"La Lettre des Neurosciences" - n°41 Automne-Hiver 2011 - dossier Quoi de neuf sur l'Autisme ? – pp.17-18
MÉCANISMES MIROIR ET AUTISME : L’ŒUF, LA POULE, OU LES EFFETS COLLATÉRAUX ?
Nouchine Hadjikhani (Brain Mind Institute (EPFL), Lausanne, Suisse)
Extrait :
Que peut-on tirer de ces constatations ?
Premièrement, il faut se garder de vouloir tisser un lien de causalité entre les observations effectuées et les symptômes : la plupart, sinon toutes ces études sont des observations uniques, et non le suivi d’une évolution au cours du temps. Il est donc pour le moment impossible de dire si, par exemple, les différences anatomiques observées sont la cause des symptômes, ou la conséquence d’une sous-utilisation de ces fonctions. On sait que le système des mécanismes miroirs est déjà normalement présent à la naissance, comme le démontre l’imitation automatique d’actions faciales telles que tirer la langue par le nouveau né. On peut imaginer dans le futur que des études prospectives, par exemple dans des familles à risque, pourraient nous éclairer sur la présence d’un déficit précoce de ces fonctions chez le jeune enfant.
Deuxièmement, le mécanisme de couplage perception/action, même s'il est déjà présent à la naissance, doit être développé et maintenu, et l’on sait qu’il est sujet à une grande plasticité, comme le démontre par exemple la différence d’engagement du système miroir dans une étude chez des danseurs spécialisés observant leur propre style de danse ou celui d’une autre qu’ils ne pratiquent pas. Il est possible que chez l’enfant autiste, un autre mécanisme tel qu’une anomalie du système de récompense, ou une anomalie de la voie visuelle sous-corticale menant à une anomalie de la perception des visages entraîne un manque d’intérêt pour les stimuli sociaux voire une aversion, et qu’en conséquence la mise en place des mécanismes miroirs sociaux ne se fasse pas normalement.
Des études récentes ont pu démontrer une amélioration de la fonction de certaines zones miroirs avec l’âge chez les personnes autistes, liée à une amélioration du comportement social, démontrant par là qu’on est probablement non seulement en présence d’un délai de maturation plutôt que d’un système irrévocablement perdu, mais encore qu’une certaine plasticité cérébrale continue au cours du développement chez les adolescents et les adultes.
On peut donc imaginer qu’une prise en charge précoce associée à un entraînement des fonctions d’imitation, y compris des expressions émotionnelles, puisse permettre d’améliorer plus tôt ces fonctions chez le jeune enfant et lui permettre d’acquérir de meilleures compétences sociales.
Finalement, il faut garder en mémoire que si un modèle postulant le dysfonctionnement des mécanismes miroirs peut, dans une certaine mesure, nous aider à comprendre les aspects sociaux et de communication dans l’autisme, il ne nous aide pas vraiment à expliquer le troisième pilier de la triade autistique qu’est la présence d’intérêts restreints et de comportements répétitifs.