.
Abby et Sara aiment toutes les deux Itineris. « C’est bien de se faire des amis et de se socialiser, » dit Sara. Abby a un petit ami, rencontré à Itineris, et d’autres nombreux amis. Elle espère emménager dans un appartement avec sa plus grande soeur dans un an ou deux et devenir encore plus indépendante. « Je veux que les gens me traitent comme une adulte, pas comme un gosse, » dit-elle. Avoir un emploi payé 9$US de l’heure en fait partie.
Les chercheurs tendent à se concentrer sur l’emploi des jeunes adultes avec autisme pour une raison simple. « Nous trouvons que pour beaucoup de gens, l’emploi n’est pas qu’une (histoire de) paie. C’est des opportunités d’inclusion sociale, la rencontre d’autres personnes, d’une expression personnelle et de formation de l’identité, » dit Paul Shattuck, directeur du programme de recherche the Life Course Outcomes au A.J. Drexel Autism Institute.
Mais sans l’aide d’une association comme Itineris, trouver un travail est difficile — et le conserver encore plus ardu. Bien que près de la moitié des jeunes adultes dans le spectre travaillent pour un salaire à un moment après le lycée, seulement un sur cinq travaille à plein temps, avec un salaire moyen de 8$US de l’heure. Leurs taux d’emploi sont plus bas que ceux des personnes avec des handicaps du langage, des difficultés d’apprentissage ou de seuls déficits intellectuels.
Les jeunes adultes avec autisme sont plus susceptibles de travailler pour un salaire si, comme Abby et Sara, ils sont issus de foyers avec des revenus moyens à supérieurs, ont des capacités de conversation et de fonctionnement correctes. Toutefois, trouver un emploi ou être inscrit dans une école n’est pas la garantie d’un emploi correct ou de l’obtention d’un diplôme. Une étude de 2015 basée sur 73 jeunes adultes a montré que 49 d’entre eux travaillaient ou suivaient une forme d’études supérieures, généralement des cours d’université, à un moment pendant les douze années suivant l’obtention du diplôme de fin d’études secondaires. Toutefois, seulement 18 d’entre eux étaient employés régulièrement ou scolarisés pendant tout cette période. Seulement 3 des 31 personnes diplômées de l’université ont trouvé des emplois dans le champ de leur formation ; la plupart restaient sans emploi ou assuraient des emplois non-qualifiés dans la restauration, le commerce ou la maintenance.
Pour les jeunes gens de la classe ouvrière et des familles pauvres, le chômage n’est pas vraiment une option, ajoute Shattuck. L’année dernière, lui et ses collègues ont lancé un partenariat avec les écoles publiques de Philadelphie et un service social de l’État pour fournir des stages à plein temps et des formations professionnelles à des jeunes avec autisme. Le programme est conçu pour les personnes avec des déficiences intellectuelles ; un participant est non-verbal, dit-il. Toutefois, leurs familles attendent d’eux qu’ils assurent un emploi rémunéré quelconque. La plupart des participants sont afro-américains et sont issus de familles aux moyens modestes, dit Shattuck. Les familles doivent participer au programme. « Plus important, chaque jeune doit exprimer une volonté claire et un intérêt pour le travail et l’apprentissage, » dit-il.
Les participants — seulement 8 jusqu’à maintenant — alternent des stages à la librairie ou dans d’autres services du campus de l’université Drexel, avec l’objectif d’acquérir des compétences qu’ils puissent transférer dans de futurs emplois. « Ce ne sont pas des positions de travail aidé, » dit Shattuck. Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer la capacité du programme à aider les participants à conserver un emploi, Shattuck dit que les employeurs sont satisfaits pour l’instant. « Nous avons reçu beaucoup de soutien de l’équipe de Drexel et des encadrants. »
Les chercheurs espèrent étendre le programme l’année prochaine. Le financement provient d’agences de l’État et de la ville, qui fournissent déjà des soutiens aux adultes avec des déficiences intellectuelles, ce qui veut dire que « c’est neutre budgétairement pour ces agences, » dit Shattuck. Cela devrait faciliter déploiement du programme dans d’autres villes et États.
La recherche limitée sur les jeunes adultes avec autisme rend difficile la promotion de services supplémentaires pour eux, dit Shattuck. Les législateurs et leurs équipes posent tous la même question : Quelle proportion de jeunes dans le spectre seraient capables de vivre indépendamment, quelle proportion requerra une aide importante pour le reste de leur vie ?
« Nous n’avons pas le bon format, l’infrastructure, les outils pour même répondre à ces questions simples, » dit-il.
De nouveaux départs
Un jour, quand le fils de Renee Gordon a eu 21 ans, il a sauté d’une voiture en marche au milieu de l’autoroute. Pour le maîtriser, la police l’a finalement jeté au sol et menotté. L’incident a été le sommet d’une mauvaise période pour Alex, qui a un autisme, est déficient intellectuel et non-verbal. Son anxiété est devenue particulièrement intense à la suite d’une série de changements importants, dont le départ d’un soignant de longue date et la perte d’amis d’école. Après l’incident, ses parents, approchant de la retraite, ont décidé qu’ils ne pouvaient plus fournir à Alex l’environnement structuré dont il avait besoin à la maison. Ils se préoccupaient du fait qu’il aurait des difficultés à s’adapter, mais cette expérience a révélé que pour les personnes avec autisme, le changement et l’évolution peuvent s’étendre bien au-delà de l’adolescence.
Alex a déménagé dans un foyer collectif en juin 2014, il y vit désormais avec deux autres hommes handicapés et leur soignant. Gordon est étonnée par les changements survenus chez son fils. « Cela a été la transition la plus extraordinaire pour lui, » dit-elle. « Il est bien plus indépendant, bien plus flexible. »
Alex nécessite toujours une assistance constante. Mais il a appris à fermer son manteau et ses pantalons, est bien moins difficile pour la nourriture, est bénévole pour Meals on Wheels et participe à des réunions sociales, avec ses colocataires et d’autres pairs, dont une excursion à la plage et une soirée mensuelle à la League for People With Disabilities. Enfin il a des amis.
« Nous pensons que parce que l’école cesse à 18 ou 21 ans, c’est la fin de l’apprentissage, » dit Gordon. Mais en voyant les changements chez son fils, se souvenant des témoignages entendus d’autres parents pendant des années sur les grands progrès effectués par leurs enfants adultes pendant la vingtaine, elle se demande si le jeune âge adulte ne pourrait pas être la période idéale pour l’apprentissage de nouvelles compétences.
Shattuck dit que lui aussi en a entendu beaucoup de ces témoignages ‘de seconde main’ de parents au sujet de leurs enfants adultes avec autisme dans la vingtaine ou la trentaine. Cela le mène à réfléchir à deux questions fondamentales : Quelles sont les conditions facilitant ces progrès inattendus — que se passe-t-il dans le développement du cerveau qui le permettrait ?
Shattuck ne considère pas la recherche de base et les études de services comme contradictoires. La compréhension de la façon dont la maturation et l’avancée en âge se déroule chez les personnes avec autisme tout au long de la vie, dit-il, améliorera leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie, tout en contribuant à la compréhension des mécanismes au niveau biologique. « Cela n’a pas à être l’une ou l’autre, » dit-il. « L’argument que j’essaie de passer quand je parle à des collègues scientifiques est : Oui, il y a clairement un décalage entre ce que la communauté voudrait voir financé et ce qui l’est vraiment. Mais je pense que c’est une erreur de conclure qu’il doit y avoir une différence entre les deux objectifs. »
Gordon, qui est mariée à un neurologue, est d’accord. Les études biologiques sont importantes ; comme l’est la recherche sur les soutiens dont les jeunes adultes comme son fils ont besoin maintenant, dit-elle. « Je voudrais plus de recherche sur la façon d’assurer à ces personnes des vies heureuses et gratifiantes. »
Pour Isaac Law, le bonheur et la réalisation sont représentés par sa bande dessiné Internet, qu’il espère publier en août 2018, à l’ouverture du Museum of Science Fiction, à Washington D.C. Son rêve est d’être rémunéré pour son travail de dessinateur. « Je préférerais ne pas avoir de travail à nouveau, » dit-il. « Je voudrais me concentrer sur ma bande dessinée si possible. »
La bande dessinée est une comédie de potes, centrée sur deux amis inséparables. Law dit qu’il n’a pas lui-même un tel ami. Le personnage de Lexis est basé sur son cousin, mais, admet-il, « nous ne nous parlons aussi souvent que nous le devrions probablement. »
Syndication : cet article a été republié dans Slate.
Traduction par PY.
Les jeunes adultes avec autisme sont confrontés à de nombreuses attentes et difficultés nouvelles — sans plus bénéficier du soutien disponible au lycée.
par Deborah Rudacille
29 mars 2017
https://spectrumnews.org/features/deep- ... free-fall/
Isaac Law passe le plus clair de son temps devant son ordinateur, à regarder des films sur Netflix, à éplucher des messages Facebook ou à travailler sur son dernier projet, une bande dessinée Internet, Aimless, qui raconte les aventures de deux amis, Ike et Lexis, quittant la Terre pour rejoindre un groupe de pirates de l’espace.
Law a 24 ans, mais il n’a pas d’emploi et ne suis pas de cours. Il a brièvement travaillé en tant que bénévole, remplir les étagères dans un magasin de bandes-dessinées, mais ça ne s’est pas concrétisé. « C’était un endroit très mal organisé, » dit-il. Il s’est aussi inscrit dans une école d’art. Ça n’a pas marché non plus. « J’ai de gros problèmes avec l’autorité, » dit le jeune homme.
De bien des façons, Law semble être un millenial typique — ne désirant pas occuper un emploi barbant pour payer les factures, préférant consacrer du temps à ses intérêts créatifs. Mais la voie de Law vers un rôle adulte et les responsabilités est compliquée par le fait qu’il a un autisme et un trouble bipolaire.
Sa mère, Kiely Law, est déçue qu’il ait, comme elle le perçoit, « plafonné » depuis l’obtention de son diplôme de fin d’études secondaires, à 20 ans. Mais en tant que directrice de recherche au Interactive Autism Network, un registre pour les études sur l’autisme, elle sait aussi que de nombreux jeunes adultes dans le spectre partagent les difficultés de son fils au passage vers la vie adulte.
« Je pense qu’une de ses difficultés est que, comme beaucoup d’adultes avec autisme, il a des intérêts extrêmement restreints, » dit-elle. « Les opportunités existantes ne correspondent pas à ce qui l’intéresse. Et si vous avez des difficultés à interagir avec les autres, dans les compétences sociales, comme dans l’utilisation des transports en commun, il y a un effet boule de neige. »
Une vague géante d’enfants diagnostiqués d’autisme dans les années 90 atteignent maintenant l’âge adulte. Les chercheurs estiment qu’à peu près 50 000 jeunes gens avec autisme atteignent l’âge de 18 ans chaque année. Il est évident que c’est une période dangereuse pour nombre d’entre eux, avec au moins trois fois plus d’isolement social et des taux de chômage bien plus élevés en comparaison de jeunes avec d’autres handicaps. Alors que la majorité des jeunes gens avec des difficulté de langage ou des handicaps de l’apprentissage vivent indépendamment, moins d’un quart des jeunes adultes avec autisme le font.
« Il y a beaucoup d’assez bonnes études décrivant bien les difficultés rencontrées par les jeunes adultes avec autisme, en termes d’emploi et de sous-emploi, de comorbidités de santé mentale, de ne pas recevoir les services dont ils ont besoin, » dit Julie Lounds Taylor, professeur assistante de pédiatrie à l’université Vanderbilt de Nashville, Tennessee.
Jusqu’à maintenant toutefois, il y a eu peu de recherche pour déterminer la forme du soutien et de services dont ont besoin ces jeunes gens. Au lieu de recevoir une aide supplémentaire à cet âge vulnérable, ils font face à un obstacle important : une baisse soudaine du soutien au moment de l’obtention du diplôme de fin d’études, quand les services d’assistance fédéraux prennent abruptement fin — un phénomène que les chercheurs appellent ‘la falaise des services’.
Il se pourrait que, avec suffisamment d’aide, quelques jeunes gens dans le spectre puissent reprendre pied tout en continuant à se développer. Les militants et les parents incitent les scientifiques à étudier des questions pratiques qui améliorent les perspectives souvent sombres pour ces jeunes adultes. Bien que les problèmes qu’ils rencontrent soient bien documentés, les causes et les solutions potentielles ne sont pas claires. Quelques chercheurs en autisme rassemblent des données dont ils espèrent qu’elles vont éclairer la raison pour laquelle tant de jeunes adultes dans le spectre ont des difficultés — et ce qu’il leur faudrait pour passer cette transition. « Nous devons connaître ce qui remet les gens sur une voie de mobilité ascendante, » dit Taylor.
Passer la falaise
La période entre 18 et 28 ans est d’une importance critique dans l’établissement des fondations d’une vie adulte. Pour les jeunes gens avec autisme, ces années tendent à être particulièrement difficiles. Plus de 66% des jeunes adultes dans le spectre ne sont pas assurés d’un emploi ou d’une inscription dans des études complémentaires pendant les deux premières années suivant le lycée. Même deux à quatre ans plus tard, près de la moitié ne travaillent toujours pas ni ne sont scolarisés, selon le rapport National Autism Indicators de 2015, produit par la A.J. Drexel Autism Institute de Philadelphie. Et ils ont d’autres difficultés : un jeune adulte dans le spectre sur quatre est isolé socialement, selon le rapport ; un seul sur cinq a vécu indépendamment au début de la vingtaine. Ils sont nombreux à être aussi affectés de deux ou plusieurs maladies physiques ou de santé mentale en plus de l’autisme, ce qui rend difficile le passage de ces étapes de l’âge adulte.
En fait, le nombre limité d’études sur les jeunes adultes avec autisme montrent que nombreux sont ceux qui perdent pied après avoir quitté l’école. Alors que les adolescents avec autisme sont au lycée, leurs traits autistiques tendent généralement à s’améliorer au fil du temps, mais les progrès ralentissent dramatiquement après le diplôme. Dans une étude de 2010, les chercheurs ont découvert qu’une fois que les adolescents ont quitté l’école, toutes les améliorations obtenues dans les comportements répétitifs, les interactions sociales réciproques et la communication stagnent. Pendant ce temps, ceux ayant fait des progrès dans des problèmes de comportement comme les auto-mutilations et l’agressivité régressent. « Nous avons trouvé que, quand ils quittent le lycée, ces améliorations ralentissent beaucoup, voire stoppent dans certains cas, » dit Taylor, qui a dirigé l’étude.
La raison probable, disent Taylor et les autres chercheurs, est que le soutien aux adolescents s’évanouit après l’obtention du diplôme.
Pendant le lycée, 97% des jeunes personnes dans le spectre reçoivent une aide financée par l’État, selon le rapport Drexel, qui se base sur les statistiques du gouvernement. Par exemple, à l’âge de 17 ans, à peu-près 66% des personnes avec autisme reçoivent des services d’orthophonie ; après le lycée, le pourcentage tombe à 10%. De la même façon, la proportion de ceux recevant des soins d’ergothérapie ou de séances d’habiletés sociales passe de plus de la moitié à moins d’un tiers.
Pendant de nombreuses années, ces problèmes n’étaient même pas sous le radar des chercheurs. « Pendant très longtemps, les gens pensaient aux enfants et à la façon d’intervenir pendant l’enfance, » dit Taylor. Ce n’est pas avant ces dix dernières années qu’elle et d’autres chercheurs ont commencé à travailler au comblement de ce manque — et rencontré des obstacles considérables.
Par exemple, l’université Vanderbilt a un programme complet de recherche sur l’autisme, alors quand Taylor a commencé à étudier les jeunes adultes, en 2009, elle pensait qu’il serait facile d’atteindre des participants potentiels à l’étude par le réseau. « Je ne m’attendais pas du tout à ce que ce soit difficile de joindre les familles, » dit-elle. Elle a découvert que, en fait, c’était « incroyablement difficile » et bien plus ardu que de convaincre de jeunes enfants ou leurs familles à participer.
Cela peut être dû au fait que la communauté de l’autisme tend à être plus resserrée parmi les familles avec des enfants plus jeunes. Une fois les enfants plus âgés, les familles peuvent ne pas avoir autant d’incitations à participer à la recherche parce qu’elles n’attendent plus la sorte de ‘solution rapide’ qu’elles peuvent avoir espéré un jour.
Les agences de financement tendent aussi à ne pas être intéressées à encourager des études qui pourraient aider à déterminer pourquoi les années suivant le lycée sont difficiles et confuses, disent les chercheurs. C’est particulièrement vrai des études sur les services destinés à aider les jeunes gens avec autisme à passer vers l’âge adulte.
L’écrasante majorité de la recherche sur l’autisme se concentre sur les enfants. Entre 2008 et 2012, seulement 1% du financement public de la recherche sur l’autisme a été consacré aux difficultés de l’âge adulte, selon le rapport du U.S. Government Accountability Office. « L’accent mis sur le cerveau et la biologie éloigne vraiment de ce type d’études, » dit Catherine Lord, directrice du Center for Autism and the Developing Brain, au New York-Presbyterian Hospital de New York. « Il est très difficile d’obtenir des financements pour une étude qui n’a pas une sorte de marqueur biologique. »
Les agences de financement préfèrent aussi généralement la recherche qui explore les ‘mécanismes’ sous-jacents de l’autisme. Cela implique généralement une approche biologique, ce qui restreint encore le périmètre de la recherche, dit Lord. « La plupart [des scientifiques], quand ils recherchent des mécanismes, recherchent des sujets pouvant être facilement transposés dans les modèles animaux. »
Elle propose que les scientifiques puissent interpréter plus largement l’idée d’un mécanisme, en évaluant des thérapies qui améliorent les compétences conversationnelles ou d’autres aspects de la vie quotidienne. Quelques preuves indiquent que les adultes avec de fortes aptitudes d’adaptation à la vie quotidienne — comme la communication et les compétences sociales, l’hygiène personnelle, la cuisine, le ménage et la capacité à utiliser les moyens de transport collectifs — ont plus de chances d’être employés et d’être mieux intégrés dans leurs communautés que ceux disposant de compétences moins grandes. Mais pour l’heure, peu de recherches ont exploré le fonctionnement adaptatif pendant la transition vers l’âge adulte pour les personnes dans le spectre.
Les jeunes adultes ont participé à de nombreuses études sur l’autisme au fil des ans — de nombreuses études d’images ont scanné leurs cerveaux, par exemple. Mais ces études, bien qu’intéressantes pour les chercheurs, n’ont généralement pas d’impact direct sur la qualité de vie des participants.
Dans certains cas, les jeunes adultes eux-mêmes peuvent être réticents. Isaac Law, pour sa part, ne croit pas qu’il y ait une chose comme l’autisme. « La plupart des personnes catégorisées autistes sont juste de simples excentriques » dit-il. Il rejette le diagnostic et ne trouve aucun intérêt à participer à des études — même si ses deux parents sont des chercheurs en autisme.
Des douleurs grandissantes
En 1990, Lord a commencé à suivre un large groupe d’enfants avec autisme, dès l’âge de deux ans. Sa première intention était de déterminer si il était possible de diagnostiquer aussi tôt l’autisme chez les enfants, d’explorer si le diagnostic restait stable pendant la période de scolarité. Près de 130 personnes, aujourd’hui dans le milieu de leur vingtaine, participent encore à l’étude. « Près de 45 d’entre eux sont verbaux et vraiment capables de parler de ce qui arrive, » dit-elle. Les autres sont intellectuellement handicapés.
Au fil des ans, Lord et ses collègues ont rassemblé des données sur leur comportement, leurs aptitudes d’adaptation à la vie quotidienne, leur réussite scolaire, leurs activités quotidiennes et leurs santés physiques et mentales.
L’équipe a découvert que les aptitudes d’adaptation à la vie quotidienne des personnes ayant à la fois un déficit intellectuel et de l’autisme, continuent à s’améliorer entre 18 et 26 ans. « C’est une des choses qui ont été encourageantes pour nous, » dit-elle. « Ils apprennent encore toutes sortes de choses. » Une des raisons pour cela est que les personnes dans le spectre avec un handicap intellectuel ont accès à une large gamme de services, même après qu’ils aient quitté l’école. « Il existe des endroits où ils peuvent travailler quand ils sortent de l’école, il y a en place des systèmes de services pour les aider à trouver des activités pendant la journée, pour leur trouver des endroits où vivre si ils ne désirent plus résider chez leurs parents ou qu’ils ont besoin d’aide pour pouvoir se déplacer. »
Paradoxalement, l’image est plus sombre pour les jeunes adultes avec autisme d’intelligence moyenne ou supérieure. Certains, qui réussissaient au lycée, semblent s’effondrer en arrivant à l’université, dit Lord. Et ceux qui ne sont pas à l’université ou au travail se débattent pour trouver le moyen de remplir leurs journées soudainement vides. Ces jeunes personnes expriment une plus grande détresse quant à leur situation que ceux affectés d’un handicap intellectuel. Leurs parents sont plus susceptibles de les qualifier d’anxieux ou déprimés en comparaison des parents d’enfants avec à la fois un autisme et une déficience intellectuelle.
« C’est bien plus difficile pour les plus brillants, les plus verbaux avec des problèmes moins graves, » dit Lord. Leurs propres attentes — et celles de leurs parents — sont plus élevées, d’un côté. Mais ils affrontent aussi un changement de style de vie plus abrupt, dit Lord ; ils ne bénéficient plus de la sorte de structure et des soutiens qui ont caractérisé leur années de lycée. Livrés à eux-mêmes pour la première fois de leur vie, nombre d’entre eux sont perdus. Et en dehors de leurs parents, il n’y a personne pour les aider à naviguer cet océan de changements.
Peu d’études ont enquêté sur le type d’aide qui améliorerait vraiment la qualité de vie des personnes dans le spectre. Une analyse de 2012 a identifié 23 études se concentrant sur l’amélioration des services pour les adultes avec autisme ; dans 12 d’entre-elles, l’âge moyen était de 30 ans ou moins. La plupart de ces études se concentraient exclusivement sur l’emploi, la formation et la recherche des compétences d’employabilité ou le soutien à des personnes disposant déjà d’un emploi. Aucune d’entre-elles n’explorait le groupe de services dont pourraient avoir besoin les personnes avec autisme, des services médicaux et psychiatriques aux déplacements. Les États payaient rarement pour l’encadrement de la gestion de tels services, pour les personnes de plus de 18 ans sans handicap intellectuel.
Lord dit qu’un des grands problèmes avec la recherche sur les jeunes adultes est qu’il est difficile de définir ce qui peut être qualifié de bon résultat pour une jeune personne dans le spectre. Une jeune femme brillante avec autisme pourrait trouver un emploi qui ne correspond pas à ses qualifications universitaires — mais cela devrait-il être automatiquement considéré comme un échec ? Si son travail lui plait ?
« Cela nous gêne parce qu’il semble très arrogant de notre part de dire, ‘C’est une réussite,’ » dit Lord. « C’est une part de la complexité de ce type de recherche. »
Ces jeunes personnes ont leurs propres priorités pour la sorte de recherche qu’ils croient devoir être financée, elles différent souvent largement de ce que penseraient les chercheurs ou les agences de financement. « Pour nos adultes indépendants, une des principales priorités est les services d’emploi : un meilleur système de soutien dans l’environnement de travail, » dit Kiely Law, qui a participé en 2015 à un sondage sur près de 400 adultes avec autisme et leur soignants dans le Interactive Autism Network. Le sondage incluait des personnes entre 18 et 71 ans, la plupart trentenaires, mais tous, à tous âges, étaient d’accord sur ce point.
Une autre priorité était les opportunités de formation après le lycée, et la nécessité d’un soutien spécial dans cet environnement, dit Law. Une étude informelle menée l’année dernière avec un comité consultatif communautaire a mis en évidence des préoccupations identiques. Hormis l’accès à des fournisseurs de santé mentale, les personnes dans le spectre ont identifié leurs priorités de recherche comme étant le travail, l’éducation, le harcèlement et la discrimination, plutôt que la recherche bio-médicale. Mais sans études basées sur les preuves évaluant le coût et l’efficacité de tels programmes, il est peu probable que la puissance publique les finance.
Les participants à l’étude ont aussi mentionné la difficulté à trouver des fournisseurs de santé — particulièrement des spécialistes de santé mentale — compétents pour travailler avec des adultes dans le spectre. Une fois encore, toutefois, il y a peu d’informations sur la façon dont la médication et d’autres traitements pour l’anxiété, la dépression et les troubles du déficit de l’attention — tous courants chez les personnes dans le spectre — devraient être fournis aux adultes avec autisme. « La recherche sur les politiques de santé a plus a offrir à ce groupe de personnes, » dit Law.
Y travailler
Sara et Abby Alexis, deux jumelles de 24 ans, ont toutes deux un autisme. Abby suit un cours au collège communautaire et travaille un jour par semaine dans un salon de coiffure, où elle plie les vêtements, balaye les cheveux et fait la vaisselle. Elle vient de commencer un nouveau travail dans un café. Sara vient de finir une classe d’art en formation continue et a deux emplois à mi-temps : plier les serviettes dans une salle de sports et emballer des savons dans une entreprise de produits de soins personnels. Elles sont deux parmi les rares à avoir trouvé des emplois qui leur conviennent — grâce à un programme lancé par des parents ayant résolu par eux-mêmes le problème de la falaise (des services).
Les soeurs ont obtenu leurs emplois par l’intermédiaire d’Itineris, un programme communautaire créé en 2009 par neuf familles de Baltimore ayant réalisé qu’après l’obtention de leur diplôme de lycée, il n’y aurait plus de services spécialisés disponibles pour assister leurs enfants dans le spectre à devenir plus indépendants. En plus de fournir une formation professionnelle, l’équipe d’Itineris organise des sorties pour les 70 jeunes du programme dans des restaurants, des parcs d’amusement, au cinéma ou au bowling.
Abby et Sara aiment toutes les deux Itineris. « C’est bien de se faire des amis et de se socialiser, » dit Sara. Abby a un petit ami, rencontré à Itineris, et d’autres nombreux amis. Elle espère emménager dans un appartement avec sa plus grande soeur dans un an ou deux et devenir encore plus indépendante. « Je veux que les gens me traitent comme une adulte, pas comme un gosse, » dit-elle. Avoir un emploi payé 9$US de l’heure en fait partie.
Les chercheurs tendent à se concentrer sur l’emploi des jeunes adultes avec autisme pour une raison simple. « Nous trouvons que pour beaucoup de gens, l’emploi n’est pas qu’une (histoire de) paie. C’est des opportunités d’inclusion sociale, la rencontre d’autres personnes, d’une expression personnelle et de formation de l’identité, » dit Paul Shattuck, directeur du programme de recherche the Life Course Outcomes au A.J. Drexel Autism Institute.
Mais sans l’aide d’une association comme Itineris, trouver un travail est difficile — et le conserver encore plus ardu. Bien que près de la moitié des jeunes adultes dans le spectre travaillent pour un salaire à un moment après le lycée, seulement un sur cinq travaille à plein temps, avec un salaire moyen de 8$US de l’heure. Leurs taux d’emploi sont plus bas que ceux des personnes avec des handicaps du langage, des difficultés d’apprentissage ou de seuls déficits intellectuels.
Les jeunes adultes avec autisme sont plus susceptibles de travailler pour un salaire si, comme Abby et Sara, ils sont issus de foyers avec des revenus moyens à supérieurs, ont des capacités de conversation et de fonctionnement correctes. Toutefois, trouver un emploi ou être inscrit dans une école n’est pas la garantie d’un emploi correct ou de l’obtention d’un diplôme. Une étude de 2015 basée sur 73 jeunes adultes a montré que 49 d’entre eux travaillaient ou suivaient une forme d’études supérieures, généralement des cours d’université, à un moment pendant les douze années suivant l’obtention du diplôme de fin d’études secondaires. Toutefois, seulement 18 d’entre eux étaient employés régulièrement ou scolarisés pendant tout cette période. Seulement 3 des 31 personnes diplômées de l’université ont trouvé des emplois dans le champ de leur formation ; la plupart restaient sans emploi ou assuraient des emplois non-qualifiés dans la restauration, le commerce ou la maintenance.
Pour les jeunes gens de la classe ouvrière et des familles pauvres, le chômage n’est pas vraiment une option, ajoute Shattuck. L’année dernière, lui et ses collègues ont lancé un partenariat avec les écoles publiques de Philadelphie et un service social de l’État pour fournir des stages à plein temps et des formations professionnelles à des jeunes avec autisme. Le programme est conçu pour les personnes avec des déficiences intellectuelles ; un participant est non-verbal, dit-il. Toutefois, leurs familles attendent d’eux qu’ils assurent un emploi rémunéré quelconque. La plupart des participants sont afro-américains et sont issus de familles aux moyens modestes, dit Shattuck. Les familles doivent participer au programme. « Plus important, chaque jeune doit exprimer une volonté claire et un intérêt pour le travail et l’apprentissage, » dit-il.
Les participants — seulement 8 jusqu’à maintenant — alternent des stages à la librairie ou dans d’autres services du campus de l’université Drexel, avec l’objectif d’acquérir des compétences qu’ils puissent transférer dans de futurs emplois. « Ce ne sont pas des positions de travail aidé, » dit Shattuck. Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer la capacité du programme à aider les participants à conserver un emploi, Shattuck dit que les employeurs sont satisfaits pour l’instant. « Nous avons reçu beaucoup de soutien de l’équipe de Drexel et des encadrants. »
Les chercheurs espèrent étendre le programme l’année prochaine. Le financement provient d’agences de l’État et de la ville, qui fournissent déjà des soutiens aux adultes avec des déficiences intellectuelles, ce qui veut dire que « c’est neutre budgétairement pour ces agences, » dit Shattuck. Cela devrait faciliter déploiement du programme dans d’autres villes et États.
La recherche limitée sur les jeunes adultes avec autisme rend difficile la promotion de services supplémentaires pour eux, dit Shattuck. Les législateurs et leurs équipes posent tous la même question : Quelle proportion de jeunes dans le spectre seraient capables de vivre indépendamment, quelle proportion requerra une aide importante pour le reste de leur vie ?
« Nous n’avons pas le bon format, l’infrastructure, les outils pour même répondre à ces questions simples, » dit-il.
De nouveaux départs
Un jour, quand le fils de Renee Gordon a eu 21 ans, il a sauté d’une voiture en marche au milieu de l’autoroute. Pour le maîtriser, la police l’a finalement jeté au sol et menotté. L’incident a été le sommet d’une mauvaise période pour Alex, qui a un autisme, est déficient intellectuel et non-verbal. Son anxiété est devenue particulièrement intense à la suite d’une série de changements importants, dont le départ d’un soignant de longue date et la perte d’amis d’école. Après l’incident, ses parents, approchant de la retraite, ont décidé qu’ils ne pouvaient plus fournir à Alex l’environnement structuré dont il avait besoin à la maison. Ils se préoccupaient du fait qu’il aurait des difficultés à s’adapter, mais cette expérience a révélé que pour les personnes avec autisme, le changement et l’évolution peuvent s’étendre bien au-delà de l’adolescence.
Alex a déménagé dans un foyer collectif en juin 2014, il y vit désormais avec deux autres hommes handicapés et leur soignant. Gordon est étonnée par les changements survenus chez son fils. « Cela a été la transition la plus extraordinaire pour lui, » dit-elle. « Il est bien plus indépendant, bien plus flexible. »
Alex nécessite toujours une assistance constante. Mais il a appris à fermer son manteau et ses pantalons, est bien moins difficile pour la nourriture, est bénévole pour Meals on Wheels et participe à des réunions sociales, avec ses colocataires et d’autres pairs, dont une excursion à la plage et une soirée mensuelle à la League for People With Disabilities. Enfin il a des amis.
« Nous pensons que parce que l’école cesse à 18 ou 21 ans, c’est la fin de l’apprentissage, » dit Gordon. Mais en voyant les changements chez son fils, se souvenant des témoignages entendus d’autres parents pendant des années sur les grands progrès effectués par leurs enfants adultes pendant la vingtaine, elle se demande si le jeune âge adulte ne pourrait pas être la période idéale pour l’apprentissage de nouvelles compétences.
Shattuck dit que lui aussi en a entendu beaucoup de ces témoignages ‘de seconde main’ de parents au sujet de leurs enfants adultes avec autisme dans la vingtaine ou la trentaine. Cela le mène à réfléchir à deux questions fondamentales : Quelles sont les conditions facilitant ces progrès inattendus — que se passe-t-il dans le développement du cerveau qui le permettrait ?
Shattuck ne considère pas la recherche de base et les études de services comme contradictoires. La compréhension de la façon dont la maturation et l’avancée en âge se déroule chez les personnes avec autisme tout au long de la vie, dit-il, améliorera leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie, tout en contribuant à la compréhension des mécanismes au niveau biologique. « Cela n’a pas à être l’une ou l’autre, » dit-il. « L’argument que j’essaie de passer quand je parle à des collègues scientifiques est : Oui, il y a clairement un décalage entre ce que la communauté voudrait voir financé et ce qui l’est vraiment. Mais je pense que c’est une erreur de conclure qu’il doit y avoir une différence entre les deux objectifs. »
Gordon, qui est mariée à un neurologue, est d’accord. Les études biologiques sont importantes ; comme l’est la recherche sur les soutiens dont les jeunes adultes comme son fils ont besoin maintenant, dit-elle. « Je voudrais plus de recherche sur la façon d’assurer à ces personnes des vies heureuses et gratifiantes. »
Pour Isaac Law, le bonheur et la réalisation sont représentés par sa bande dessiné Internet, qu’il espère publier en août 2018, à l’ouverture du Museum of Science Fiction, à Washington D.C. Son rêve est d’être rémunéré pour son travail de dessinateur. « Je préférerais ne pas avoir de travail à nouveau, » dit-il. « Je voudrais me concentrer sur ma bande dessinée si possible. »
La bande dessinée est une comédie de potes, centrée sur deux amis inséparables. Law dit qu’il n’a pas lui-même un tel ami. Le personnage de Lexis est basé sur son cousin, mais, admet-il, « nous ne nous parlons aussi souvent que nous le devrions probablement. »
Syndication : cet article a été republié dans Slate.
Traduction par PY.
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Re: Sur les adultes autistes
L’habitude cachée de l’autisme
La sagesse traditionnelle tient que les personnes avec autisme ne sont pas dépendants à l’alcool ou à d’autres drogues, mais de nouvelles preuves suggèrent une autre réponse.
Autism’s hidden habit
https://spectrumnews.org/features/deep- ... den-habit/
par Maia Szalavitz - 1er mars 2017
La toxicomanie de Shane Stoner a commencé en 2008. Il a perdu son travail à l’usine, ses parents ont divorcé, son père meurt — alors un proche l’a initié à l’héroïne. « J’avais l’impression que l’héroïne m’apportait de la confiance, » dit Stoner. « Je pouvais me lever le matin et passer la journée. Quoi qu’il arrive, c’était comme si tout se passerait bien. » Ça effaçait son anxiété constante.
Stoner, aujourd’hui âgé de 44 ans, est finalement entré en détoxication en 2013, après avoir été arrêté pour un vol de cuivre dans une maison abandonnée. Il était alors évident qu’il était accro à l’héroïne. Mais il faudra plusieurs années avant qu’il n’obtienne le diagnostic qui allait vraiment l’aider à se comprendre : l’autisme.
La nouvelle étiquette est apparue comme un soulagement. Elle expliquait la sensibilité de Stoner à des choses comme les étiquettes de ses t-shirts, la succession de ses intérêts obsessionnels. Elle éclairait la raison pour laquelle il a connu tant de difficultés à s’intégrer pendant l’enfance, les problèmes avec ses colocataires à l’université — et pourquoi, adulte, il persistait à connaître des difficultés dans les relations sociales. « Je n’arrive pas à croire que personne n’y ait pensé plus tôt, parce que j’ai commencé à regarder en arrière. Il y a des photos de moi, à trois ans, battant des mains. »
Stoner est sobre depuis trois ans maintenant. « J’aime mon autisme, maintenant que je sais ce que c’est, » dit-il. « Je n’en aime pas tout — l’anxiété, j’aime pas — mais c’est comme si tout prenait sens. »
Jusqu’à récemment, les chercheurs tenaient que l’addiction est rare parmi les personnes avec autisme, bien qu’il n’y avait pas tant de preuves sérieuses de ce fait. Il semblait plausible, toutefois : de nombreuses personnes avec autisme avaient un penchant pour un suivi strict des règles, ce qui semblait les rendre moins susceptibles d’essayer l’alcool ou des drogues illégales. Parce que les personnes avec autisme sont souvent isolées de leurs pairs, cela peut les protéger de la pression de l’entourage pouvant mener à une expérimentation dans la jeunesse. Et les nombreuses personnes diagnostiquées d’un autisme il y a quelques dizaines d’années avaient des symptômes sévères ; une personne qui ne peut pas vivre par elle-même a moins d’opportunités de devenir accro.
Toutefois, une nouvelle étude suédoise suggère que les personnes avec autisme ayant un quotient intellectuel (QI) moyen ou supérieur sont plus de deux fois plus susceptibles de devenir dépendants à l’alcool ou à d’autres drogues que leurs pairs. Le risque est même encore plus élevé pour les personnes ayant aussi un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Cette étude est la première à observer le risque général d’addiction parmi les personnes avec autisme.
Une autre recherche trouve aussi des équivalences biologiques et psychologiques inattendues entre les deux états. « Ces deux champs se sont vraiment développés indépendamment, mais je pense qu’il pourrait y avoir là beaucoup de fertilisation croisée, » dit Patrick Rothwell, professeur assistant de neurosciences à l’université de Minnesota Twin Cities de Minneapolis. En 2016, Rothwell a ouvert un laboratoire étudiant les parallèles biologiques et comportementaux entre l’addiction et l’autisme.
Il existe des similitudes dans la façon dont les personnes avec l’une ou l’autre des pathologies font usage des comportements répétitifs pour réagir aux problèmes émotionnels, comme leur impulsivité ou leurs compulsions. Les deux maladies affectent certaines régions identiques du cerveau et impliquent certains gènes identiques. Ces connexions encouragent un nouveau champ de recherche qui pourrait finalement aider à l’amélioration à la fois des soins pour l’autisme et le traitement et la prévention de l’addiction.
De nouveaux chiffres
Pendant la plus grande partie du XXème siècle, la plupart des personnes recevant un diagnostic d’autisme étaient dans la partie la plus sévère du spectre. Dans cette population largement non-verbale, l’addiction semblait improbable. Mais en 1994, quand le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders a intégré la catégorie du syndrome d’Asperger, le spectre s’est étendu à des personnes ayant bien plus d’opportunités d’accéder à l’alcool et à d’autres drogues. Pourtant, pendant des années, le postulat perdurait que l’addiction était un problème pouvant être sans risque ignoré par la communauté de l’autisme .
Quand Espen Arnevik a étudié la littérature,pour un article publié l’année dernière, il n’a trouvé que 18 études ayant abordé le chevauchement de l’autisme et de l’addiction. Elles étudiaient principalement des échantillons sélectionnés — comme les personnes suivant un traitement pour l’addiction, ou celles rattrapées par le système judiciaire — plutôt que la population générale.
Arnevik a découvert que la prévalence combinée de l’alcoolisme et de l’addiction chez les personnes avec autisme s’étendait entre 0,7 et 36%. Les données étant si variées, l’intervalle ne pouvait pas être réduit. Globalement toutefois, « la plupart des études suggéraient une prévalence significativement inférieure à celle de la population générale, » dit Arnevik, professeur associé de psychologie à l’université d’Oslo, en Norvège. Aux États-Unis, la prévalence de l’alcoolisme au cours de la vie est de 14% ; pour les addictions à d’autres substances, les chiffres tournent autour de 2 à 3% (il y a un petit chevauchement entre les deux groupes).
Étant donnée l’impression dominante que l’addiction est peu commune parmi les personnes avec autisme, les résultats de l’étude suédoise ont surpris beaucoup de gens. L’étude a analysé les dossiers du registre de la Santé des 1,3 millions de Suédois nés entre 1973 et 2009, identifié 26 986 personnes diagnostiquées d’un autisme. Les chercheurs ont aussi déterminé parmi le nombre de personnes avec autisme celles ayant un diagnostic complémentaire de déficience intellectuelle, d’utilisation de drogues ou de TDAH.
Globalement, les chercheurs ont découvert qu’un diagnostic d’autisme double le risque d’addiction. Le risque élevé est concentré sur les individus ayant un QI de 100 ou supérieur. Mais dans le spectre, le TDAH est un multiplicateur de risque important : parmi les personnes avec autisme et déficience intellectuelle, le TDAH multiplie par quatre le risque d’addiction ; parmi celles avec un QI dans la norme ou supérieur, le TDAH multiplie par huit le risque.
Les parents et les frères et soeurs de personnes avec autisme connaissent aussi un risque plus élevé d’addiction, ce qui suggère un lien génétique.
Ces résultats ne contredisent pas nécessairement les données précédentes montrant un risque d’addiction plus faible chez les personnes avec autisme, dit Paul Lichtenstein, professeur d’épidémiologie génétique à l’institut Karolisnska, en Suède, qui a participé à l’étude. La leçon principale, dit-il, est que le risque varie selon le niveau de capacité intellectuelle. Les recherches précédentes intégraient une partie bien plus importante de personnes avec déficience intellectuelle, ce qui a pu biaiser les résultats.
D’un autre côté, l’autisme est souvent diagnostiqué plus tardivement en Suède qu’aux États-Unis, la proportion de personnes à l’extrémité la plus bénigne du spectre peut être plus importante. Ce qui pourrait faire paraitre plus grande qu’elle ne l’est l’augmentation du risque d’addiction, note Jeremy Veenstra-VanderWeele, professeur associé de psychiatrie à l’université Columbia. « Je voudrais voir si les résultats de cet article se maintiendraient quand [l’autisme] suit le schéma typique d’une reconnaissance relativement précoce, plutôt qu’un diagnostic assez tardif. » Une autre possibilité : étant donnée la grande variété des personnes dans le spectre, il est possible que certains types d’autisme augmentent le risque, alors que d’autres le réduisent.
Les résultats suédois ont été une surprise moindre pour les personnes avec autisme. Matthew Tinsley, aujourd’hui âgé de 55 ans, a toujours fait appel à l’alcool et aux médicaments pour réduire son anxiété. Tinsley est l’auteur de Asperger Syndrome and Alcohol: Drinking to Cope, un des rares livres sur le sujet. (Il est sobre depuis 2004.) Dès un jeune âge, il prenait les médicaments contre l’anxiété de sa mère quand il se sentait dépassé. « Je me trouvais dans des groupes de personnes très stressants, » dit-il.
À l’université, il a découvert que l’alcool servait aussi à faciliter la socialisation. « Tout le monde buvait, c’était socialement acceptable, si vous buvez, vous vous intégrez, parce que tout le monde le fait, » dit-il. « Ça a levé un interdit. » Parvenu à la quarantaine, ajoute Tinsley, il buvait des doses « létales » d’alcool : trois litres de gin quotidiens. Ça l’a mené à la cirrhose, puis à une désintoxication en 2004. Comme dans le cas de Stoner, son diagnostic d’autisme en 2005 est arrivé comme un soulagement. Une fois réalisé qu’il y avait une explication à ses difficultés sensorielles et sociales, il a commencé à être moins exigeant avec lui-même et a trouvé des moyens plus sains de réagir.
Le lien entre l’autisme et l’addiction n’est pas non plus une surprise pour les cliniciens travaillant avec des personnes dans le spectre. Valerie Gaus, une psychologue de New York, dit de ses clients avec autisme ayant des problèmes de drogue ou d’alcool que les plus âgés boivent, quand les plus jeunes tendent à utiliser de la marijuana.
Eric Hollander a identifié un schéma similaire. Toutefois, il dit traiter plus d’addictions comportementales, comme le jeu. « Je travaille avec beaucoup de gens [avec autisme] qui ont toutes sortes de comportements impulsifs, » dit Hollander, directeur du Autism and Obsessive Compulsive Spectrum Program à l’école de médecine Albert Einstein, à New York. « En fait, c’est l’un des objectifs principaux quand les gens arrivent pour un traitement. Soit ils ont perdu le contrôle au niveau des achats en ligne, du jeu, ou ils sont simplement accros à l’Internet. »
Hollander a étudié les similarités entre le trouble obsessionnel compulsif, l’addiction et les comportements impulsifs et compulsifs que connaissent les personnes avec autisme. Il propose que ces pathologies, toutes caractérisées par des pensées et des comportements répétitifs, devraient être rassemblées dans les troubles du spectre obsessionnel compulsif des indications de diagnostic.
L’impulsivité — agir rapidement sans réfléchir — et la compulsion, ou l’incapacité à quitter une activité une fois qu’elle a commencé, sont tous deux des problèmes d’auto-contrôle, ou de la fonction exécutive. L’impulsivité est fortement liée au risque d’addiction ; l’addiction est définie comme un usage compulsif de drogue persistant, en dépit des conséquences négatives. Les personnes avec autisme montrent des signes d’impulsivité et de compulsion. Par exemple, elles s’engagent fréquemment dans des comportements répétitifs, compulsifs — qualifiés de stimming — pour répondre à un manque ou un trop-plein de stimulation sensorielle. Dans le cas de l’addiction, différents types de drogues addictives peuvent augmenter ou réduire la sensation.
Tanea Paterson, une mère de deux enfants vivant en Nouvelle Zélande, a pris des drogues pour affronter le stress social, mais aussi pour faire face à ses problèmes sensoriels. Un mélange d’héroïne et d’autres opiacées illégales, sa drogue préférée, « abaissait mes sens à un niveau plus supportable, » dit-elle. L’usage de drogues lui donnait aussi des routines, dit-elle. « Elles étaient prévisibles dans un monde incertain. » Paterson s’est débarrassée de sa toxicomanie il y a plus de dix ans déjà, mais n’a pas découvert son autisme avant 2015. Son fils avait déjà été diagnostiqué d’un autisme, elle a convaincu son thérapeute de l’évaluer elle. Pour Paterson aussi, le diagnostic a apporté un soulagement : « Ça a été la libération de tant de culpabilité et de honte, de tant et tant de façons, » dit-elle.
Paterson a été harcelée et exclue à l’adolescence, avant qu’elle ne rencontre des camarades prenant de la marijuana et l’acceptant plus facilement. Dans ce groupe, elle se sentait plus en sécurité, dit-elle. D’autres personnes avec autisme et addiction signalent aussi que la culture de la drogue les aide à se sentir acceptés : un comportement inhabituel est attendu de quelqu’un sous l’effet de la drogue, ils ne déparent donc pas.
Des liens plus profonds
L’addiction est connue pour être reliée à des modifications dans le striatum, une région centrale du cerveau impliquée dans le plaisir, la motivation et les comportement habituels. Pendant une période d’addiction, le contrôle sur le comportement dû à la drogue glisse d’une région du striatum à une autre. Avant que la prise de drogue ne se transforme en addiction, l’activité du cerveau causée par la drogue se déroule principalement dans la zone ventrale, impliquée dans la motivation et la recherche du plaisir. À ce stade, les gens prennent principalement des drogues parce qu’elles leur apportent du confort ou une jouissance. La région ventrale semble particulièrement connectée aux comportements impulsifs. Mais alors que l’addiction progresse, certaines actions se déplacent vers le striatum dorsal, une région impliquée dans l’automatisation de comportements en des structures plus programmées, pouvant être désactivées par des signaux spécifiques. Cette automatisation peut être utile quand elle traite un pas de danse complexe ou d’autres compétences en une action unique, voulue — mais elle peut aussi créer une compulsion qui, une fois libérée, devient difficile à contenir.
La compulsion peut être un usage de drogue, mais elle peut aussi être les comportements répétitifs de l’autisme. Dans les deux cas, le striatum dirige le comportement persistant. Il est possible que chez les personnes avec autisme ou addiction, le striatum est plus susceptible de se bloquer dans un schéma répétitif. « [Les schémas comportementaux] deviennent très difficiles à modifier une fois qu’ils sont bien établis, » dit Rothwell, qui fait partie des quelques chercheurs étudiant à la fois l’autisme et l’addiction. « C’est vraiment un concept que je pense être très pertinent à la fois pour les symptômes répétitifs de l’autisme et les schémas habituels de l’addiction. »
Paterson, la femme de Nouvelle Zélande qui a utilisé des opiacées, dit qu’elle retrouve ces schémas dans son propre comportement : « Je pense à l’inertie autistique — ne pas commencer, ne pas arrêter — qui apaise pour la régularité, la prédictabilité et les obsessions. »
L’addiction et l’autisme pourraient aussi partager des connexions génétiques. Par exemple, Rothwell a découvert que NLGN3, un gène candidat pour l’autisme, est très actif dans le nucleus accumbens, une région du striatum ventral liée au désir et à l’usage de drogue. « C’était frappant parce que c’est aussi un endroit très important pour l’addiction, » dit Rothwell.
La région chromosomique 16p11.2 est supprimée dans certains cas d’autisme — et les souris privées de cette région montrent un accroissement du nucleus accumbens. CNTNAP4, un autre gène candidat de l’autisme, est aussi actif dans le striatum ; les souris privées de cette protéine ont des niveaux élevés de dopamine dans le nucleus accumbens, un état du cerveau commun au début de l’addiction.
Il y a aussi des connexions neurochimiques intéressantes entre l’autisme et l’addiction. Les interactions entre l’oxytocine, la dopamine et les opiacées naturelles du cerveau dans le striatum apparaissent être importantes dans les deux pathologies : on pense que l’oxytocine connecte la mémoire des personnes spécifiques au plaisir, créant de ce fait des liens sociaux. Ce processus pourrait se perturber chez certaines personnes avec autisme, ils pourraient trouver la socialisation sans intérêt ou déplaisante. Il pourrait y avoir ici aussi des parallèles avec l’addiction. Les personnes avec addiction indiquent souvent le sentiment que la connexion sociale est difficile ou même impossible, jusqu’à ce qu’ils trouvent un soulagement dans les drogues.
L’addiction affecte aussi le système opioïde endogène du cerveau, qui produit l’expérience du plaisir et du confort que la plupart des gens ressentent en se socialisant. Les souris dépourvues des gènes impliqués dans ce système sont moins sociables qu’à l’habitude et s’engagent dans des comportements stéréotypés rappelant l’autisme. « Il y a des données très intéressantes qui suggèrent qu’il pourrait exister une déficience dans la signalisation opioïde pouvant être un facteur de l’autisme, » dit Rothwell.
Les gènes impliqués dans les maladies, liées à l’autisme, du syndrome de Rett et du syndrome de l’X fragile sont aussi apparus dans la recherche sur l’addiction. Les neuroscientifiques ont été surpris de découvrir que MeCP2 — qui mute dans le syndrome de Rett — devient très actif dans le cerveau quand on donne aux rats de grandes quantités de cocaïne. FMR1, le gène mutant dans le syndrome de l’X fragile, semble avoir une relation similaire à l’addiction à la cocaïne.
Une meilleure compréhension des connexions entre l’autisme et l’addiction pourrait fournir des ouvertures thérapeutiques importantes pour les deux, dit Robert Malenka, professeur de psychiatrie à l’université de Stanford, en Californie, qui a travaillé avec Rothwell pour la recherche sur le NLGN3. « Les cliniciens dans un champ devraient porter attention à ce qu’il se passe dans l’autre, » dit-il.
La recherche sur l’autisme et l’addiction a déjà convergé en un médicament : le baclofen, un médicament approuvé aux États-Unis pour le traitement des spasmes musculaires. Une version du baclofen est à l’essai pour le traitement de l’autisme et du syndrome lié de l’X fragile. Ce médicament est aussi largement utilisé en France pour le traitement de l’alcoolisme, bien que des essais cliniques aient montré des résultats mitigés. La recherche pré-clinique suggère qu’il pourrait aider à traiter l’addiction aux opiacés et à la cocaïne.
Toutefois, pour les personnes dans le spectre ayant des addictions aujourd’hui, obtenir de l’aide peut être difficile. Il n’existe pas une seule étude sur les meilleures pratiques pour le traitement de ces personnes. En fait, il y a des raisons de penser que la plupart des traitements de l’addiction sont peu adaptés aux personnes avec autisme.
La thérapie de l’addiction se déroule principalement dans des sessions de groupe, avec des règles strictes demandant aux membres de participer et d’exprimer leurs problèmes émotionnels. Les personnes avec autisme pourraient répondre à ces attentes par de la colère ou de l’anxiété, pouvant être interprétée comme de la défiance par les conseillers. Pour les personnes que le système judiciaire force à participer, une impossibilité de s’y conformer peut même mener à l’incarcération.
Stoner, quant à lui, dit qu’il a eu des difficultés avec la désintoxication parce qu’il devait passer plusieurs heures en thérapie de groupe et programmes 12 étapes, dont les Toxicomanes Anonymes et les Alcooliques Anonymes. « Ça a vraiment été difficile de faire ça, » dit-il. Quand il devait parler devant un groupe ou à une réunion des Alcooliques Anonymes, « mon esprit devient vide », dit-il. Il a eu aussi des difficultés à se connecter aux autres membres. Il a été rejeté deux fois avant de trouver quelqu’un qui soit son sponsor ou mentor de désintoxication.
Considérant ces difficultés, les programmes d’aide aux personnes avec autisme ayant des addictions pourraient devoir moins se baser sur les thérapies de groupe et plus sur un soin personnalisé.
Stoner travaille désormais comme pair spécialiste au Kenmore Club, un projet financé par le gouvernement du Rappahannock Area Community Services Board de Fredericksburg, en Virginie. Il dit que l’approche plus personnelle de l’organisation est plus adaptée à ses besoins. L’équipe forme les personnes avec différentes formes de handicaps de développement et psychiatriques à l’entraide. Jusqu’à ce que plus de recherche soit faite, dit-il, les personnes avec autisme et addiction devront trouver leur propre voie vers les meilleurs soins.
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Cet article a été repris dans The Atlantic
Traducion par PY -tous les liens dans l'article original
La sagesse traditionnelle tient que les personnes avec autisme ne sont pas dépendants à l’alcool ou à d’autres drogues, mais de nouvelles preuves suggèrent une autre réponse.
Autism’s hidden habit
https://spectrumnews.org/features/deep- ... den-habit/
par Maia Szalavitz - 1er mars 2017
La toxicomanie de Shane Stoner a commencé en 2008. Il a perdu son travail à l’usine, ses parents ont divorcé, son père meurt — alors un proche l’a initié à l’héroïne. « J’avais l’impression que l’héroïne m’apportait de la confiance, » dit Stoner. « Je pouvais me lever le matin et passer la journée. Quoi qu’il arrive, c’était comme si tout se passerait bien. » Ça effaçait son anxiété constante.
Stoner, aujourd’hui âgé de 44 ans, est finalement entré en détoxication en 2013, après avoir été arrêté pour un vol de cuivre dans une maison abandonnée. Il était alors évident qu’il était accro à l’héroïne. Mais il faudra plusieurs années avant qu’il n’obtienne le diagnostic qui allait vraiment l’aider à se comprendre : l’autisme.
La nouvelle étiquette est apparue comme un soulagement. Elle expliquait la sensibilité de Stoner à des choses comme les étiquettes de ses t-shirts, la succession de ses intérêts obsessionnels. Elle éclairait la raison pour laquelle il a connu tant de difficultés à s’intégrer pendant l’enfance, les problèmes avec ses colocataires à l’université — et pourquoi, adulte, il persistait à connaître des difficultés dans les relations sociales. « Je n’arrive pas à croire que personne n’y ait pensé plus tôt, parce que j’ai commencé à regarder en arrière. Il y a des photos de moi, à trois ans, battant des mains. »
Stoner est sobre depuis trois ans maintenant. « J’aime mon autisme, maintenant que je sais ce que c’est, » dit-il. « Je n’en aime pas tout — l’anxiété, j’aime pas — mais c’est comme si tout prenait sens. »
Jusqu’à récemment, les chercheurs tenaient que l’addiction est rare parmi les personnes avec autisme, bien qu’il n’y avait pas tant de preuves sérieuses de ce fait. Il semblait plausible, toutefois : de nombreuses personnes avec autisme avaient un penchant pour un suivi strict des règles, ce qui semblait les rendre moins susceptibles d’essayer l’alcool ou des drogues illégales. Parce que les personnes avec autisme sont souvent isolées de leurs pairs, cela peut les protéger de la pression de l’entourage pouvant mener à une expérimentation dans la jeunesse. Et les nombreuses personnes diagnostiquées d’un autisme il y a quelques dizaines d’années avaient des symptômes sévères ; une personne qui ne peut pas vivre par elle-même a moins d’opportunités de devenir accro.
Toutefois, une nouvelle étude suédoise suggère que les personnes avec autisme ayant un quotient intellectuel (QI) moyen ou supérieur sont plus de deux fois plus susceptibles de devenir dépendants à l’alcool ou à d’autres drogues que leurs pairs. Le risque est même encore plus élevé pour les personnes ayant aussi un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Cette étude est la première à observer le risque général d’addiction parmi les personnes avec autisme.
Une autre recherche trouve aussi des équivalences biologiques et psychologiques inattendues entre les deux états. « Ces deux champs se sont vraiment développés indépendamment, mais je pense qu’il pourrait y avoir là beaucoup de fertilisation croisée, » dit Patrick Rothwell, professeur assistant de neurosciences à l’université de Minnesota Twin Cities de Minneapolis. En 2016, Rothwell a ouvert un laboratoire étudiant les parallèles biologiques et comportementaux entre l’addiction et l’autisme.
Il existe des similitudes dans la façon dont les personnes avec l’une ou l’autre des pathologies font usage des comportements répétitifs pour réagir aux problèmes émotionnels, comme leur impulsivité ou leurs compulsions. Les deux maladies affectent certaines régions identiques du cerveau et impliquent certains gènes identiques. Ces connexions encouragent un nouveau champ de recherche qui pourrait finalement aider à l’amélioration à la fois des soins pour l’autisme et le traitement et la prévention de l’addiction.
De nouveaux chiffres
Pendant la plus grande partie du XXème siècle, la plupart des personnes recevant un diagnostic d’autisme étaient dans la partie la plus sévère du spectre. Dans cette population largement non-verbale, l’addiction semblait improbable. Mais en 1994, quand le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders a intégré la catégorie du syndrome d’Asperger, le spectre s’est étendu à des personnes ayant bien plus d’opportunités d’accéder à l’alcool et à d’autres drogues. Pourtant, pendant des années, le postulat perdurait que l’addiction était un problème pouvant être sans risque ignoré par la communauté de l’autisme .
Quand Espen Arnevik a étudié la littérature,pour un article publié l’année dernière, il n’a trouvé que 18 études ayant abordé le chevauchement de l’autisme et de l’addiction. Elles étudiaient principalement des échantillons sélectionnés — comme les personnes suivant un traitement pour l’addiction, ou celles rattrapées par le système judiciaire — plutôt que la population générale.
Arnevik a découvert que la prévalence combinée de l’alcoolisme et de l’addiction chez les personnes avec autisme s’étendait entre 0,7 et 36%. Les données étant si variées, l’intervalle ne pouvait pas être réduit. Globalement toutefois, « la plupart des études suggéraient une prévalence significativement inférieure à celle de la population générale, » dit Arnevik, professeur associé de psychologie à l’université d’Oslo, en Norvège. Aux États-Unis, la prévalence de l’alcoolisme au cours de la vie est de 14% ; pour les addictions à d’autres substances, les chiffres tournent autour de 2 à 3% (il y a un petit chevauchement entre les deux groupes).
Étant donnée l’impression dominante que l’addiction est peu commune parmi les personnes avec autisme, les résultats de l’étude suédoise ont surpris beaucoup de gens. L’étude a analysé les dossiers du registre de la Santé des 1,3 millions de Suédois nés entre 1973 et 2009, identifié 26 986 personnes diagnostiquées d’un autisme. Les chercheurs ont aussi déterminé parmi le nombre de personnes avec autisme celles ayant un diagnostic complémentaire de déficience intellectuelle, d’utilisation de drogues ou de TDAH.
Globalement, les chercheurs ont découvert qu’un diagnostic d’autisme double le risque d’addiction. Le risque élevé est concentré sur les individus ayant un QI de 100 ou supérieur. Mais dans le spectre, le TDAH est un multiplicateur de risque important : parmi les personnes avec autisme et déficience intellectuelle, le TDAH multiplie par quatre le risque d’addiction ; parmi celles avec un QI dans la norme ou supérieur, le TDAH multiplie par huit le risque.
Les parents et les frères et soeurs de personnes avec autisme connaissent aussi un risque plus élevé d’addiction, ce qui suggère un lien génétique.
Ces résultats ne contredisent pas nécessairement les données précédentes montrant un risque d’addiction plus faible chez les personnes avec autisme, dit Paul Lichtenstein, professeur d’épidémiologie génétique à l’institut Karolisnska, en Suède, qui a participé à l’étude. La leçon principale, dit-il, est que le risque varie selon le niveau de capacité intellectuelle. Les recherches précédentes intégraient une partie bien plus importante de personnes avec déficience intellectuelle, ce qui a pu biaiser les résultats.
D’un autre côté, l’autisme est souvent diagnostiqué plus tardivement en Suède qu’aux États-Unis, la proportion de personnes à l’extrémité la plus bénigne du spectre peut être plus importante. Ce qui pourrait faire paraitre plus grande qu’elle ne l’est l’augmentation du risque d’addiction, note Jeremy Veenstra-VanderWeele, professeur associé de psychiatrie à l’université Columbia. « Je voudrais voir si les résultats de cet article se maintiendraient quand [l’autisme] suit le schéma typique d’une reconnaissance relativement précoce, plutôt qu’un diagnostic assez tardif. » Une autre possibilité : étant donnée la grande variété des personnes dans le spectre, il est possible que certains types d’autisme augmentent le risque, alors que d’autres le réduisent.
Les résultats suédois ont été une surprise moindre pour les personnes avec autisme. Matthew Tinsley, aujourd’hui âgé de 55 ans, a toujours fait appel à l’alcool et aux médicaments pour réduire son anxiété. Tinsley est l’auteur de Asperger Syndrome and Alcohol: Drinking to Cope, un des rares livres sur le sujet. (Il est sobre depuis 2004.) Dès un jeune âge, il prenait les médicaments contre l’anxiété de sa mère quand il se sentait dépassé. « Je me trouvais dans des groupes de personnes très stressants, » dit-il.
À l’université, il a découvert que l’alcool servait aussi à faciliter la socialisation. « Tout le monde buvait, c’était socialement acceptable, si vous buvez, vous vous intégrez, parce que tout le monde le fait, » dit-il. « Ça a levé un interdit. » Parvenu à la quarantaine, ajoute Tinsley, il buvait des doses « létales » d’alcool : trois litres de gin quotidiens. Ça l’a mené à la cirrhose, puis à une désintoxication en 2004. Comme dans le cas de Stoner, son diagnostic d’autisme en 2005 est arrivé comme un soulagement. Une fois réalisé qu’il y avait une explication à ses difficultés sensorielles et sociales, il a commencé à être moins exigeant avec lui-même et a trouvé des moyens plus sains de réagir.
Le lien entre l’autisme et l’addiction n’est pas non plus une surprise pour les cliniciens travaillant avec des personnes dans le spectre. Valerie Gaus, une psychologue de New York, dit de ses clients avec autisme ayant des problèmes de drogue ou d’alcool que les plus âgés boivent, quand les plus jeunes tendent à utiliser de la marijuana.
Eric Hollander a identifié un schéma similaire. Toutefois, il dit traiter plus d’addictions comportementales, comme le jeu. « Je travaille avec beaucoup de gens [avec autisme] qui ont toutes sortes de comportements impulsifs, » dit Hollander, directeur du Autism and Obsessive Compulsive Spectrum Program à l’école de médecine Albert Einstein, à New York. « En fait, c’est l’un des objectifs principaux quand les gens arrivent pour un traitement. Soit ils ont perdu le contrôle au niveau des achats en ligne, du jeu, ou ils sont simplement accros à l’Internet. »
Hollander a étudié les similarités entre le trouble obsessionnel compulsif, l’addiction et les comportements impulsifs et compulsifs que connaissent les personnes avec autisme. Il propose que ces pathologies, toutes caractérisées par des pensées et des comportements répétitifs, devraient être rassemblées dans les troubles du spectre obsessionnel compulsif des indications de diagnostic.
L’impulsivité — agir rapidement sans réfléchir — et la compulsion, ou l’incapacité à quitter une activité une fois qu’elle a commencé, sont tous deux des problèmes d’auto-contrôle, ou de la fonction exécutive. L’impulsivité est fortement liée au risque d’addiction ; l’addiction est définie comme un usage compulsif de drogue persistant, en dépit des conséquences négatives. Les personnes avec autisme montrent des signes d’impulsivité et de compulsion. Par exemple, elles s’engagent fréquemment dans des comportements répétitifs, compulsifs — qualifiés de stimming — pour répondre à un manque ou un trop-plein de stimulation sensorielle. Dans le cas de l’addiction, différents types de drogues addictives peuvent augmenter ou réduire la sensation.
Tanea Paterson, une mère de deux enfants vivant en Nouvelle Zélande, a pris des drogues pour affronter le stress social, mais aussi pour faire face à ses problèmes sensoriels. Un mélange d’héroïne et d’autres opiacées illégales, sa drogue préférée, « abaissait mes sens à un niveau plus supportable, » dit-elle. L’usage de drogues lui donnait aussi des routines, dit-elle. « Elles étaient prévisibles dans un monde incertain. » Paterson s’est débarrassée de sa toxicomanie il y a plus de dix ans déjà, mais n’a pas découvert son autisme avant 2015. Son fils avait déjà été diagnostiqué d’un autisme, elle a convaincu son thérapeute de l’évaluer elle. Pour Paterson aussi, le diagnostic a apporté un soulagement : « Ça a été la libération de tant de culpabilité et de honte, de tant et tant de façons, » dit-elle.
Paterson a été harcelée et exclue à l’adolescence, avant qu’elle ne rencontre des camarades prenant de la marijuana et l’acceptant plus facilement. Dans ce groupe, elle se sentait plus en sécurité, dit-elle. D’autres personnes avec autisme et addiction signalent aussi que la culture de la drogue les aide à se sentir acceptés : un comportement inhabituel est attendu de quelqu’un sous l’effet de la drogue, ils ne déparent donc pas.
Des liens plus profonds
L’addiction est connue pour être reliée à des modifications dans le striatum, une région centrale du cerveau impliquée dans le plaisir, la motivation et les comportement habituels. Pendant une période d’addiction, le contrôle sur le comportement dû à la drogue glisse d’une région du striatum à une autre. Avant que la prise de drogue ne se transforme en addiction, l’activité du cerveau causée par la drogue se déroule principalement dans la zone ventrale, impliquée dans la motivation et la recherche du plaisir. À ce stade, les gens prennent principalement des drogues parce qu’elles leur apportent du confort ou une jouissance. La région ventrale semble particulièrement connectée aux comportements impulsifs. Mais alors que l’addiction progresse, certaines actions se déplacent vers le striatum dorsal, une région impliquée dans l’automatisation de comportements en des structures plus programmées, pouvant être désactivées par des signaux spécifiques. Cette automatisation peut être utile quand elle traite un pas de danse complexe ou d’autres compétences en une action unique, voulue — mais elle peut aussi créer une compulsion qui, une fois libérée, devient difficile à contenir.
La compulsion peut être un usage de drogue, mais elle peut aussi être les comportements répétitifs de l’autisme. Dans les deux cas, le striatum dirige le comportement persistant. Il est possible que chez les personnes avec autisme ou addiction, le striatum est plus susceptible de se bloquer dans un schéma répétitif. « [Les schémas comportementaux] deviennent très difficiles à modifier une fois qu’ils sont bien établis, » dit Rothwell, qui fait partie des quelques chercheurs étudiant à la fois l’autisme et l’addiction. « C’est vraiment un concept que je pense être très pertinent à la fois pour les symptômes répétitifs de l’autisme et les schémas habituels de l’addiction. »
Paterson, la femme de Nouvelle Zélande qui a utilisé des opiacées, dit qu’elle retrouve ces schémas dans son propre comportement : « Je pense à l’inertie autistique — ne pas commencer, ne pas arrêter — qui apaise pour la régularité, la prédictabilité et les obsessions. »
L’addiction et l’autisme pourraient aussi partager des connexions génétiques. Par exemple, Rothwell a découvert que NLGN3, un gène candidat pour l’autisme, est très actif dans le nucleus accumbens, une région du striatum ventral liée au désir et à l’usage de drogue. « C’était frappant parce que c’est aussi un endroit très important pour l’addiction, » dit Rothwell.
La région chromosomique 16p11.2 est supprimée dans certains cas d’autisme — et les souris privées de cette région montrent un accroissement du nucleus accumbens. CNTNAP4, un autre gène candidat de l’autisme, est aussi actif dans le striatum ; les souris privées de cette protéine ont des niveaux élevés de dopamine dans le nucleus accumbens, un état du cerveau commun au début de l’addiction.
Il y a aussi des connexions neurochimiques intéressantes entre l’autisme et l’addiction. Les interactions entre l’oxytocine, la dopamine et les opiacées naturelles du cerveau dans le striatum apparaissent être importantes dans les deux pathologies : on pense que l’oxytocine connecte la mémoire des personnes spécifiques au plaisir, créant de ce fait des liens sociaux. Ce processus pourrait se perturber chez certaines personnes avec autisme, ils pourraient trouver la socialisation sans intérêt ou déplaisante. Il pourrait y avoir ici aussi des parallèles avec l’addiction. Les personnes avec addiction indiquent souvent le sentiment que la connexion sociale est difficile ou même impossible, jusqu’à ce qu’ils trouvent un soulagement dans les drogues.
L’addiction affecte aussi le système opioïde endogène du cerveau, qui produit l’expérience du plaisir et du confort que la plupart des gens ressentent en se socialisant. Les souris dépourvues des gènes impliqués dans ce système sont moins sociables qu’à l’habitude et s’engagent dans des comportements stéréotypés rappelant l’autisme. « Il y a des données très intéressantes qui suggèrent qu’il pourrait exister une déficience dans la signalisation opioïde pouvant être un facteur de l’autisme, » dit Rothwell.
Les gènes impliqués dans les maladies, liées à l’autisme, du syndrome de Rett et du syndrome de l’X fragile sont aussi apparus dans la recherche sur l’addiction. Les neuroscientifiques ont été surpris de découvrir que MeCP2 — qui mute dans le syndrome de Rett — devient très actif dans le cerveau quand on donne aux rats de grandes quantités de cocaïne. FMR1, le gène mutant dans le syndrome de l’X fragile, semble avoir une relation similaire à l’addiction à la cocaïne.
Une meilleure compréhension des connexions entre l’autisme et l’addiction pourrait fournir des ouvertures thérapeutiques importantes pour les deux, dit Robert Malenka, professeur de psychiatrie à l’université de Stanford, en Californie, qui a travaillé avec Rothwell pour la recherche sur le NLGN3. « Les cliniciens dans un champ devraient porter attention à ce qu’il se passe dans l’autre, » dit-il.
La recherche sur l’autisme et l’addiction a déjà convergé en un médicament : le baclofen, un médicament approuvé aux États-Unis pour le traitement des spasmes musculaires. Une version du baclofen est à l’essai pour le traitement de l’autisme et du syndrome lié de l’X fragile. Ce médicament est aussi largement utilisé en France pour le traitement de l’alcoolisme, bien que des essais cliniques aient montré des résultats mitigés. La recherche pré-clinique suggère qu’il pourrait aider à traiter l’addiction aux opiacés et à la cocaïne.
Toutefois, pour les personnes dans le spectre ayant des addictions aujourd’hui, obtenir de l’aide peut être difficile. Il n’existe pas une seule étude sur les meilleures pratiques pour le traitement de ces personnes. En fait, il y a des raisons de penser que la plupart des traitements de l’addiction sont peu adaptés aux personnes avec autisme.
La thérapie de l’addiction se déroule principalement dans des sessions de groupe, avec des règles strictes demandant aux membres de participer et d’exprimer leurs problèmes émotionnels. Les personnes avec autisme pourraient répondre à ces attentes par de la colère ou de l’anxiété, pouvant être interprétée comme de la défiance par les conseillers. Pour les personnes que le système judiciaire force à participer, une impossibilité de s’y conformer peut même mener à l’incarcération.
Stoner, quant à lui, dit qu’il a eu des difficultés avec la désintoxication parce qu’il devait passer plusieurs heures en thérapie de groupe et programmes 12 étapes, dont les Toxicomanes Anonymes et les Alcooliques Anonymes. « Ça a vraiment été difficile de faire ça, » dit-il. Quand il devait parler devant un groupe ou à une réunion des Alcooliques Anonymes, « mon esprit devient vide », dit-il. Il a eu aussi des difficultés à se connecter aux autres membres. Il a été rejeté deux fois avant de trouver quelqu’un qui soit son sponsor ou mentor de désintoxication.
Considérant ces difficultés, les programmes d’aide aux personnes avec autisme ayant des addictions pourraient devoir moins se baser sur les thérapies de groupe et plus sur un soin personnalisé.
Stoner travaille désormais comme pair spécialiste au Kenmore Club, un projet financé par le gouvernement du Rappahannock Area Community Services Board de Fredericksburg, en Virginie. Il dit que l’approche plus personnelle de l’organisation est plus adaptée à ses besoins. L’équipe forme les personnes avec différentes formes de handicaps de développement et psychiatriques à l’entraide. Jusqu’à ce que plus de recherche soit faite, dit-il, les personnes avec autisme et addiction devront trouver leur propre voie vers les meilleurs soins.
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père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Re: Sur les adultes autistes
il me semble que bcp d'adultes autistes non diag ont eu des problemes d'addictions (sous toutes leurs formes.)
il me semble aussi que une partie des autistes sont incapables de boire, ou de prendre drogues, et une autre partie à une tendance à la dependance .
lorque j'ai rencontré la psy lors du prédiag, elle m'a dit être en train d'etudier les liens addictions/autisme dans un centre d'addictologie.
car il y en a.on retrouve des adultes avec tsa jamais diags qui ont par contre erré toute leur vie en tant que sdf, ou eu des problemes de marginalisation.
c'est exactement ce qui m'est arrivé à 19 ans. (j'ai decouvert l'alcool assez tot, idem j'ai bcp bu adolescente .puis les drogues aussi, qui m'ont apporté du "soutien" face a la socialisation, ou la gestion de mon anxiété très forte.evidement totu cela sans que je sache pourquoi (en fait les opiacés en particulier car les autres drogues me donnaient des angoisses fortes.)
j ai aussi été marginalisée , entourée de cette population de gens (parfois très inteligents, ou a l'inverse en deficit, (je trouvais qu'il y avait les deux extremes finalement, assez peu de gens "dans la moyenne" ), et des gens avec des troubles divers qui les empechaient de rentrer dans la société.mais c'etait mon observation personnelle.)
il me semble que c'est un sujet peu étudié et c'est dommage.
il me semble aussi que une partie des autistes sont incapables de boire, ou de prendre drogues, et une autre partie à une tendance à la dependance .
lorque j'ai rencontré la psy lors du prédiag, elle m'a dit être en train d'etudier les liens addictions/autisme dans un centre d'addictologie.
car il y en a.on retrouve des adultes avec tsa jamais diags qui ont par contre erré toute leur vie en tant que sdf, ou eu des problemes de marginalisation.
c'est exactement ce qui m'est arrivé à 19 ans. (j'ai decouvert l'alcool assez tot, idem j'ai bcp bu adolescente .puis les drogues aussi, qui m'ont apporté du "soutien" face a la socialisation, ou la gestion de mon anxiété très forte.evidement totu cela sans que je sache pourquoi (en fait les opiacés en particulier car les autres drogues me donnaient des angoisses fortes.)
j ai aussi été marginalisée , entourée de cette population de gens (parfois très inteligents, ou a l'inverse en deficit, (je trouvais qu'il y avait les deux extremes finalement, assez peu de gens "dans la moyenne" ), et des gens avec des troubles divers qui les empechaient de rentrer dans la société.mais c'etait mon observation personnelle.)
il me semble que c'est un sujet peu étudié et c'est dommage.
1973 ( TSA, hpi, diag CRA 2012) de 4 enfants (tsa/ hpi, tdah, hpi et autres.)...)
https://cieharmonieautiste.jimdo.com/
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Re: Sur les adultes autistes
Je fais partie des gens incapables de prendre des drogues et j'ai eu toute ma vie la tentation de la désocialisation pour ne plus exister vis à vis de rien, même pas avec une identité.
ted/asperger/dysexécutif sévère
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Re: Sur les adultes autistes
Merci, c'est vraiment intéressant .
Je me suis un peu intéressée au sujet aussi car je fais partie de ces autistes là... D'ailleurs, lors de mon diagnostic, le psychiatre m'a demandé ensuite de lui faire un écrit, notamment sur le cannabis car c'est la drogue que j'ai le plus usité et sur ce que cela m'apportait.
Pour moi, c'est vraiment apparu comme une stratégie de coping pour faire face à l'anxiété, pour minimiser mes problèmes de sommeil, pour faire face à la socialisation quand j'ai commencé à me socialiser (vers 16-17 ans, car avant, je n'avais jamais touché à rien et il était pour moi exclu que je touche à quoi que ce soit dans ma vie...).
Je crois que nos difficultés de socialisation nous conduisent à être plus intégrés dans des milieux assez marginaux (parce que l'acceptation y est plus facile, les codes + définis; Gunilla Gerland l'avait bien expliqué dans son livre je trouve), ce qui peut aussi expliquer cela. Et Sandrine le dit très bien: en effet, j'ai aussi trouvé que dans ces milieux, il y avait surtout des extrêmes.
L'an passé, j'ai fait un travail universitaire en lien avec ce sujet. J'ai repris les grandes lignes pour le mettre sur ma page fb Autisme Regards Croisés: https://www.facebook.com/notes/autisme- ... 149253797/
(voici le texte pour ceux qui n'ont pas fb:
1INTRODUCTION
Différentes études ont montré que la consommation et l'abus de drogues et d'alcool était moins importants chez les personnes touchées par un TSA que chez les tout-venant (Ramos et al., 2013; Santosh et Mijovic, 2006). Au delà de cela, dans une étude cherchant à évaluer les relations existant entre traits autistiques et caractéristiques de la personnalité, Ángel Romero‐Martínez, Moya-Albiol, Vinkhuyzen, et Polderman (2015) ont montré qu'il existerait une relation inverse entre la prise de risques et les traits autistiques. Des expérimentations sur la prise de décisions chez les adolescents avec et sans TSA ont également montré que, malgré des compétences similaires dans le domaine de la prise de décisions, les adolescents avec TSA avaient une moindre tendance à la prise de risques (Levin et al., 2015).
Malgré ces résultats, il existe au sein de la population TSA SDI, des sujets ayant des comportements à risques, à savoir notamment l'usage de drogues et d'alcool. Il apparaitrait que ces comportements puissent se construire comme des stratégies de coping face aux difficultés sociales et/ou à l'anxiété que peut souvent rencontrer cette population(Clarke et al., 2015; Lalanne, Trojak, Bema, Bertschy, et Weiner, 2015). Néanmoins, les études sont rares sur le sujet et si elles tentent d'en comprendre certaines causes, elles n'apportent pas d'explications sur les mécanismes d'installation de ces pratiques.
Sachant que la prise de risques est accrue à l'adolescence (Arnett, 1999; Steinberg et Morris, 2001) et qu'elle l'est d'autant plus sous l'influence de pairs (Albert, Chein, et Steinberg, 2013; Chein, Albert, O’Brien, Uckert, et Steinberg, 2011), nous pouvons nous interroger sur l'existence d'une influence sociale sur la prise de risques des adolescents ayant un TSA SDI. C'est une question qui nous semble pertinente au regard des spécificités sociales que rencontrent les personnes avec TSA.
2CADRE THÉORIQUE
2.1La prise de risques à l'adolescence
2.1.1Spécificités de l'adolescence
2.1.1.1Définition de l'adolescence
La définition de l'adolescence n'est pas consensuelle, mais il est globalement admis que ce terme se réfère à un passage entre l'enfance et l'âge adulte (Huerre, 2001). Le début de l'adolescence est marqué par l'entrée dans la puberté, se manifestant par des transformations corporelles. En revanche, Huerre (2001) souligne que la fin de celle-ci est moins claire et on ne saurait définir si elle se signe par l'achèvement de la croissance, la fin de la maturation cérébrale ou encore la prise d'indépendance. C'est le plus souvent cette dernière approche qui est retenue. Il est possible de distinguer quatre phases dans l'adolescence(Galván, Van Leijenhorst, et McGlennen, 2012) : la pré-puberté de 8 à 12 ans, la puberté moyenne de 13 à 15 ans, la puberté tardive de 16 à 18 ans et la post puberté pouvant se poursuivre jusqu'à 30 ans.
Au cours de ces périodes s'inscrivent alors des changements de différentes natures. Steinberg et Morris, (2001) décrivent certains changements psychologiques, comportementaux et sociaux. L'adolescence est notablement marquée par une sociabilité qui se transforme et les pairs vont exercer une influence plus importante que dans l'enfance, tandis que l'adolescent prendra plus de distance vis à vis de sa famille. Cette influence peut être positive et favoriser la réussite scolaire, des comportements pro-sociaux ou des apprentissages de manière générale. Celle-ci peut aussi s'avérer plus négative et induire des comportements à risques et des comportements anti-sociaux, qui ne sont pas toujours alarmants puisqu'ils disparaissent souvent avec le temps. Il faut noter que cette influence ne s'exerce pas de la même manière chez tous les adolescents et dépend de facteurs tels que l'âge, le sexe, la personnalité, l'histoire de la socialisation, la perception des autres etc (Steinberg et Morris, 2001).
Les changements comportementaux ne s'effectuent pas uniquement sous l'influence de pairs et au-delà des changements dans le comportement social, on peut aussi observer des changements aux niveaux de la recherche de sensations et de nouveauté, au niveau du ressenti et de la régulation des émotions ou encore, du traitement des récompenses (Albert, Chein, et Steinberg, 2013; Arnett, 1999; Steinberg et Morris, 2001).
Ainsi, l'environnement, familial ou non, joue un rôle important dans les changements qui se jouent à l'adolescence, mais à cela s'ajoute l'impact du patrimoine génétique (Steinberg et Morris, 2001)et celui des changements physiques (croissance, développement de la pilosité et des organes sexuels) et physiologiques, interagissant avec le reste.
2.1.1.2Changements neurobiologiques
Les évolutions physiques, comportementales et sociales que nous venons de décrire découlent de changements physiologiques. Tout d'abord, les changements hormonaux sont importants. Le début de la puberté est marquée par la production de la neurohormone GnRH (Gonadotrophin Releasing Hormon) par l'hypothalamus qui conditionne la synthèse de la gonadotrophine stimulant la production des hormones sexuelles et qui est donc à l'origine de la gamètogénèse chez les filles comme chez les garçons(Crone et Dahl, 2012; Sisk et Foster, 2004). La sécrétion de l'hormone de croissance connait aussi une importante augmentation expliquant la croissance rapide au cours de cette période. Enfin, la sécrétion de testostérone, d'oestrogènes et de DHEA (dehydroepiandrosterone) conditionne la maturation des organes sexuels. La production de ces hormones se fait essentiellement pendant le sommeil. Bien que l'on sache que toutes ces hormones ont une influence sur le développement cérébral des adolescents, nous ne connaissons pas encore les mécanismes précis de leurs actions (Crone et Dahl, 2012).
Des changements au niveau de l'architecture cérébrale sont également présents et résumés par Crone et Dahl (2012) et par Chein, Albert, O’Brien, Uckert, et Steinberg (2011). Au niveau du cortex, il a été observé une augmentation de la matière blanche (correspondant à la myéline) au cours de l'enfance et de l'adolescence et en contraste, une réduction de la matière grise (corps cellulaire des neurones et dendrites) par endroits et à des moments différents. Par ailleurs, au niveau sous-cortical, on constate une réduction dans la taille de certaines régions (comme le striatum), tandis que d'autres au contraire, se développent, comme l'amygdale et l'hippocampe, qui interviennent, dans les circuits émotionnels.
L'adolescence est donc une période de changements physiques, physiologiques, psychologiques, comportementaux et sociaux n'intervenant pas les uns indépendamment des autres mais interagissant entre eux. Nous allons nous intéresser maintenant plus en détail à certains changements comportementaux et à l'action des processus sociaux sur ces derniers.
2.1.2La prise de risques à l'adolescence
2.1.2.1Définitions : prise de risques/comportements à risques
Les recherches contemporaines montrent que la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte sont les années de vie au cours desquelles la prise de risques est la plus importante et que ce phénomène est particulièrement présent dans les populations occidentales (Arnett, 1999). Arnett (1999) définit les comportements à risques comme les comportements potentiellement dangereux pour soi-même et/ou autrui. Il s'agit donc de pratiques variées, incluant par exemple l'usage de drogues, allant de l'essai isolé à des conduites addictives et à des conduites extrêmes comme le « binge drinking »(Chein et al., 2011; Videnovic, 2015). Les conduites à risques comprennent également la conduite automobile dangereuse, les rapports sexuels risqués/non protégés, mais aussi tout ce qui défie les règles et la loi, comprenant donc les conduites délinquantes telles que le vol ou d'autres conduites anti-sociales (Arnett, 1999; Moffitt, 1993).
Les comportements à risques font intervenir les processus de prise de décision et les études menées ont pu mettre en avant que ces derniers, bien que faisant appel au contrôle cognitif, c'est à dire à l'ensemble des processus permettant d'ajuster pensées et actions en fonction des buts(Crone et Dahl, 2012), étaient aussi sous l'influence des émotions (Damasio, 2010; Galván et al., 2012).
Nonobstant le caractère souvent transitoire des comportements à risques, ils peuvent engendrer des conséquences désastreuses, soit parce que certains comportements comme la prise de toxiques peut avoir un effet délétère sur la maturation cérébrale et sur la santé mentale, soit parce qu'ils peuvent, dans certains cas, induire une persistance de ces comportements à l'âge adulte (Luciana et Feldstein Ewing, 2015) ou encore parce qu'ils peuvent entrainer une mort prématurée (Dahl, 2004). De ce fait, les facteurs et mécanismes sous-tendant la prise de risques sont importants à étudier.
2.1.2.2Facteurs de prise de risques
Les interrogations sur l'augmentation de la prise de risques à l'adolescence ont donné lieu à divers résultats. Van Leijenhorst, Westenberg, et Crone (2008) ont montré que les adolescents avaient une bonne perception des risques et que la prise de risques n'était pas liée à un problème d'évaluation de ces derniers. En revanche, certains changements neurobiologiques que nous venons d'évoquer pourraient partiellement expliquer les changements de comportements et a fortiori, la prise de risques accrue à l'adolescence (Casey, Jones, et Hare, 2008; Chein et al., 2011). En effet, il existe à cet âge un décalage de maturation entre le système du contrôle cognitif et le système émotionnel, qui sont les deux systèmes ayant un rôle majeur dans la prise de décision. Le contrôle cognitif permet d'adapter son comportement aux situations, d'inhiber certains comportements donc de réguler l'impulsivité, de planifier, de faire preuve de flexibilité (Crone et Dahl, 2012); tout ceci relève en partie des fonctions exécutives et implique donc grandement le cortex pré-frontal (Chein et al., 2011; Eustache, Faure, et Desgranges, 2013). Le système émotionnel, qui aurait une maturation plus rapide que le système cognitif (Crone et Dahl, 2012), intervient quant à lui dans le traitements des stimuli émotionnels et dans la régulation des émotions, ainsi que dans l'évaluation et la sensibilité aux récompenses et aux punitions donc dans la motivation. Il met en jeu le système dopaminergique et impliquerait des structures sous corticales : le striatum ventral et l'amygdale ainsi que le cortex orbitofrontal (Morange-Majoux, 2011). Ce décalage dans la vitesse de maturation apporte une piste explicative au fait que la prise de décision chez les adolescents se fasse davantage sous le coup de l'émotion, donc pas toujours rationnellement, et en négligeant certains effets à long terme (Crone et Dahl, 2012). Casey et al. (2008) ont proposé un modèle mettant en évidence ce décalage : la maturité plus précoce du système émotionnel générerait une hypersensibilité de celui-ci,engendrant une préférence pour les récompenses immédiates ce qui conduirait à adopter plus facilement des comportements à risques.
Pour autant, les comportements à risques ne sont pas uniquement le résultats de ce décalage et d'autres facteurs viennent influencer la prise de décision, notamment, le contexte social (Crone et Dahl, 2012).
2.1.2.3L'influence de pairs sur la prise de risques à l'adolescence
En réalité, le modèle de Casey et al. (2008) met aussi en exergue une sensibilité plus importante au contexte social à cet âge. Durant l'adolescence, les interactions avec les pairs, qui sont en plein changement, ont une valeur de récompense élevée, résidant dans le fait d'être accepté/aimé/admiré par les autres et de ne pas être jugés ou rejetés (Somerville, 2013). Les adolescents ont donc une motivation importante à être acceptés par leurs pairs comparativement aux enfants et aux adultes (Crone et Dahl, 2012). C'est une période au cours de laquelle les réseaux du « cerveau social » se construisent. Cela va permettre aux adolescents de passer de pensées auto-centrées à des pensées où l'autre (ses pensées, ses sentiments, ses intentions) sera davantage pris en compte, contribuant à la construction de la théorie de l'esprit. Différentes expériences, comme celles de Chein et al. (2011) montrent que la présence de pairs a une influence importante sur la prise de risques chez les adolescents. Bien que l'influence sur la prise de risques s'exerce déjà par la simple présence des pairs observant, celle-ci est encore accrue lorsque les pairs encouragent verbalement le sujet (Reynolds, MacPherson, Schwartz, Fox, et Lejuez, 2013).
L'adolescence est donc une période de métamorphoses, générant des changements dans les comportements, avec une propension plus élevée à la prise de risques et à l'influence des pairs sur celle-ci. Si les changements se font chez tous les adolescents, ils se manifestent différemment en fonction des variations inter-individuelles. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur les similitudes et différences dans la prise de risques au sein d'une population adolescente atypique, notamment pour une population souffrant de difficultés sociales, comme par exemple les jeunes porteurs d'un TSA.
2.2 Les Troubles du Spectre Autistique
2.2.1Les Troubles du Spectre Autistique
2.2.1.1Repères nosographiques et définition
Dans le DSM-5, les Troubles du Spectre Autistiques (TSA) sont caractérisés par deux dimensions, qui se déclinent selon plusieurs critères (Annexe 1): d'une part, des anomalies dans la communication et dans les interactions sociales, et d'autre part, des intérêts restreints et comportements répétitifs1. Contrairement aux précédentes versions les différentes formes d'autisme sont regroupées (pas de différenciation entre autisme typique, syndrome d’Asperger, et troubles envahissant du développement non spécifiés/autisme atypique – annexe 2). Une distinction se fait dorénavant selon la sévérité des symptômes (trois niveaux – annexe 1) car les incapacités engendrés par les TSA peuvent être très variables (Mottron, 2004). Ceci est cohérent avec les recherches récentes qui montrent que les personnes avec TSA regroupent des profils très différents aux évolutions fluctuantes et non pronosticables (Focquaert et Vanneste, 2015; Livesley, 2012).
Bien que l'origine non psychogénique des TSA soit établie, l'étiologie n'est pas totalement élucidée (Constantino et Charman, 2016). Il s'agit dans la plupart des cas d'interactions entre des facteurs génétiques et environnementaux (Briault et Hébert, 2014 ; Cazalis, 2014).
Dans de nombreux cas, les TSA s'accompagnent de comorbidité(s) (Hjalmarsson, 2014), parfois lourdes telles que la déficience intellectuelle (30 % des cas selon Chakrabarti et Fombonne, 2001 et Mottron, 2004) et/ou l'épilepsie, voire d'autres handicaps. Les données épidémiologiques, tout comme l'évolution nosographique, ne font pas consensus (Chamak, 2005) mais on retrouve en général une augmentation de la prévalence, passée de 4 à 5 naissances sur 10 000 dans les années 70 à 1 sur 100 actuellement (DSM-5). Selon Chamak, 2005, cette apparente 'épidémie' est surtout le reflet d'un élargissement des critères diagnostiques, bien que des facteurs environnementaux puissent aussi jouer un rôle (Cazalis, 2014). Le sexe-ratio serait en moyenne de 4 à 5 garçons pour une fille (Fombonne, 2006) mais est lui aussi soumis à controverse, des études montrant que l'autisme pourrait se manifester de manière légèrement différente chez les filles, et qu'elles seraient, de ce fait sous-diagnostiquées (Lai, Lombardo, Auyeung, Chakrabarti, et Baron-Cohen, 2015; Mandy et al., 2012; Werling et Geschwind, 2013).
2.2.1.2Particularités neurobiologiques
Si l'origine neurodéveloppementale des TSA est bien admise (Compagnon, 2014), tous les mécanismes ne sont pas encore décryptés. Quelques différences ont pu être mises en évidence, notamment d'un point de vue anatomo-fonctionnel. Tout d'abord, il existe des anomalies du sillon temporal supérieur (diminution de la substance grise, activité cognitive réduite), qui est notamment impliqué dans la communication sociale (reconnaissance voix humaines, visages) (Zilbovicius et al., 2006). Par ailleurs, il a été retrouvé des anomalies de volume ainsi que des anomalies fonctionnelles au niveau de l'amygdale (Focquaert et Vanneste, 2015; Girgis et al., 2007). L'amygdale étant impliquée dans la reconnaissance des états mentaux d'autrui (Morris et al., 1996), son rôle est important dans les interactions sociales. Des différences significatives sont aussi retrouvées au niveau du cortex orbitofrontal, qui serait impliqué dans les émotions et le système de récompense, mais aussi dans la cognition sociale (Focquaert et Vanneste, 2015; Girgis et al., 2007). Selon ces recherches, il apparaitrait que ces spécificités puissent être à l'origine des difficultés sociales des autistes, que sont le manque de réciprocité socio-émotionnelle, de partage des états émotionnels, les difficultés à établir et maintenir des relations sociales, à ajuster ses comportements en fonction d'autrui et à avoir des réponses sociales adaptées.
Par ailleurs, les personnes touchées par un TSA rencontrent des difficultés dans le contrôle cognitif et plus particulièrement dans les fonctions exécutives (Barbalat, Leboyer, et Zalla, 2014 ; Forgeot d'Arc, 2014). Cela ne se manifeste pas de la même manière chez tous les porteurs de TSA mais on peut retrouver chez ces personnes des troubles de l'inhibition, de la flexibilité, de la planification et de la mémoire de travail. Ceci rentrerait probablement en jeu dans les comportements répétitifs et les intérêts restreints (Thommen, Cartier-Nelles, Guidoux, et Wiesendanger, 2014).
Ainsi, nous pouvons constater que les systèmes émotionnel et cognitif, maturant et posant soucis à l'adolescence sont des systèmes qui rencontrent des perturbations chez les sujets avec TSA.
2.2.2prise de risques dans les troubles du spectre autistique
2.2.2.1Une population préservée
Des recherches ont pu mettre en évidence que la prise de risques était moins importante de manière générale dans la population avec TSA que chez les tout-venant (Ramos et al., 2013; Santosh et Mijovic, 2006) mais les hypothèses explicatives restent ouvertes. L'étude de Ramos pointe des traits de personnalité souvent présents chez les sujets avec TSA, comme l'inhibition, l'introversion ou encore la moindre recherche de sensations fortes, qui pourraient être des facteurs de protection. A l'inverse, des traits comme l'impulsivité ou une forte recherche de sensations seraient des facteurs prédisposant à la prise de risques. Ángel Romero‐Martínez et al. (2015) sont allés plus loin, montrant qu'il existait une relation inverse entre les traits autistiques et la recherche d'expérience (évaluée par une sous-échelle de l'échelle de recherche de sensation), qui serait associée aux comportements à risques.
Les comportements à risques ne sont pour autant pas inexistants chez les sujets avec un TSA SDI, adultes et adolescents, en particulier s'ils ont un TDA/H associé (Kronenberg, Goossens, van Busschbach, van Achterberg, et van den Brink, 2015; Richard C Mulligan, 2014), trouble qui implique, encore une fois, des dysfonctionnements dans les fonctions exécutives (Ae, 2005).
2.2.2.2Des risques présents
Des études ont mis en évidence que certains comportements à risques, notamment la consommation de drogues et d'alcool, pouvaient tout de même se retrouver dans la population avec un TSA SDI mais n'étaient pas toujours bien diagnostiqués, donc probablement sous-estimés, du fait qu'ils n'étaient pas saillants (Clarke, Tickle, et Gillott, 2015; Lalanne, Trojak, Bema, et Bertschy, 2015).
En dépit des facteurs de protection que nous venons de citer, il semblerait exister également des facteurs prédisposants à la prise de risques, telle que la consommation de substances, chez les personnes ayant un TSA SDI. En effet, ces derniers utiliseraient alcool et/ou drogues comme stratégies de coping pour palier certaines difficultés sociales et l'anxiété, souvent présente (Clarke et al., 2015; Lalanne et al., 2015). Bien que les conduites addictives puissent être des pratiques solitaires, elles trouvent généralement leur origine en contexte social, ce qui peut questionner sur les mécanismes d'installation de ces pratiques au sein d'une tranche de la population avec un TSA SDI.
Par ailleurs, Forgeot d'Arc (2014) déclare que, malgré leurs difficultés sociales, « certains aspects de l'influence sociale semblent présents chez les personnes ayant un TSA », notamment, le désir mimétique qui est « l'influence du désir des autres sur nos préférences ».
L'existence de comportement à risques chez des personnes avec un TSA SDI conjointe à une préservation de certains aspects de l'influence sociale, peuvent ainsi suggérer l'existence d'une influence des pairs sur la prise de risques chez ces sujets.
1 Traduction libre du DSM-5
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Je me suis un peu intéressée au sujet aussi car je fais partie de ces autistes là... D'ailleurs, lors de mon diagnostic, le psychiatre m'a demandé ensuite de lui faire un écrit, notamment sur le cannabis car c'est la drogue que j'ai le plus usité et sur ce que cela m'apportait.
Pour moi, c'est vraiment apparu comme une stratégie de coping pour faire face à l'anxiété, pour minimiser mes problèmes de sommeil, pour faire face à la socialisation quand j'ai commencé à me socialiser (vers 16-17 ans, car avant, je n'avais jamais touché à rien et il était pour moi exclu que je touche à quoi que ce soit dans ma vie...).
Je crois que nos difficultés de socialisation nous conduisent à être plus intégrés dans des milieux assez marginaux (parce que l'acceptation y est plus facile, les codes + définis; Gunilla Gerland l'avait bien expliqué dans son livre je trouve), ce qui peut aussi expliquer cela. Et Sandrine le dit très bien: en effet, j'ai aussi trouvé que dans ces milieux, il y avait surtout des extrêmes.
L'an passé, j'ai fait un travail universitaire en lien avec ce sujet. J'ai repris les grandes lignes pour le mettre sur ma page fb Autisme Regards Croisés: https://www.facebook.com/notes/autisme- ... 149253797/
(voici le texte pour ceux qui n'ont pas fb:
1INTRODUCTION
Différentes études ont montré que la consommation et l'abus de drogues et d'alcool était moins importants chez les personnes touchées par un TSA que chez les tout-venant (Ramos et al., 2013; Santosh et Mijovic, 2006). Au delà de cela, dans une étude cherchant à évaluer les relations existant entre traits autistiques et caractéristiques de la personnalité, Ángel Romero‐Martínez, Moya-Albiol, Vinkhuyzen, et Polderman (2015) ont montré qu'il existerait une relation inverse entre la prise de risques et les traits autistiques. Des expérimentations sur la prise de décisions chez les adolescents avec et sans TSA ont également montré que, malgré des compétences similaires dans le domaine de la prise de décisions, les adolescents avec TSA avaient une moindre tendance à la prise de risques (Levin et al., 2015).
Malgré ces résultats, il existe au sein de la population TSA SDI, des sujets ayant des comportements à risques, à savoir notamment l'usage de drogues et d'alcool. Il apparaitrait que ces comportements puissent se construire comme des stratégies de coping face aux difficultés sociales et/ou à l'anxiété que peut souvent rencontrer cette population(Clarke et al., 2015; Lalanne, Trojak, Bema, Bertschy, et Weiner, 2015). Néanmoins, les études sont rares sur le sujet et si elles tentent d'en comprendre certaines causes, elles n'apportent pas d'explications sur les mécanismes d'installation de ces pratiques.
Sachant que la prise de risques est accrue à l'adolescence (Arnett, 1999; Steinberg et Morris, 2001) et qu'elle l'est d'autant plus sous l'influence de pairs (Albert, Chein, et Steinberg, 2013; Chein, Albert, O’Brien, Uckert, et Steinberg, 2011), nous pouvons nous interroger sur l'existence d'une influence sociale sur la prise de risques des adolescents ayant un TSA SDI. C'est une question qui nous semble pertinente au regard des spécificités sociales que rencontrent les personnes avec TSA.
2CADRE THÉORIQUE
2.1La prise de risques à l'adolescence
2.1.1Spécificités de l'adolescence
2.1.1.1Définition de l'adolescence
La définition de l'adolescence n'est pas consensuelle, mais il est globalement admis que ce terme se réfère à un passage entre l'enfance et l'âge adulte (Huerre, 2001). Le début de l'adolescence est marqué par l'entrée dans la puberté, se manifestant par des transformations corporelles. En revanche, Huerre (2001) souligne que la fin de celle-ci est moins claire et on ne saurait définir si elle se signe par l'achèvement de la croissance, la fin de la maturation cérébrale ou encore la prise d'indépendance. C'est le plus souvent cette dernière approche qui est retenue. Il est possible de distinguer quatre phases dans l'adolescence(Galván, Van Leijenhorst, et McGlennen, 2012) : la pré-puberté de 8 à 12 ans, la puberté moyenne de 13 à 15 ans, la puberté tardive de 16 à 18 ans et la post puberté pouvant se poursuivre jusqu'à 30 ans.
Au cours de ces périodes s'inscrivent alors des changements de différentes natures. Steinberg et Morris, (2001) décrivent certains changements psychologiques, comportementaux et sociaux. L'adolescence est notablement marquée par une sociabilité qui se transforme et les pairs vont exercer une influence plus importante que dans l'enfance, tandis que l'adolescent prendra plus de distance vis à vis de sa famille. Cette influence peut être positive et favoriser la réussite scolaire, des comportements pro-sociaux ou des apprentissages de manière générale. Celle-ci peut aussi s'avérer plus négative et induire des comportements à risques et des comportements anti-sociaux, qui ne sont pas toujours alarmants puisqu'ils disparaissent souvent avec le temps. Il faut noter que cette influence ne s'exerce pas de la même manière chez tous les adolescents et dépend de facteurs tels que l'âge, le sexe, la personnalité, l'histoire de la socialisation, la perception des autres etc (Steinberg et Morris, 2001).
Les changements comportementaux ne s'effectuent pas uniquement sous l'influence de pairs et au-delà des changements dans le comportement social, on peut aussi observer des changements aux niveaux de la recherche de sensations et de nouveauté, au niveau du ressenti et de la régulation des émotions ou encore, du traitement des récompenses (Albert, Chein, et Steinberg, 2013; Arnett, 1999; Steinberg et Morris, 2001).
Ainsi, l'environnement, familial ou non, joue un rôle important dans les changements qui se jouent à l'adolescence, mais à cela s'ajoute l'impact du patrimoine génétique (Steinberg et Morris, 2001)et celui des changements physiques (croissance, développement de la pilosité et des organes sexuels) et physiologiques, interagissant avec le reste.
2.1.1.2Changements neurobiologiques
Les évolutions physiques, comportementales et sociales que nous venons de décrire découlent de changements physiologiques. Tout d'abord, les changements hormonaux sont importants. Le début de la puberté est marquée par la production de la neurohormone GnRH (Gonadotrophin Releasing Hormon) par l'hypothalamus qui conditionne la synthèse de la gonadotrophine stimulant la production des hormones sexuelles et qui est donc à l'origine de la gamètogénèse chez les filles comme chez les garçons(Crone et Dahl, 2012; Sisk et Foster, 2004). La sécrétion de l'hormone de croissance connait aussi une importante augmentation expliquant la croissance rapide au cours de cette période. Enfin, la sécrétion de testostérone, d'oestrogènes et de DHEA (dehydroepiandrosterone) conditionne la maturation des organes sexuels. La production de ces hormones se fait essentiellement pendant le sommeil. Bien que l'on sache que toutes ces hormones ont une influence sur le développement cérébral des adolescents, nous ne connaissons pas encore les mécanismes précis de leurs actions (Crone et Dahl, 2012).
Des changements au niveau de l'architecture cérébrale sont également présents et résumés par Crone et Dahl (2012) et par Chein, Albert, O’Brien, Uckert, et Steinberg (2011). Au niveau du cortex, il a été observé une augmentation de la matière blanche (correspondant à la myéline) au cours de l'enfance et de l'adolescence et en contraste, une réduction de la matière grise (corps cellulaire des neurones et dendrites) par endroits et à des moments différents. Par ailleurs, au niveau sous-cortical, on constate une réduction dans la taille de certaines régions (comme le striatum), tandis que d'autres au contraire, se développent, comme l'amygdale et l'hippocampe, qui interviennent, dans les circuits émotionnels.
L'adolescence est donc une période de changements physiques, physiologiques, psychologiques, comportementaux et sociaux n'intervenant pas les uns indépendamment des autres mais interagissant entre eux. Nous allons nous intéresser maintenant plus en détail à certains changements comportementaux et à l'action des processus sociaux sur ces derniers.
2.1.2La prise de risques à l'adolescence
2.1.2.1Définitions : prise de risques/comportements à risques
Les recherches contemporaines montrent que la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte sont les années de vie au cours desquelles la prise de risques est la plus importante et que ce phénomène est particulièrement présent dans les populations occidentales (Arnett, 1999). Arnett (1999) définit les comportements à risques comme les comportements potentiellement dangereux pour soi-même et/ou autrui. Il s'agit donc de pratiques variées, incluant par exemple l'usage de drogues, allant de l'essai isolé à des conduites addictives et à des conduites extrêmes comme le « binge drinking »(Chein et al., 2011; Videnovic, 2015). Les conduites à risques comprennent également la conduite automobile dangereuse, les rapports sexuels risqués/non protégés, mais aussi tout ce qui défie les règles et la loi, comprenant donc les conduites délinquantes telles que le vol ou d'autres conduites anti-sociales (Arnett, 1999; Moffitt, 1993).
Les comportements à risques font intervenir les processus de prise de décision et les études menées ont pu mettre en avant que ces derniers, bien que faisant appel au contrôle cognitif, c'est à dire à l'ensemble des processus permettant d'ajuster pensées et actions en fonction des buts(Crone et Dahl, 2012), étaient aussi sous l'influence des émotions (Damasio, 2010; Galván et al., 2012).
Nonobstant le caractère souvent transitoire des comportements à risques, ils peuvent engendrer des conséquences désastreuses, soit parce que certains comportements comme la prise de toxiques peut avoir un effet délétère sur la maturation cérébrale et sur la santé mentale, soit parce qu'ils peuvent, dans certains cas, induire une persistance de ces comportements à l'âge adulte (Luciana et Feldstein Ewing, 2015) ou encore parce qu'ils peuvent entrainer une mort prématurée (Dahl, 2004). De ce fait, les facteurs et mécanismes sous-tendant la prise de risques sont importants à étudier.
2.1.2.2Facteurs de prise de risques
Les interrogations sur l'augmentation de la prise de risques à l'adolescence ont donné lieu à divers résultats. Van Leijenhorst, Westenberg, et Crone (2008) ont montré que les adolescents avaient une bonne perception des risques et que la prise de risques n'était pas liée à un problème d'évaluation de ces derniers. En revanche, certains changements neurobiologiques que nous venons d'évoquer pourraient partiellement expliquer les changements de comportements et a fortiori, la prise de risques accrue à l'adolescence (Casey, Jones, et Hare, 2008; Chein et al., 2011). En effet, il existe à cet âge un décalage de maturation entre le système du contrôle cognitif et le système émotionnel, qui sont les deux systèmes ayant un rôle majeur dans la prise de décision. Le contrôle cognitif permet d'adapter son comportement aux situations, d'inhiber certains comportements donc de réguler l'impulsivité, de planifier, de faire preuve de flexibilité (Crone et Dahl, 2012); tout ceci relève en partie des fonctions exécutives et implique donc grandement le cortex pré-frontal (Chein et al., 2011; Eustache, Faure, et Desgranges, 2013). Le système émotionnel, qui aurait une maturation plus rapide que le système cognitif (Crone et Dahl, 2012), intervient quant à lui dans le traitements des stimuli émotionnels et dans la régulation des émotions, ainsi que dans l'évaluation et la sensibilité aux récompenses et aux punitions donc dans la motivation. Il met en jeu le système dopaminergique et impliquerait des structures sous corticales : le striatum ventral et l'amygdale ainsi que le cortex orbitofrontal (Morange-Majoux, 2011). Ce décalage dans la vitesse de maturation apporte une piste explicative au fait que la prise de décision chez les adolescents se fasse davantage sous le coup de l'émotion, donc pas toujours rationnellement, et en négligeant certains effets à long terme (Crone et Dahl, 2012). Casey et al. (2008) ont proposé un modèle mettant en évidence ce décalage : la maturité plus précoce du système émotionnel générerait une hypersensibilité de celui-ci,engendrant une préférence pour les récompenses immédiates ce qui conduirait à adopter plus facilement des comportements à risques.
Pour autant, les comportements à risques ne sont pas uniquement le résultats de ce décalage et d'autres facteurs viennent influencer la prise de décision, notamment, le contexte social (Crone et Dahl, 2012).
2.1.2.3L'influence de pairs sur la prise de risques à l'adolescence
En réalité, le modèle de Casey et al. (2008) met aussi en exergue une sensibilité plus importante au contexte social à cet âge. Durant l'adolescence, les interactions avec les pairs, qui sont en plein changement, ont une valeur de récompense élevée, résidant dans le fait d'être accepté/aimé/admiré par les autres et de ne pas être jugés ou rejetés (Somerville, 2013). Les adolescents ont donc une motivation importante à être acceptés par leurs pairs comparativement aux enfants et aux adultes (Crone et Dahl, 2012). C'est une période au cours de laquelle les réseaux du « cerveau social » se construisent. Cela va permettre aux adolescents de passer de pensées auto-centrées à des pensées où l'autre (ses pensées, ses sentiments, ses intentions) sera davantage pris en compte, contribuant à la construction de la théorie de l'esprit. Différentes expériences, comme celles de Chein et al. (2011) montrent que la présence de pairs a une influence importante sur la prise de risques chez les adolescents. Bien que l'influence sur la prise de risques s'exerce déjà par la simple présence des pairs observant, celle-ci est encore accrue lorsque les pairs encouragent verbalement le sujet (Reynolds, MacPherson, Schwartz, Fox, et Lejuez, 2013).
L'adolescence est donc une période de métamorphoses, générant des changements dans les comportements, avec une propension plus élevée à la prise de risques et à l'influence des pairs sur celle-ci. Si les changements se font chez tous les adolescents, ils se manifestent différemment en fonction des variations inter-individuelles. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur les similitudes et différences dans la prise de risques au sein d'une population adolescente atypique, notamment pour une population souffrant de difficultés sociales, comme par exemple les jeunes porteurs d'un TSA.
2.2 Les Troubles du Spectre Autistique
2.2.1Les Troubles du Spectre Autistique
2.2.1.1Repères nosographiques et définition
Dans le DSM-5, les Troubles du Spectre Autistiques (TSA) sont caractérisés par deux dimensions, qui se déclinent selon plusieurs critères (Annexe 1): d'une part, des anomalies dans la communication et dans les interactions sociales, et d'autre part, des intérêts restreints et comportements répétitifs1. Contrairement aux précédentes versions les différentes formes d'autisme sont regroupées (pas de différenciation entre autisme typique, syndrome d’Asperger, et troubles envahissant du développement non spécifiés/autisme atypique – annexe 2). Une distinction se fait dorénavant selon la sévérité des symptômes (trois niveaux – annexe 1) car les incapacités engendrés par les TSA peuvent être très variables (Mottron, 2004). Ceci est cohérent avec les recherches récentes qui montrent que les personnes avec TSA regroupent des profils très différents aux évolutions fluctuantes et non pronosticables (Focquaert et Vanneste, 2015; Livesley, 2012).
Bien que l'origine non psychogénique des TSA soit établie, l'étiologie n'est pas totalement élucidée (Constantino et Charman, 2016). Il s'agit dans la plupart des cas d'interactions entre des facteurs génétiques et environnementaux (Briault et Hébert, 2014 ; Cazalis, 2014).
Dans de nombreux cas, les TSA s'accompagnent de comorbidité(s) (Hjalmarsson, 2014), parfois lourdes telles que la déficience intellectuelle (30 % des cas selon Chakrabarti et Fombonne, 2001 et Mottron, 2004) et/ou l'épilepsie, voire d'autres handicaps. Les données épidémiologiques, tout comme l'évolution nosographique, ne font pas consensus (Chamak, 2005) mais on retrouve en général une augmentation de la prévalence, passée de 4 à 5 naissances sur 10 000 dans les années 70 à 1 sur 100 actuellement (DSM-5). Selon Chamak, 2005, cette apparente 'épidémie' est surtout le reflet d'un élargissement des critères diagnostiques, bien que des facteurs environnementaux puissent aussi jouer un rôle (Cazalis, 2014). Le sexe-ratio serait en moyenne de 4 à 5 garçons pour une fille (Fombonne, 2006) mais est lui aussi soumis à controverse, des études montrant que l'autisme pourrait se manifester de manière légèrement différente chez les filles, et qu'elles seraient, de ce fait sous-diagnostiquées (Lai, Lombardo, Auyeung, Chakrabarti, et Baron-Cohen, 2015; Mandy et al., 2012; Werling et Geschwind, 2013).
2.2.1.2Particularités neurobiologiques
Si l'origine neurodéveloppementale des TSA est bien admise (Compagnon, 2014), tous les mécanismes ne sont pas encore décryptés. Quelques différences ont pu être mises en évidence, notamment d'un point de vue anatomo-fonctionnel. Tout d'abord, il existe des anomalies du sillon temporal supérieur (diminution de la substance grise, activité cognitive réduite), qui est notamment impliqué dans la communication sociale (reconnaissance voix humaines, visages) (Zilbovicius et al., 2006). Par ailleurs, il a été retrouvé des anomalies de volume ainsi que des anomalies fonctionnelles au niveau de l'amygdale (Focquaert et Vanneste, 2015; Girgis et al., 2007). L'amygdale étant impliquée dans la reconnaissance des états mentaux d'autrui (Morris et al., 1996), son rôle est important dans les interactions sociales. Des différences significatives sont aussi retrouvées au niveau du cortex orbitofrontal, qui serait impliqué dans les émotions et le système de récompense, mais aussi dans la cognition sociale (Focquaert et Vanneste, 2015; Girgis et al., 2007). Selon ces recherches, il apparaitrait que ces spécificités puissent être à l'origine des difficultés sociales des autistes, que sont le manque de réciprocité socio-émotionnelle, de partage des états émotionnels, les difficultés à établir et maintenir des relations sociales, à ajuster ses comportements en fonction d'autrui et à avoir des réponses sociales adaptées.
Par ailleurs, les personnes touchées par un TSA rencontrent des difficultés dans le contrôle cognitif et plus particulièrement dans les fonctions exécutives (Barbalat, Leboyer, et Zalla, 2014 ; Forgeot d'Arc, 2014). Cela ne se manifeste pas de la même manière chez tous les porteurs de TSA mais on peut retrouver chez ces personnes des troubles de l'inhibition, de la flexibilité, de la planification et de la mémoire de travail. Ceci rentrerait probablement en jeu dans les comportements répétitifs et les intérêts restreints (Thommen, Cartier-Nelles, Guidoux, et Wiesendanger, 2014).
Ainsi, nous pouvons constater que les systèmes émotionnel et cognitif, maturant et posant soucis à l'adolescence sont des systèmes qui rencontrent des perturbations chez les sujets avec TSA.
2.2.2prise de risques dans les troubles du spectre autistique
2.2.2.1Une population préservée
Des recherches ont pu mettre en évidence que la prise de risques était moins importante de manière générale dans la population avec TSA que chez les tout-venant (Ramos et al., 2013; Santosh et Mijovic, 2006) mais les hypothèses explicatives restent ouvertes. L'étude de Ramos pointe des traits de personnalité souvent présents chez les sujets avec TSA, comme l'inhibition, l'introversion ou encore la moindre recherche de sensations fortes, qui pourraient être des facteurs de protection. A l'inverse, des traits comme l'impulsivité ou une forte recherche de sensations seraient des facteurs prédisposant à la prise de risques. Ángel Romero‐Martínez et al. (2015) sont allés plus loin, montrant qu'il existait une relation inverse entre les traits autistiques et la recherche d'expérience (évaluée par une sous-échelle de l'échelle de recherche de sensation), qui serait associée aux comportements à risques.
Les comportements à risques ne sont pour autant pas inexistants chez les sujets avec un TSA SDI, adultes et adolescents, en particulier s'ils ont un TDA/H associé (Kronenberg, Goossens, van Busschbach, van Achterberg, et van den Brink, 2015; Richard C Mulligan, 2014), trouble qui implique, encore une fois, des dysfonctionnements dans les fonctions exécutives (Ae, 2005).
2.2.2.2Des risques présents
Des études ont mis en évidence que certains comportements à risques, notamment la consommation de drogues et d'alcool, pouvaient tout de même se retrouver dans la population avec un TSA SDI mais n'étaient pas toujours bien diagnostiqués, donc probablement sous-estimés, du fait qu'ils n'étaient pas saillants (Clarke, Tickle, et Gillott, 2015; Lalanne, Trojak, Bema, et Bertschy, 2015).
En dépit des facteurs de protection que nous venons de citer, il semblerait exister également des facteurs prédisposants à la prise de risques, telle que la consommation de substances, chez les personnes ayant un TSA SDI. En effet, ces derniers utiliseraient alcool et/ou drogues comme stratégies de coping pour palier certaines difficultés sociales et l'anxiété, souvent présente (Clarke et al., 2015; Lalanne et al., 2015). Bien que les conduites addictives puissent être des pratiques solitaires, elles trouvent généralement leur origine en contexte social, ce qui peut questionner sur les mécanismes d'installation de ces pratiques au sein d'une tranche de la population avec un TSA SDI.
Par ailleurs, Forgeot d'Arc (2014) déclare que, malgré leurs difficultés sociales, « certains aspects de l'influence sociale semblent présents chez les personnes ayant un TSA », notamment, le désir mimétique qui est « l'influence du désir des autres sur nos préférences ».
L'existence de comportement à risques chez des personnes avec un TSA SDI conjointe à une préservation de certains aspects de l'influence sociale, peuvent ainsi suggérer l'existence d'une influence des pairs sur la prise de risques chez ces sujets.
1 Traduction libre du DSM-5
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Asperger diagnostiquée à 30 ans... (pré-diag en 2013 - diag officiel en 2014)
Depuis, a réalisé une licence de psychologie, un master de neuropsychologie et neurosciences et une thèse sur l'autisme.
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Re: Sur les adultes autistes
Autisme Asperger, un diagnostic à l’âge adulte?
Par Ann Mayle 19 avril 2017dans Trouble du spectre de l'autisme2 commentaires sur Autisme Asperger, un diagnostic à l’âge adulte?
Vous êtes assis dans un restaurant[1], en compagnie de personnes de votre connaissance. Les gens autour de vous discutent avec plaisir et aisance. Tout en vous répétant intérieurement les attitudes et les formules d’usage[2], vous échangez un peu avec vos voisins de table. Au bout d’un moment, vous êtes happé par la multitude de voix et de bruits environnants, par les odeurs qui se dégagent de la cuisine et des plateaux transportés par les serveurs, par les mouvements des nombreuses personnes qui se déplacent autour de vous. Vous commencez à éprouver des difficultés à suivre les conversations. Vous tortillez vos doigts, pliez et dépliez un bout de napperon, manipulez n’importe quel petit objet à votre portée. Selon votre degré de fatigue et votre capacité d’endurance de la journée, il se peut que vous vous mettiez à bouger sur votre chaise afin de tenter d’éloigner l’inconfort et les malaises éprouvés. À l’inverse, il est possible que vous adoptiez une posture de retrait proche de l’immobilisme. Dans tous les cas, vous vous efforcez de dissimuler les malaises ressentis, de même que cet ensemble de manifestations. Ce n’est qu’une fois de retour dans votre environnement familier que vous arrivez à vous relâcher. Dans les faits, il s’agit davantage d’un effondrement que d’un relâchement. C’est-à-dire que vous aurez besoin de plusieurs heures, voire de quelques jours de repos, dans la solitude, afin de vous refaire et retrouver l’ensemble de vos fonctionnalités[3].
Apaiser les sens et espacer les interactions pour se rendre disponible
Bien qu’il existe de nombreuses variantes au niveau du vécu et de l’intensité, la scène du restaurant donne un aperçu de ce qui peut se produire pour un adulte Asperger en contexte social. D’un point de vue extérieur, ces personnes peuvent paraître distantes, rudes, un brin décalées, voire snobs ou encore sembler ne pas s’intéresser suffisamment aux autres. En réalité, elles agissent non pas par facilité, caprice ou impolitesse, pas plus qu’elles ne le font exprès. D’un point de vue interne, la personne se démène et cherche des moyens de demeurer présente. Par exemple, lorsqu’une personne Asperger demande qu’on lui réserve un siège qui fait dos au mur dans un restaurant ou mieux encore dans un coin, ce n’est pas pour son bon plaisir, c’est pour limiter les bruits, les odeurs et l’agitation visuelle qui parviennent à ses sens. Lorsqu’une personne Asperger se retire momentanément pendant une fête familiale, que ce soit pour aller cueillir des petits fruits, faire une promenade ou se réfugier quelques minutes dans les toilettes, ce n’est pas parce qu’elle est malpolie, c’est un moyen de diminuer la tension désagréable qu’elle ressent par excès de sollicitations, d’interactions et de refaire son énergie. Ces méthodes ont pour objectif de permettre à la personne de retrouver un équilibre, de se rendre davantage disponible et de participer à l’événement à la mesure de ses capacités du moment.
Une trajectoire développementale
Les manifestations de l’autisme n’apparaissent pas subitement à l’âge adulte, elles suivent une trajectoire développementale. L’adulte qui éprouve des difficultés dans certains contextes sociaux a peut-être d’abord été un adolescent qui passait de longues heures enfermé dans sa chambre devant un écran d’ordinateur, une adolescente cachée derrière ses livres, un petit garçon qui faisait des crises quand sa mère passait l’aspirateur, une petite fille qui se dérobait aux câlins et qui refusait de manger autre chose qu’un morceau de pain et du fromage lorsqu’elle se trouvait en visite chez des membres de la famille. Ces comportements, souvent mal compris de la part de l’entourage pendant l’enfance et l’adolescence[4], tendent à générer des commentaires désobligeants qui peuvent affecter l’estime de la personne. Au point où il peut lui arriver de croire qu’elle n’est pas quelqu’un de bien ou encore qu’elle est inadéquate ou défectueuse. D’où l’importance de mieux sensibiliser à l’autisme et à ses manifestations, et ce, à tous les âges.
Se découvrir Asperger à l’âge adulte
Jusqu’à il y a quelques années, j’étais incapable de traduire et d’exprimer ce que des situations comme celles mentionnées ci-dessus me font vivre de l’intérieur. Je remarquais des différences, mais n’arrivais pas à « lire », à conceptualiser avec justesse ce qui se produisait en moi dans ces moments-là. À la maison, par exemple, je ne supportais pas que mon conjoint ou ma fille ouvre ce que j’appelle une « grosse lumière[5] » le matin. En parallèle, je voyais bien que cela ne leur posait aucun problème. Cette anecdote qui se reproduisait régulièrement était devenue un sujet de taquinerie, comme d’autres du même genre. Pourtant, cette difficulté m’affectait au point où, il y a près de dix ans, nous avons fait installer des gradateurs de lumière dans quelques pièces de la maison lors de rénovations. En réalité, il m’a fallu des années avant de prendre conscience de ce que cela me faisait vivre et d’arriver à le communiquer : allumer une lumière intense le matin me fait le même effet que de me prendre une claque au visage, cela me cause une vive douleur aux yeux! La raison pour laquelle j’ai mis autant de temps à le comprendre est parce que je prenais le problème à l’envers. C’est-à-dire que je me basais sur des points de référence extérieurs dont la réalité est éloignée de la mienne. Dans une scène comme celle-ci ou comme celle du restaurant, je me disais « ces personnes baignent dans le même environnement que toi et elles parviennent à composer avec sans difficulté, tu devrais donc être en mesure de le faire toi aussi ». Cette pensée était renforcée par un ensemble de remarques entendues le long de mon parcours de vie. En résumé, je constatais un décalage, mais je n’arrivais pas à conceptualiser que mon système perceptif et sensoriel ne fonctionnait pas de la même façon que celui de la plupart des gens que je connais ou croise sur ma route. Inversement, aucune de ces personnes n’arrivait à le concevoir véritablement non plus.
Je donne ces exemples se rapportant aux expériences sensorielles, car il s’agit d’un aspect important et pas toujours bien connu de l’autisme[6]. Bien entendu, les différences que je remarquais touchaient d’autres sphères de ma vie, certaines en tant que forces et d’autres en tant que difficultés. Avant de me savoir Asperger, je percevais ces particularités comme des éléments éparpillés impossibles à assembler. Ne sachant pas quoi en faire, je cherchais donc à les dissimuler, tant aux autres, qu’à moi-même. Apprendre son autisme participe à la connaissance et à la reconnaissance de soi. C’est comme un puzzle qui s’assemble, enfin.
Un diagnostic pour quoi faire ?
Imaginez que vous vous procurez un meuble à assembler et que celui-ci vient avec le mode d’emploi d’un autre meuble qui extérieurement lui ressemble, mais dont les mécanismes de fonctionnement internes diffèrent. Vous essayez de le monter à de nombreuses reprises, mais chaque fois quelque chose cloche. Vous vous retrouvez d’une part avec des pièces en trop ou qui ne correspondent pas au plan et d’autre part avec des pièces qui manquent. Au fil des essais, en vous efforçant et en usant d’ingéniosité, le mieux que vous arrivez à faire est de donner à ce meuble l’apparence de celui indiqué dans le mode d’emploi. Imaginez que vous faites cela pendant des années. Vous finissez par développer une expertise dans l’art du camouflage. La plupart des gens qui croisent succinctement le meuble croient vraiment qu’il s’agit de celui indiqué sur le plan qui venait avec la boîte. Cependant, les gens qui côtoient ce meuble de façon régulière remarquent des différences qu’ils n’arrivent pas à se représenter. Sans compter qu’un meuble qui sert à un usage qui n’est pas le sien finit tôt ou tard par montrer des signes de défaillances ou par s’user prématurément[7]. Se découvrir autiste ou Asperger à l’âge adulte ressemble à cette métaphore. C’est se rendre compte qu’on a vécu toute sa vie en se basant sur un mode d’emploi communément admis qui ne correspond pas à son fonctionnement, à sa nature profonde.
Accéder à un mode d’emploi qui nous correspond offre des clés de compréhension qui amènent à se respecter et à se faire respecter davantage, à développer des outils afin d’orienter sa vie et ses actions autrement, soit en meilleure adéquation avec nos particularités. Selon le Dr Laurent Mottron, « le diagnostic de TED[8] est nécessaire avant tout parce que ce diagnostic donne à la personne […] la compréhension rétrospective de ses particularités et un cadre de référence pour les affronter »[9]. Pour les adultes autistes ou Asperger qui en ressentent le besoin, cette démarche est donc essentielle pour poursuivre sa vie, pour vivre mieux[10].
Sensibiliser pour mieux dépister et mieux accompagner
Au début des années 1990, alors que j’étais étudiante au cégep en techniques d’éducation spécialisée, j’ai accompagné des personnes autistes dans le cadre de mes emplois d’été et étudiants[11]. J’ai aimé côtoyer ces personnes et j’ai beaucoup appris à leur contact. Il s’agissait pour la plupart de personnes non verbales, dont la condition atteignait un degré d’intensité qui rendait difficile l’accès à une vie relativement autonome. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme en 1992, le syndrome d’Asperger n’était pas encore connu[12]. Pendant plus de vingt ans, lorsque je pensais à l’autisme, j’avais pour référence ces personnes croisées sur ma route. Je n’ai pris connaissance de la littérature à ce sujet qu’en 2011, lorsqu’un psychologue qui m’accompagnait en psychothérapie m’a parlé d’un possible autisme léger ou de haut niveau me concernant[13]. Comme de nombreux adultes Asperger, le chemin qu’il m’a fallu parcourir pour accéder à une évaluation diagnostic spécialisée s’est avéré long et semé d’embûches[14]. J’ai finalement trouvé accueil auprès d’une ressource spécialisée au privé et j’ai obtenu mon diagnostic au courant de l’année 2015, soit près de quatre ans après le questionnement initial.
Si aujourd’hui je commence à prendre la parole à travers mes écrits, c’est parce que je crois en la nécessité de sensibiliser davantage à ce sujet. Malgré les avancées qui ont eu lieu, le profil adulte Asperger n’apparaît pas toujours bien connu du grand public, ni même des professionnels généraux[15] issus des domaines de la santé et des services sociaux. Je lis régulièrement des témoignages d’adultes qui ont tenté d’aborder le sujet avec leur médecin de famille, leur psychiatre ou leur psychologue et se font dire qu’ils ne peuvent pas être concernés parce qu’ils regardent dans les yeux, qu’ils ont une vie amoureuse ou un travail[16]. Les difficultés associées comme l’anxiété et la dépression sont vues chez ces personnes, mais en raison des apprentissages faits le long de leur parcours de vie, de même que des phénomènes de compensation et de camouflage, le fonctionnement autistique sous-jacent n’est pas perçu, reconnu ou suffisamment pris en compte. Je me réjouis des récentes sorties médiatiques, comme celles de Louis T, Anne-Marie Lacharité et Frédéric Bisson, qui contribuent à faire connaître l’autisme chez l’adulte, tant auprès du grand public, qu’auprès des professionnels généralistes. J’ai moi-même pu bénéficier de ces retombées, dans le sens où un reportage télévisé a ouvert le dialogue avec mon médecin de famille, qui comprend bien mieux ma réalité depuis.
Pour terminer, j’aimerais partager une citation du Dr Laurent Mottron écrite il y a treize ans et qui me paraît toujours d’actualité aujourd’hui : « Pour les TEDSDI[17], l’apprentissage du diagnostic est un acte thérapeutique »[18]. Je suis persuadée que, loin de figer les choses, un diagnostic, suivi d’un accompagnement adéquat peut faire une différence considérable dans la vie d’une personne.
Quelques ressources utiles :
Le livre Le Syndrome d’Asperger, guide complet de Tony Attwood
Mini-guide d’information sur la procédure de recherche d’un diagnostic adulte, par Marie Josée Cordeau : http://www.autisme.qc.ca/assets/files/0 ... %20MJC.pdf
Aspie Québec, groupe de soutien, d’entraide et d’information sur Facebook : https://www.facebook.com/groups/40035595385/
Autres ressources à consulter sur le site de la FQA (Fédération québécoise de l’autisme) : http://www.autisme.qc.ca/tsa/je-suis-au ... dulte.html
____________________
[1] Il est possible de transposer ce scénario dans différents contextes, comme une fête familiale, une conférence, un congrès, une réunion d’équipe au travail, un 5 à 7 entre collègues, une salle de classe, etc.
[2] Une trame de pensées est constamment à l’œuvre en coulisse : rechercher l’endroit le plus calme autour de la table, penser à dire bonjour, à prendre des nouvelles à partir des informations obtenues lors de précédentes discussions, penser à la façon de se tenir, à la meilleure manière de répondre, au temps de réponse, à la relance, etc.
[3] Ce qui ne sera pas porté à la connaissance des gens que vous avez côtoyés.
[4] Ces comportements, ainsi que d’autres, sont souvent attribués à des défauts de caractère, comme des caprices, plutôt qu’à une différence au niveau du fonctionnement neurologique. À ce sujet, j’invite les proches et les professionnels à consulter le document TSA et neurotypiques, Mieux se comprendre produit par L’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie : http://www.srsor.qc.ca/wp-content/uploa ... A-2015.pdf
[5] La lumière d’un plafonnier, par exemple.
[6] « Les personnes avec autisme ont souvent été poussées au-delà de leur seuil de tolérance sensorielle. Cela s’explique souvent par la méconnaissance des gens qui ne comprennent pas à quel point il est douloureux d’être submergé par trop de stimulations visuelles, trop de demandes affectives ou physiques et trop d’attentes de l’environnement. » Citation de Wendy Lawson, dans la préface du livre de Olga Bogdashina, Questions sensorielles et perceptives dans l’Autisme et le Syndrome d’Asperger, AFD Éditions, France, 2013, p. 12.
[7] En transposant dans le champ de l’autisme, on peut penser aux conséquences secondaires d’une condition autistique mal comprise et mal gérée.
[8] L’acronyme TED (trouble envahissant du développement) est aujourd’hui remplacé par TSA (trouble du spectre de l’autisme).
[9] Laurent Mottron, L’autisme, une autre intelligence : Diagnostic, cognition et support thérapeutique des personnes autistes sans déficience intellectuelle, Mardaga, Belgique, 2004, p. 31.
[10] Parmi les nombreux témoignages que j’ai lus, je n’ai vu aucun adulte entreprendre une démarche d’évaluation diagnostic pour le plaisir. La plupart prennent cette décision après avoir rencontré des difficultés conséquentes, comme un épuisement professionnel, une dépression, des difficultés d’intégration, des difficultés interpersonnelles, une anxiété prégnante difficilement soulagée par les moyens usuels, des impasses rencontrées lors de précédents essais thérapeutiques, etc.
[11] J’ai fait d’autres études par la suite et ne travaille plus directement dans ce domaine.
[12] Le syndrome d’Asperger est apparu en 1994 dans la nomenclature du DSM-IV (manuel diagnostic). Depuis la sortie du DSM-5 en 2013, on parle de TSA (trouble du spectre de l’autisme) niveau 1. Cependant, le terme syndrome d’Asperger continue d’être utilisé dans le langage courant tant par les personnes concernées, que par les proches et les professionnels.
[13] Depuis, j’ai lu de nombreux ouvrages, articles et témoignages sur le sujet.
[14] Pour un exemple de parcours, voir celui raconté par Marie-Josée Cordeau dans l’article Adulte autiste, désolé, pas de diagnostic pour toi ! à l’adresse suivante : http://quebec.huffingtonpost.ca/marie-j ... 54480.html
[15] Entendre ici non spécialisés en autisme.
[16] Certains clichés ont la vie dure. En 2004, Laurent Mottron (op. cit., p. 43) écrivait que « Le diagnostic de TED n’est pas invalidé par la découverte que certains signes se sont amendés. […] Certains symptômes de l’autisme comme l’évitement du regard ou l’automutilation tendent à se normaliser au cours du développement chez la majorité des personnes autistes sans déficience intellectuelle. Cela est d’autant plus net que le niveau de développement atteint ou l’âge chronologique est élevé. »
[17] Aujourd’hui on parle de TSA sans DI (trouble du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle).
[18] Laurent Mottron, op. cit., p. 31.
http://www.regard9.ca/blogueR9/2017/04/ ... ic-adulte/
Par Ann Mayle 19 avril 2017dans Trouble du spectre de l'autisme2 commentaires sur Autisme Asperger, un diagnostic à l’âge adulte?
Vous êtes assis dans un restaurant[1], en compagnie de personnes de votre connaissance. Les gens autour de vous discutent avec plaisir et aisance. Tout en vous répétant intérieurement les attitudes et les formules d’usage[2], vous échangez un peu avec vos voisins de table. Au bout d’un moment, vous êtes happé par la multitude de voix et de bruits environnants, par les odeurs qui se dégagent de la cuisine et des plateaux transportés par les serveurs, par les mouvements des nombreuses personnes qui se déplacent autour de vous. Vous commencez à éprouver des difficultés à suivre les conversations. Vous tortillez vos doigts, pliez et dépliez un bout de napperon, manipulez n’importe quel petit objet à votre portée. Selon votre degré de fatigue et votre capacité d’endurance de la journée, il se peut que vous vous mettiez à bouger sur votre chaise afin de tenter d’éloigner l’inconfort et les malaises éprouvés. À l’inverse, il est possible que vous adoptiez une posture de retrait proche de l’immobilisme. Dans tous les cas, vous vous efforcez de dissimuler les malaises ressentis, de même que cet ensemble de manifestations. Ce n’est qu’une fois de retour dans votre environnement familier que vous arrivez à vous relâcher. Dans les faits, il s’agit davantage d’un effondrement que d’un relâchement. C’est-à-dire que vous aurez besoin de plusieurs heures, voire de quelques jours de repos, dans la solitude, afin de vous refaire et retrouver l’ensemble de vos fonctionnalités[3].
Apaiser les sens et espacer les interactions pour se rendre disponible
Bien qu’il existe de nombreuses variantes au niveau du vécu et de l’intensité, la scène du restaurant donne un aperçu de ce qui peut se produire pour un adulte Asperger en contexte social. D’un point de vue extérieur, ces personnes peuvent paraître distantes, rudes, un brin décalées, voire snobs ou encore sembler ne pas s’intéresser suffisamment aux autres. En réalité, elles agissent non pas par facilité, caprice ou impolitesse, pas plus qu’elles ne le font exprès. D’un point de vue interne, la personne se démène et cherche des moyens de demeurer présente. Par exemple, lorsqu’une personne Asperger demande qu’on lui réserve un siège qui fait dos au mur dans un restaurant ou mieux encore dans un coin, ce n’est pas pour son bon plaisir, c’est pour limiter les bruits, les odeurs et l’agitation visuelle qui parviennent à ses sens. Lorsqu’une personne Asperger se retire momentanément pendant une fête familiale, que ce soit pour aller cueillir des petits fruits, faire une promenade ou se réfugier quelques minutes dans les toilettes, ce n’est pas parce qu’elle est malpolie, c’est un moyen de diminuer la tension désagréable qu’elle ressent par excès de sollicitations, d’interactions et de refaire son énergie. Ces méthodes ont pour objectif de permettre à la personne de retrouver un équilibre, de se rendre davantage disponible et de participer à l’événement à la mesure de ses capacités du moment.
Une trajectoire développementale
Les manifestations de l’autisme n’apparaissent pas subitement à l’âge adulte, elles suivent une trajectoire développementale. L’adulte qui éprouve des difficultés dans certains contextes sociaux a peut-être d’abord été un adolescent qui passait de longues heures enfermé dans sa chambre devant un écran d’ordinateur, une adolescente cachée derrière ses livres, un petit garçon qui faisait des crises quand sa mère passait l’aspirateur, une petite fille qui se dérobait aux câlins et qui refusait de manger autre chose qu’un morceau de pain et du fromage lorsqu’elle se trouvait en visite chez des membres de la famille. Ces comportements, souvent mal compris de la part de l’entourage pendant l’enfance et l’adolescence[4], tendent à générer des commentaires désobligeants qui peuvent affecter l’estime de la personne. Au point où il peut lui arriver de croire qu’elle n’est pas quelqu’un de bien ou encore qu’elle est inadéquate ou défectueuse. D’où l’importance de mieux sensibiliser à l’autisme et à ses manifestations, et ce, à tous les âges.
Se découvrir Asperger à l’âge adulte
Jusqu’à il y a quelques années, j’étais incapable de traduire et d’exprimer ce que des situations comme celles mentionnées ci-dessus me font vivre de l’intérieur. Je remarquais des différences, mais n’arrivais pas à « lire », à conceptualiser avec justesse ce qui se produisait en moi dans ces moments-là. À la maison, par exemple, je ne supportais pas que mon conjoint ou ma fille ouvre ce que j’appelle une « grosse lumière[5] » le matin. En parallèle, je voyais bien que cela ne leur posait aucun problème. Cette anecdote qui se reproduisait régulièrement était devenue un sujet de taquinerie, comme d’autres du même genre. Pourtant, cette difficulté m’affectait au point où, il y a près de dix ans, nous avons fait installer des gradateurs de lumière dans quelques pièces de la maison lors de rénovations. En réalité, il m’a fallu des années avant de prendre conscience de ce que cela me faisait vivre et d’arriver à le communiquer : allumer une lumière intense le matin me fait le même effet que de me prendre une claque au visage, cela me cause une vive douleur aux yeux! La raison pour laquelle j’ai mis autant de temps à le comprendre est parce que je prenais le problème à l’envers. C’est-à-dire que je me basais sur des points de référence extérieurs dont la réalité est éloignée de la mienne. Dans une scène comme celle-ci ou comme celle du restaurant, je me disais « ces personnes baignent dans le même environnement que toi et elles parviennent à composer avec sans difficulté, tu devrais donc être en mesure de le faire toi aussi ». Cette pensée était renforcée par un ensemble de remarques entendues le long de mon parcours de vie. En résumé, je constatais un décalage, mais je n’arrivais pas à conceptualiser que mon système perceptif et sensoriel ne fonctionnait pas de la même façon que celui de la plupart des gens que je connais ou croise sur ma route. Inversement, aucune de ces personnes n’arrivait à le concevoir véritablement non plus.
Je donne ces exemples se rapportant aux expériences sensorielles, car il s’agit d’un aspect important et pas toujours bien connu de l’autisme[6]. Bien entendu, les différences que je remarquais touchaient d’autres sphères de ma vie, certaines en tant que forces et d’autres en tant que difficultés. Avant de me savoir Asperger, je percevais ces particularités comme des éléments éparpillés impossibles à assembler. Ne sachant pas quoi en faire, je cherchais donc à les dissimuler, tant aux autres, qu’à moi-même. Apprendre son autisme participe à la connaissance et à la reconnaissance de soi. C’est comme un puzzle qui s’assemble, enfin.
Un diagnostic pour quoi faire ?
Imaginez que vous vous procurez un meuble à assembler et que celui-ci vient avec le mode d’emploi d’un autre meuble qui extérieurement lui ressemble, mais dont les mécanismes de fonctionnement internes diffèrent. Vous essayez de le monter à de nombreuses reprises, mais chaque fois quelque chose cloche. Vous vous retrouvez d’une part avec des pièces en trop ou qui ne correspondent pas au plan et d’autre part avec des pièces qui manquent. Au fil des essais, en vous efforçant et en usant d’ingéniosité, le mieux que vous arrivez à faire est de donner à ce meuble l’apparence de celui indiqué dans le mode d’emploi. Imaginez que vous faites cela pendant des années. Vous finissez par développer une expertise dans l’art du camouflage. La plupart des gens qui croisent succinctement le meuble croient vraiment qu’il s’agit de celui indiqué sur le plan qui venait avec la boîte. Cependant, les gens qui côtoient ce meuble de façon régulière remarquent des différences qu’ils n’arrivent pas à se représenter. Sans compter qu’un meuble qui sert à un usage qui n’est pas le sien finit tôt ou tard par montrer des signes de défaillances ou par s’user prématurément[7]. Se découvrir autiste ou Asperger à l’âge adulte ressemble à cette métaphore. C’est se rendre compte qu’on a vécu toute sa vie en se basant sur un mode d’emploi communément admis qui ne correspond pas à son fonctionnement, à sa nature profonde.
Accéder à un mode d’emploi qui nous correspond offre des clés de compréhension qui amènent à se respecter et à se faire respecter davantage, à développer des outils afin d’orienter sa vie et ses actions autrement, soit en meilleure adéquation avec nos particularités. Selon le Dr Laurent Mottron, « le diagnostic de TED[8] est nécessaire avant tout parce que ce diagnostic donne à la personne […] la compréhension rétrospective de ses particularités et un cadre de référence pour les affronter »[9]. Pour les adultes autistes ou Asperger qui en ressentent le besoin, cette démarche est donc essentielle pour poursuivre sa vie, pour vivre mieux[10].
Sensibiliser pour mieux dépister et mieux accompagner
Au début des années 1990, alors que j’étais étudiante au cégep en techniques d’éducation spécialisée, j’ai accompagné des personnes autistes dans le cadre de mes emplois d’été et étudiants[11]. J’ai aimé côtoyer ces personnes et j’ai beaucoup appris à leur contact. Il s’agissait pour la plupart de personnes non verbales, dont la condition atteignait un degré d’intensité qui rendait difficile l’accès à une vie relativement autonome. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme en 1992, le syndrome d’Asperger n’était pas encore connu[12]. Pendant plus de vingt ans, lorsque je pensais à l’autisme, j’avais pour référence ces personnes croisées sur ma route. Je n’ai pris connaissance de la littérature à ce sujet qu’en 2011, lorsqu’un psychologue qui m’accompagnait en psychothérapie m’a parlé d’un possible autisme léger ou de haut niveau me concernant[13]. Comme de nombreux adultes Asperger, le chemin qu’il m’a fallu parcourir pour accéder à une évaluation diagnostic spécialisée s’est avéré long et semé d’embûches[14]. J’ai finalement trouvé accueil auprès d’une ressource spécialisée au privé et j’ai obtenu mon diagnostic au courant de l’année 2015, soit près de quatre ans après le questionnement initial.
Si aujourd’hui je commence à prendre la parole à travers mes écrits, c’est parce que je crois en la nécessité de sensibiliser davantage à ce sujet. Malgré les avancées qui ont eu lieu, le profil adulte Asperger n’apparaît pas toujours bien connu du grand public, ni même des professionnels généraux[15] issus des domaines de la santé et des services sociaux. Je lis régulièrement des témoignages d’adultes qui ont tenté d’aborder le sujet avec leur médecin de famille, leur psychiatre ou leur psychologue et se font dire qu’ils ne peuvent pas être concernés parce qu’ils regardent dans les yeux, qu’ils ont une vie amoureuse ou un travail[16]. Les difficultés associées comme l’anxiété et la dépression sont vues chez ces personnes, mais en raison des apprentissages faits le long de leur parcours de vie, de même que des phénomènes de compensation et de camouflage, le fonctionnement autistique sous-jacent n’est pas perçu, reconnu ou suffisamment pris en compte. Je me réjouis des récentes sorties médiatiques, comme celles de Louis T, Anne-Marie Lacharité et Frédéric Bisson, qui contribuent à faire connaître l’autisme chez l’adulte, tant auprès du grand public, qu’auprès des professionnels généralistes. J’ai moi-même pu bénéficier de ces retombées, dans le sens où un reportage télévisé a ouvert le dialogue avec mon médecin de famille, qui comprend bien mieux ma réalité depuis.
Pour terminer, j’aimerais partager une citation du Dr Laurent Mottron écrite il y a treize ans et qui me paraît toujours d’actualité aujourd’hui : « Pour les TEDSDI[17], l’apprentissage du diagnostic est un acte thérapeutique »[18]. Je suis persuadée que, loin de figer les choses, un diagnostic, suivi d’un accompagnement adéquat peut faire une différence considérable dans la vie d’une personne.
Quelques ressources utiles :
Le livre Le Syndrome d’Asperger, guide complet de Tony Attwood
Mini-guide d’information sur la procédure de recherche d’un diagnostic adulte, par Marie Josée Cordeau : http://www.autisme.qc.ca/assets/files/0 ... %20MJC.pdf
Aspie Québec, groupe de soutien, d’entraide et d’information sur Facebook : https://www.facebook.com/groups/40035595385/
Autres ressources à consulter sur le site de la FQA (Fédération québécoise de l’autisme) : http://www.autisme.qc.ca/tsa/je-suis-au ... dulte.html
____________________
[1] Il est possible de transposer ce scénario dans différents contextes, comme une fête familiale, une conférence, un congrès, une réunion d’équipe au travail, un 5 à 7 entre collègues, une salle de classe, etc.
[2] Une trame de pensées est constamment à l’œuvre en coulisse : rechercher l’endroit le plus calme autour de la table, penser à dire bonjour, à prendre des nouvelles à partir des informations obtenues lors de précédentes discussions, penser à la façon de se tenir, à la meilleure manière de répondre, au temps de réponse, à la relance, etc.
[3] Ce qui ne sera pas porté à la connaissance des gens que vous avez côtoyés.
[4] Ces comportements, ainsi que d’autres, sont souvent attribués à des défauts de caractère, comme des caprices, plutôt qu’à une différence au niveau du fonctionnement neurologique. À ce sujet, j’invite les proches et les professionnels à consulter le document TSA et neurotypiques, Mieux se comprendre produit par L’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie : http://www.srsor.qc.ca/wp-content/uploa ... A-2015.pdf
[5] La lumière d’un plafonnier, par exemple.
[6] « Les personnes avec autisme ont souvent été poussées au-delà de leur seuil de tolérance sensorielle. Cela s’explique souvent par la méconnaissance des gens qui ne comprennent pas à quel point il est douloureux d’être submergé par trop de stimulations visuelles, trop de demandes affectives ou physiques et trop d’attentes de l’environnement. » Citation de Wendy Lawson, dans la préface du livre de Olga Bogdashina, Questions sensorielles et perceptives dans l’Autisme et le Syndrome d’Asperger, AFD Éditions, France, 2013, p. 12.
[7] En transposant dans le champ de l’autisme, on peut penser aux conséquences secondaires d’une condition autistique mal comprise et mal gérée.
[8] L’acronyme TED (trouble envahissant du développement) est aujourd’hui remplacé par TSA (trouble du spectre de l’autisme).
[9] Laurent Mottron, L’autisme, une autre intelligence : Diagnostic, cognition et support thérapeutique des personnes autistes sans déficience intellectuelle, Mardaga, Belgique, 2004, p. 31.
[10] Parmi les nombreux témoignages que j’ai lus, je n’ai vu aucun adulte entreprendre une démarche d’évaluation diagnostic pour le plaisir. La plupart prennent cette décision après avoir rencontré des difficultés conséquentes, comme un épuisement professionnel, une dépression, des difficultés d’intégration, des difficultés interpersonnelles, une anxiété prégnante difficilement soulagée par les moyens usuels, des impasses rencontrées lors de précédents essais thérapeutiques, etc.
[11] J’ai fait d’autres études par la suite et ne travaille plus directement dans ce domaine.
[12] Le syndrome d’Asperger est apparu en 1994 dans la nomenclature du DSM-IV (manuel diagnostic). Depuis la sortie du DSM-5 en 2013, on parle de TSA (trouble du spectre de l’autisme) niveau 1. Cependant, le terme syndrome d’Asperger continue d’être utilisé dans le langage courant tant par les personnes concernées, que par les proches et les professionnels.
[13] Depuis, j’ai lu de nombreux ouvrages, articles et témoignages sur le sujet.
[14] Pour un exemple de parcours, voir celui raconté par Marie-Josée Cordeau dans l’article Adulte autiste, désolé, pas de diagnostic pour toi ! à l’adresse suivante : http://quebec.huffingtonpost.ca/marie-j ... 54480.html
[15] Entendre ici non spécialisés en autisme.
[16] Certains clichés ont la vie dure. En 2004, Laurent Mottron (op. cit., p. 43) écrivait que « Le diagnostic de TED n’est pas invalidé par la découverte que certains signes se sont amendés. […] Certains symptômes de l’autisme comme l’évitement du regard ou l’automutilation tendent à se normaliser au cours du développement chez la majorité des personnes autistes sans déficience intellectuelle. Cela est d’autant plus net que le niveau de développement atteint ou l’âge chronologique est élevé. »
[17] Aujourd’hui on parle de TSA sans DI (trouble du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle).
[18] Laurent Mottron, op. cit., p. 31.
http://www.regard9.ca/blogueR9/2017/04/ ... ic-adulte/
Enfin diagnostiquée Syndrome d'Asperger à 36 ans ! et TDA(H) à 38 ans !
http://hors-competition.over-blog.com
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Re: Sur les adultes autistes
Une excellente explication des TSA qui peut faire référence, je ne connaissais pas.rainbow citant [i]Autisme Asperger, un diagnostic à l’âge adulte?[/i] par Ann Mayle a écrit :j’invite les proches et les professionnels à consulter le document TSA et neurotypiques, Mieux se comprendre produit par L’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie : http://www.srsor.qc.ca/wp-content/uploa ... A-2015.pdf
TSA de type syndrome d'Asperger (03/2017) + HQI (11/2016).
4 enfants adultes avec quelques traits me ressemblant, dont 1 avec diagnostic TSA et 1 au début du parcours de diagnostic.
4 enfants adultes avec quelques traits me ressemblant, dont 1 avec diagnostic TSA et 1 au début du parcours de diagnostic.
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Re: Sur les adultes autistes
Merci beaucoup rainbow pour cet extrait.
Je viens d'arriver sur le forum, et cette scène du restaurant, je ne la connais que trop... ça me donne les larmes aux yeux de lire ça tout autant que ça me soulage presque de savoir que je ne suis pas folle et que d'autres peuvent ressentir et agir de la même façon dans ce contexte, avec une telle précision dans l'analogie!
Je viens d'arriver sur le forum, et cette scène du restaurant, je ne la connais que trop... ça me donne les larmes aux yeux de lire ça tout autant que ça me soulage presque de savoir que je ne suis pas folle et que d'autres peuvent ressentir et agir de la même façon dans ce contexte, avec une telle précision dans l'analogie!
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Re: Sur les adultes autistes
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Diagnostiqué autiste en l'été 2014
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Re: Sur les adultes autistes
http://www.srsor.qc.ca/wp-content/uploa ... A-2015.pdf
J'avais lu ce document, peut-être même sur ce forum...et je l'avais aussi trouvé intéressant notamment parce qu'il est étayé d'exemples bien précis.
J'avais lu ce document, peut-être même sur ce forum...et je l'avais aussi trouvé intéressant notamment parce qu'il est étayé d'exemples bien précis.
" Etre différent, c'est normal ! "
Maman d'un ado, diagnostiqué TSA (AHN) en janvier 2016,
à l'âge de 9 ans - TDA confirmé par les tests en mars 2017
Egalement épouse d'un homme au fonctionnement "atypique".
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Re: Sur les adultes autistes
Aby, ton lien ne fonctionne pas
J'aimerais bien consulter le document que tu mentionnes.
Peux-tu le remettre ?
J'aimerais bien consulter le document que tu mentionnes.
Peux-tu le remettre ?
diagnostiquée autiste - TDAH - fibromyalgie - dyspraxie - TCA - etc.
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Re: Sur les adultes autistes
Pareil ...MlleHulotte a écrit :Aby, ton lien ne fonctionne pas
J'aimerais bien consulter le document que tu mentionnes.
Peux-tu le remettre ?
Ça me met cette page d'erreur !
Vous n’avez pas les permissions nécessaires pour voir les fichiers joints à ce message.
Aspi.
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Re: Sur les adultes autistes
Oups, pardon ; c'était simplement le lien de Rainbow cité par Olivierth.
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Re: Sur les adultes autistes
OlivierfhAby a écrit :Oups, pardon ; c'était simplement le lien de Rainbow cité par Olivierth.
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